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Archive for the ‘Politique’ Category

L’ennui, avec le Canard Enchaîné, c’est que c’est tellement gros qu’on a parfois du mal à le croire. Ainsi, lorsque l’hebdo satirique décrit avec force et détail le contenu du repas d’adieu de Stéphane Duhamel, ex-pédégé de La Provence, viré avec Gilles Dauxerre, ancien directeur de la publication, par le nouveau propriétaire du journal, Philippe Hersant, repas organisé à la mairie par Jean-Claude Gaudin. Ce dernier lui a d’abord assuré qu’il n’était pour rien dans son départ. Le maire de Marseille, aidé en cela par Christian Estrosi, avait beaucoup milité pour le retrait de Lagardère de ses journaux du Sud (Nice Matin, La Provence, Corse Matin…) ne se traduise pas par l’arrivée du groupe britannique Mecom mais plutôt par celle de Philippe Hersant.

Et, en effet, le Hersant en question a tout de suite rassuré Gaudin sur sa docilité : il a ainsi embauché Bruno Genzana dans une de ses filiales, le gratuit Paru Vendu. Genzana n’est autre que le chef de file de l’UMP au Conseil général présidée par Jean-Noël Guérini, opposant socialiste à la mairie de Marseille. Dans la foulée, le décidément très compréhensif Hersant a recruté Guy Philip, ancien directeur de la communication de Gaudin, pour diriger le Groupe Hersant Médias (GHM), structure qui chapeautera les journaux rachetés à Lagardère. Bien entendu, que les esprits mal placés soient châtiés, l’homme en question n’aura aucun regard sur le contenu éditorial puisqu’il sera en charge du développement. Mais là, tout de même, la coïncidence est troublante.

A Marseille, il existait avant une presse d’opinion, un peu balourde, dont je vous conseille la lecture, histoire de balayer cette catin de nostalgie qui veut nous faire croire qu’avant c’était mieux. Pas une Une du Provençal sans que le Lion Defferre n’y jette un œil (maire de Marseille et, occasionnellement, ministre de l’Intérieur). On évoque le souvenir parfois avec une pointe de larme au coin de l’œil, pour poser le personnage. Le Méridional a été un torchis raciste sous l’impulsion de sieur Domenech. Mais la droite gaudiniste donnait elle aussi ses petits coups de fil pour tancer des journalistes récalcitrants. Et les supérieurs descendaient des étages pour recadrer la « charte » rédactionnelle : lui, c’est un ami ; lui, non… Un petit mot sur La Marseillaise où, quand le PC est tonitruant sur Marseille, la moindre virgule était pesée à l’angström par le comité central local. La liberté de la presse locale, c’était déjà du pipeau. Et même Le Pavé, que j’eus l’immense honneur de mener vers sa fin annoncée, dut faire, soyons honnêtes, quelques petites acrobaties sémantiques pour que les pouvoirs industriels et politiques ne retirent pas leur pub.

Aujourd’hui, à l’heure des fusions, la mise sous tutelle est plus pernicieuse. Car la presse locale n’est plus lue. Elle tient essentiellement grâce aux pages de pub. Alors, en arrière-fond, l’information est sous-pesée, les dossiers de fond expédiés aux oubliettes, les évidences contournées, etc. On regarde ailleurs. On évoque autour du café entre journalistes la chimère d’une presse courageuse qui ne serait qu’une presse normale. C’est ainsi. Les bons journalistes font autre chose, se convertissent à d’autres pratiques. Le champ est libre pour Hersant et compagnie. Le plus triste avec ce type d’infos publiés dans le Canard Enchaîné, c’est sa manière de couler, de passer, de ne rien accrocher au débat sur Marseille, comme si nous vivions dans une contrée profonde de la Sibérie et que le Canard Enchaîné avait du mal à y être acheminé. Comme si cet article intitulé « Gaudin joue déjà à la belote avec Hersant » dans l’édition du 30 janvier, posant un regard inquiétant sur l’état de la démocratie à Marseille, ne nous concernait pas. Comme si nous avions admis qu’il ne servait plus à rien de se battre pour s’occuper de cette petite proximité d’en bas de chez soi. Comme si nous avions admis que, du Canard Enchaîné ou de Jean-Claude Gaudin, le menteur, l’excessif, c’était le premier. A ce rythme, face à notre passivité, à notre pusillanimité, nous basculons progressivement, sournoisement, dans le non-débat, dans une presse camomille qui sert à endormir tout le monde, qui sert à anesthésier les antagonismes, qui sert à se convaincre qu’il ne sert à rien de s’exciter pour quelques arpents de dignité humaine gagnés sur les puissances de l’argent et des réseaux qu’elles alimentent. Les journalistes de La Provence font ce qu’ils peuvent. Le Syndicat national des journalistes s’est ému de l’article, a réclamé des garanties sur l’indépendance des journalistes. Ils font ce qu’ils peuvent, le minimum syndical (les journalistes de La Tribune s’étaient mis en grève).

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www.m6info.frCe qui est étonnant, dans la stratégie de suroccupation de l’espace médiatique de Nicolas Sarkozy, c’est qu’il ne se soit visiblement pas doté de spécialistes de la saturation d’exposition. Etre partout peut être bénéfique si et seulement si les résultats confortent ce bougisme.

Dans le cas présent, le côté faraud, un tantinet mariole de Sarkozy, du genre « je n’ai pas été élu pour ne rien faire », ce qui tapisse de poujadisme pour l’hiver tous les anciens présidents de la Ve en laissant supposer que ce n’est pas la difficulté de la tâche qui est élevée mais la molesse coupable de ces derniers, bref, Sarkozy a pris de vitesse… Sarkozy.

Etonnante inexpérience d’un homme qui a cru pouvoir dompter le temps politique, qui a cru, d’une certaine manière, que dire, c’était aussi faire… Bref, Sarkozy est pris à son propre piège. Et les résultats se faisant attendre, il risque fort de se retrouver dans cette situation paradoxale d’un choc fiscal espéré « désentimentalisé » avant même sa mise en œuvre (le 1er octobre).

Speedy Sarko va trop vite, même pour lui… Effet boomerang garanti : le peuple qui l’a porté aux nues attend les 3 % de croissance pour bientôt. Les effets de manche vont finir par ne plus suffire.

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www.agoravox.fr/IMG/Sarkozy_manager.jpgLa stratégie d’ouverture de Nicolas Sarkozy révèle une ambiguïté fondamentale du débat démocratique : la mise à nu de l’artificialité des antagonismes martelés lors des campagnes électorales. Si l’ouverture est si facile à mettre en œuvre, c’est parce qu’elle s’appuie sur un non-dit souverain : au-delà des démarcations sur le bien-fondé d’une politique, les Français ont l’intime conviction que la monochromie programmatique dessert les intérêts collectifs de la France.

Certes, une action politique ou sociale s’arrime au corpus d’une école de pensée dont les racines dessinent une appartenance politique. Mais, pour une grande majorité de Français, cette unilatéralité idéologique, siège d’une seule et unique vertu agissante, n’a plus cours. Pis encore, elle est dangereuse. Ce ne sont plus l’UMP ou le PS qui détiennent les clés d’une réussite politique, mais un peu des deux. Et la présidentialisation rampante de nos institutions va, de fait, renforcer ce mode de gouvernance.

Bien entendu, il existera toujours des campagnes électorales, où la part démagogique (une forme de scénarisation du culturisme idéologique) se taillera une place toujours importante, mais les futurs vainqueurs à la conquête du Graal présidentiel seront ceux qui, à l’évidence, auront su faire résonner dans leur campagne la douce mélodie syncrétique.

Le comportement électoral des Français s’apparente de plus en plus à un consumérisme durable. Ces derniers ont universalisé d’une certaine manière le rapport qu’ils entretiennent avec un élu de proximité. Qu’un élu soit de gauche ou de droite relève de plus en plus de l’anecdote, pourvu qu’il soit habité par le bon sens, que les équipements publics répondent aux attentes, que les rues soient propres, que les problématiques sociétales soient inscrites dans des réponses ajustées aux craintes d’un pays qui craint plus la mondialisation que la Chine ! C’est ce besoin de maternage, de réassurance à travers un projet réunificateur que les Français apprécient dans le comportement stratégique de Nicolas Sarkozy. Et contrairement à ce qui est dit, le dépeçage en règle du PS est plus une chance pour ce dernier que le contraire puisqu’il va activer la nécessité d’un élan refondateur au sein d’un parti dont le logiciel n’a pas seulement dysfonctionné mais a été purement et simplement volé.

La seule question haletante aujourd’hui est la suivante : ce pari de l’œcuménisme parviendra-t-il à trouver sa matérialisation resplendissante dans les faits ? Le pari de la mixité idéologique est-il jouable dans une confrontation de partis menacée par l’effacement des distinctions ? Nicolas Sarkozy ne fait finalement que préempter une révolution mentale de la pensée politique de la France, rendue possible par l’échec du crypto-marxisme et la dureté doctrinale de l’hyperlibéralisme.

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http://hebdo.parti-socialiste.frLe putsch a donc eu lieu. Il est venu d’un côté inattendu, d’un homme à l’élégance discrète mais ferme : Jean-Marc Ayrault. Celui qui est à la tête du groupe socialiste depuis dix ans a ainsi voulu démontrer que s’inscrire dans la durée n’est contre-productif que si les leçons de l’échec ne sont pas apprises par cœur.

Jean-Luc Mélenchon, dont le seul rôle aujourd’hui au sein du Parti socialiste est de colorer de saillies bien pensées les ambiances d’enterrement de la rue de Solférino avec une dose de cynisme carnassier, avait accusé Ségolène Royal de vouloir intenter un putsch lors du dernier conseil national du PS.

Eh bien, le putsch a eu lieu à l’extérieur, dans le cadre solennel de l’Assemblée nationale.
D’un seul coup, l’affirmation d’une volonté d’opposition, d’une envie de politique, est apparue. D’un coup, la gangue des métalangages socialisants s’est comme flétrie sous le simple assaut formel d’une geste que le peuple de gauche attend depuis belle lurette : l’art du pas de côté, le simple fait de se garer quelques minutes sur le bas côté parce que l’on sent bien que l’on s’est égaré, qu’il faut reprendre la carte de sa propre navigation.
D’un seul coup, les papys flingueurs des concélébrations systémiques du PS, les chefs de clans, les fossoyeurs du progressisme se sont tassés sur la photo. A force d’immobilisme, à force de psitaccisme, à force de mutité, la momification guette.

Par exemple, j’ai le plus grand respect pour l’excellence de DSK. Mais comment décrypter aujourd’hui le sentiment qu’il donne de laisser le vide redistribuer les cartes ? Le PS donne l’image troublante d’une communauté qui chute sans vouloir se rattraper à une branche. Ces hommes d’écuries doivent impérativement sortir de leur club, aller prendre un peu l’air, calmer les énergies jésuitiques de leurs vassaux. Ils s’abrutissent de leur propre génie. DSK est sans doute l’un des meilleurs économistes que compte ce pays. Et alors ? Qui le sait ?

Alors, bravo, Jean-Marc Ayrault ! Merci de faire naître des visages, des possibilités de réponses critiques au monde tel qu’il est, de rendre perceptible la possibilité de débats contradictoires sans lesquelles nos belles démocraties basculeraient dans de scabreuses homothéties antagonistes. Merci de sortir le PS de son misonéisme (peur de la modernité) papelard (1).

Le Parti socialiste ne doit plus cultiver l’ambiguïté schizophrène : il est progressiste ou n’est pas. D’ailleurs, le plus grand charognard de l’affaiblissement du PS, alias Nicolas Sarkozy, en a fait une chasse présidentielle : il a récupéré ce qu’il y a de plus moderne et d’enfreint dans cette gauche frappée d’hémiplégie.

Prochaine étape : passer de la nécessité de la refondation à l’instillation dans le débat public de propositions concrètes et audibles venues du cabinet noir. La matière critique existe, il suffit de la manufacturer…

(1) J’adore les mots, depuis tout petit. Longtemps, je les ai gardés dans une besace secrète, craignant le reproche de la préciosité. Puis je me suis dit il y a peu que la vitalité de langue française passait par l’incandescence de son formidable polymorphisme. Je vous donnerai donc les définitions pour sauver l’essentiel, à savoir la compréhension d’une démonstration. On « deale » comme ça ?

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http://www.jacquesmarseille.frLongtemps accusée d’angélisme, la gauche a notablement évolué sur sa manière d’appréhender le vécu des Français. Elle sait aujourd’hui que l’insécurité est un agent actif de désaffiliation sociale ; elle a intégré que l’entreprise était l’indépassable allié d’une société apaisée ; elle a à peu près cerné le fait que la mise en place des solidarités actives au sein d’une société est le grand défi des prochaines législatures.

L’Etat protecteur est un savoir-faire français. Mais cet Etat est en crise pour la simple et bonne raison qu’il est, par essence, mouvant. Les Français de gauche, notion délicate à manier tant les sociotypies sont désormais branlantes, ont préféré le pacte crédible offert par un homme de droite. Pourquoi ? Nicolas Sarkozy est parti d’un constat simple : les Français ne souhaitent plus qu’on leur raconte n’importe quoi. Nous avons tous en tête le champ de l’ancien ministre de l’Intérieur en train de sermonner « la racaille » des cités. Qui était dans le contre-champ ? Une femme exaspérée. Nous sommes tous au regret de constater que la « racaille » existe dans les cités sensibles. Et pour être tout à fait honnête, j’ai souvent entendu des acteurs de terrain, issus des minorités visibles, tout aussi exaspérés, employer des mots beaucoup plus durs que Nicolas Sarkozy sur le sujet. Nous devons cette vérité à l’honnêteté du débat.

Mais la présence rongeante de cette « racaille » n’est pas en soi le problème principal. La difficulté est qu’elle règne en maître sur des quartiers où les référents économiques, associatifs, civiques et culturels ont déserté. Cette désertion en rase campagne est l’échec le plus symbolique de la gauche. Là où elle détient les pouvoirs locaux, elle n’a pas su se défaire de la logique de guichet destructrice de la politique de la ville, elle n’a pas su instiller de l’excellence politique pour qu’aux diagnostics de terrain les plus affinés correspondent des politiques d’une précision chirurgicale.

On ne cesse de dire et de répéter que la politique de la ville relève de la fine broderie. Les agents de l’Etat et des collectivités territoriales doivent être les représentants syndicaux d’un projet de vie validé par les habitants. La politique de la ville n’est crédible qu’à partir du moment où convergent les bonnes volontés de terrain et l’accompagnement humain et financier des pouvoirs publics. Si ce lien se distend, c’est l’ensemble de l’édifice qui s’écroule.

Comment vivent les 6 millions de Français parqués dans les cités sensibles ? Ils sont confrontés à un chômage récurrent, confrontés à l’inutilité sociale ; ils se marrent quand ils entendent dire qu’ils se vautrent dans l’assistanat alors que la moindre étincelle collective portée par un projet unifiant déclenche chez eux une soif de citoyenneté, de partage, de grégarisme.

Ces Français sont confrontés au mal de la délinquance des mineurs, « leurs » mineurs, « leurs » enfants. Et ils se marrent quand on les menace de supprimer leurs allocations familiales, comme si une telle mesure, d’une monstrueuse bêtise, allait activer une reprise en main éducative. Longtemps, ces parents se sont battus pour éviter le pire. Mais la drogue, la vie facile ont balayé leurs discours sur la prime accordée au mérite personnel. Pourquoi ? Parce que le père, perclus de rhumatismes, qui a tout donné à l’effort industriel de la nation, noie sa tristesse au bistrot et râle contre un système qui l’a mené au désespoir. Misérabilisme de situation ? Aller boire un petit café dans les derniers bars ouverts dans les cités sensibles, c’est très éclairant sur la perte de l’exemplarité paternelle.

Face à l’impuissance des pouvoirs publics, face à la démobilisation des acteurs associatifs, face à la désertion des femmes et hommes de culture, face au découragement organisé de l’audace, face aux dégâts causés par la désindustrialisation de la France, les cités ont renforcé leur décrochage. Les Français ont érigé des murs invisibles entre eux. Les uns ne vont plus là où les autres, incarnant une menace, vivent. Qui ne s’est pas dit, une fois dans sa vie, « comment font-ils pour vivre là » ? Qui ?

C’est sur ce terrain que la gauche a perdu la dernière élection présidentielle.

Oui, c’est l’emploi du mot « racaille » qui a permis à Nicolas Sarkozy d’être élu. Pourquoi ? La gauche aurait du promouvoir l’idée de la mise en place, dans tous les quartiers prioritaires, d’agence de cohésion sociale de proximité (logement, éducation, insécurité, etc). A la tête de l’agence, l’élite de l’Etat, pas un petit sous-préfet mal dégrossi et n’avançant qu’avec le Code général des collectivités en main comme référence absolue. Non, une femme ou un homme investi de la mission de « dégadgétiser » la politique de la ville. Son rôle ? De l’anti-tapisme permanent ; identification des dysfonctionnements dans la création d’une dynamique vertueuse de terrain ; mise en place de programmes de développement économique dits de micro-activités en lien avec les chambres de commerce et les représentants du patronat (commerces de proximité mais aussi entreprises de service à la personne) ; alerte sur les progressions d’insécurité sur le terrain avec renfort immédiat de personnel mobile (policiers et éducateurs de rue) ; réinscription de grands projets culturels et éducatifs de terrain. Le « patron » du territoire sera sommé de venir rendre des comptes sur son bilan, devant la population et les responsables politiques. En situation de mission, tout échec ou bilan mitigé entraînera sa destitution immédiate (la patience des cités a des limites). Mais, face à la difficulté de la tâche, il pourra exercer sa propre défense en pointant les errances administratives de l’Etat et des collectivités territoriales. Les pouvoirs publics doivent passer d’une politique d’affichage, de saupoudrage, à une démarche dynamique sanctionnée de succès visibles et renouvelée en permanence.

Ainsi soumises à un harcèlement permanent positif des pouvoirs publics, les cités se régénèreront de l’intérieur. Car il faut d’abord réactiver la confiance de ces femmes et de ces hommes montrés depuis trente ans comme des rebuts.

Bien sûr, il est facile, d’un petit blog bien chiadé, d’asséner des « faut que » et des « y’a qu’à ». Je l’entends. Mais qui pourra contester l’idée que l’absence d’autorité des pouvoirs publics dans les cités est la cause essentielle de leur perte ? Qui pourra contester qu’une femme ou un homme habité du sens de l’Etat, déterminé sur les objectifs à atteindre, libre de dire, d’accuser, de bafouer ce ridicule devoir de réserve de la fonction publique, ne se projetterait pas dans un tel projet avec une foi décuplée ? Dans les cités sensibles, il faut des soldats de la cause républicaine perdue. Des pitbulls chargés de pointer un doigt accusateur sur les défaillances sans risque d’être abattus par le chef de service et affichant en permanence le chemin à suivre pour rendre la vie meilleure. La translucidité inouïe de la gauche sur ce terrain a donc entraîné la défaite de Ségolène Royal. Parce que le réformisme de gauche ne doit plus seulement puiser son essence dans les mots valises de la vacuité rabâchée mais sur le terrain des possibles.

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http://www.medef.frLors de l’université d’été du parti socialiste en 2006, Lionel Jospin, ancien Premier ministre, aujourd’hui voué aux gémonies, définissait un cadre d’avenir pour le Parti socialiste : « Nous sommes de la longue lignée des socialistes réformistes. Réformer, c’est corriger, c’est changer en mieux. Mais que doit-on corriger et où est le mieux ? »

A cette question, aucune réponse n’a été apportée aujourd’hui. Le Parti socialiste se fait déborder de toutes parts par un Nicolas Sarkozy adepte de la triangulation (chasser sur des terres supposées ennemies…). En amputant une grande partie des thèmes de gauche, il rend un service utile au Parti socialiste : la nécessité de l’explosion, du grand big-bang refondateur et restructurant.

Je lance ici un appel aux Manuel Valls, Malek Boutih, Vincent Peillon et autres pour qu’ils s’émancipent définitivement d’un parti qui a atteint un tel niveau de décrépitude qu’il se réjouit d’un ressac rose aussi illusoire que fragile. J’ai beaucoup d’admiration pour Aurélie Filepetti dont j’ai apprécié les livres. Mais, à l’entendre dimanche soir dans l’émission Ripostes de Serge Moati, j’étais prêt à lui envoyer une bouée pour éviter qu’elle ne se noie dans l’indescriptible fragilité des propositions socialistes. Elle n’est pas en cause mais elle incarnait, à ce moment précis, ce qu’est aujourd’hui le PS : un mouvement translucide, de riposte, sur la défensive.

Je fais le pari qu’aucun habitant de ce pays ne serait en mesure de citer trois propositions claires du PS pour améliorer leur quotidien (une seule, d’ailleurs, ce serait bien). Et quand j’entends que Ségolène Royal n’a porté qu’avec des pincettes la proposition d’un Smic à 1 500 euros brut, parce que la proposition tenait de l’insulte à l’intelligence, je me dis que le grand guignol a été atteint, surpassé même. J’attends deux à trois choses du PS rénové :

1. Qu’il tourne le dos une bonne fois pour toutes avec la gauche messianique, autrement appelée radicale, dont certaines idées sont justes mais immédiatement plombées par l’irréalisme d’autres qui suivent. La gauche radicale veut la révolution. Elle se produira, peut-être, un jour mais sans les grandes entreprises qui auront pris le large depuis fort longtemps.

2. Que les rénovateurs sincères se réunissent dans une structure nouvelle, en acceptant l’idée de ne pas être élus dans les prochaines années. La machinerie socialo-étatiste leur barrera le chemin pendant quelques temps mais la force d’inventivité des rénovateurs débordera les chefferies locales et les officines pachydermiques plus rapidement qu’on ne l’imagine. Le PS n’a pas le monopole du socialisme rénové.

3. Que les rénovateurs enhardis mettent en face de chaque réalité sociale des mots ancrés dans le réel pour y faire figurer des programmes adaptés aux défis du siècle. Que la pédagogie reprenne ses droits, expurgée de tous les mots valises à la con, teintés d’un égalitarisme auquel même les plus pauvres ne croient plus.

Pour retrouver le chemin de l’efficience, le PS actuel doit déposer le bilan et laisse place à cette jeunesse déconnectée de tous les tabous qui font du PS français un lieu de germination de toutes les schizophrénies.

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http://www.rfi.frUn lecteur attentif de ce blog –qu’il en soit remercié- m’interroge sur la satisfaction que j’éprouve et que j’entends partager avec d’autres d’un gouvernement où les femmes et les minorités visibles trouvent enfin une représentation en harmonie avec la place qu’elles occupent dans la société.

Mon féminisme s’origine dans l’absurdité archaïque d’une représentation politique otage d’un système de renouvellement inadapté aux exigences de la société. Il va de soi qu’une Fadela Amara me paraît mieux à même de trouver des solutions aux problèmes récurrents des banlieues qu’un énarque dont je ne préjuge pas les qualités mais dont le corpus intellectuel n’est pas adapté à la perception d’un monde hypersensible que l’étrécissement du vivre ensemble éloigne de plus en plus de l’analyse.

Nous devons revenir à la base du politique. Le politique est un lieu d’impulsion de projets, de captation des réalités vécues que l’administration d’Etat, dans son extrême complexité, doit intégrer à des fins de résolution. Tant que ce trajet vertueux de l’acte politique demeurera, l’espoir de changer la vie persistera. Le fatalisme est un cancer de notre démocratie. Les parties de la civilisation qui renoncent à l’exercice de leur liberté trouvent généralement dans l’enfermement communautaire et la violence frustrée envers l’autre, cet ennemi total aux contours informes, le seul exutoire à leur délaissement.

La société française est riche de ses diversités ; il s’agit d’une banalité rousseauiste, penseront certains. Mais le rappel de cette évidence ramène toujours au même constat : cette diversité ne reste qu’une statistique formelle tant qu’elle ne trouve pas, au plus haut niveau de l’Etat, sa concrétisation. Le recours à une forme stupide de quotas ne fait que pointer la pusillanimité de nos gouvernants jusqu’à ce jour, apeurés à l’idée de promouvoir l’excellence de composantes sociales dont l’empressement qu’ils mettent à dénoncer la stigmatisation manque à l’évidence d’authenticité.

Oui, bravo, six fois bravo, à Nicolas Sarkozy d’avoir su faire marier la France telle qu’elle est avec la France gouvernante. Ce courage, à l’heure où il se déploie, fustige la lâcheté de la gauche, obnubilée par la peur de voir une telle ouverture renforcer l’impact du Front national.

Pour l’heure, bien sûr, il ne s’agit là que d’une photo officielle. Et le rôle des femmes des minorités visibles consistera justement à ne pas se laisser enfermer dans la gadgétisation du symbole qu’elles portent, malgré elles. Pour Rachida Dati, le problème est réglé : un Garde des Sceaux n’a pas vocation à faire de la figuration dans un gouvernement. Pour Rama Yade et Fadela Amara, le pari est plus risqué : il faudra être ferme face à cette main tendue… La bonne santé d’une démocratie se mesure à l’aune de l’harmonie effective de sa représentation.

Il ne manque plus à Nicolas Sarkozy qu’à déployer une plus grande voilure proportionnelle pour traduire le souhait des Français d’une représentation politique équilibrée à tous les niveaux de l’action publique pour que la boucle soit bouclée. De pratiquer l’ouverture qu’il a affichée dans la constitution de son gouvernement à tous les niveaux pour que la voix du peuple, par bonheur multiforme, soit prise en compte ; pour que la démocratie ne se résume pas à un gagnant omnipotent et à un battu accablé lorsque l’on sait que le choix du pays se joue à quelques centaines de milliers de voix près. La réforme de nos institutions passe par ce plus grand ajustement entre les désirs d’un peuple et les modalités de leur mise en œuvre.

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jcdurbant.blog.lemonde.frNicolas Sarkozy ressent-il une certaine fascination face à la gauche, ou, en tout cas, face à cette partie de la gauche qu’il a décidé d’intégrer dans « son » gouvernement ? A l’évidence, oui.

Jacques Attali, ami de vingt-cinq ans du nouveau Président, confie à quel point ce dernier était admiratif de François Mitterrand. Nicolas Sarkozy aime cette gauche dont l’audace réformatrice peine à s’affranchir du surmoi marxiste.

Les querelles paralysantes à gauche lui ouvre un champ d’exploration sans fin. Enferrée dans des batailles moyenâgeuses sur la définition de son projet pour les vingt ans à venir, empesée par le poids des baronnies locales, vieux reste de l’artificiel dogme démocratique du choix militant (le poids des cartes), prise de vitesse par la modernité sociétale de Nicolas Sarkozy, n’hésitant pas à donner une réelle visibilité à la France telle qu’elle est, la gauche socialiste risque de causer de nouvelles désillusions dans les prochains mois tant qu’un discours fondateur, déclic, ne produira pas le même effet mobilisateur que les gages donnés par Nicolas Sarkozy à la performativité de cette diversité.

Dans son for intérieur, Nicolas Sarkozy sait que le réformisme de gauche est soluble dans un programme qui ne renierait pas ses fondations libérales. Pour lui, l’opposition droite-gauche est en phase de disparition. Sur les principaux sujets de société, des convergences se dégagent, au-delà même des discours qui peuvent crisper les oppositions.

Cette voie étroite, choisie contre son propre camp, dont certains manifestent une sonore mauvaise humeur, est celle de la triangulation : aller chercher chez son adversaire des idées et des personnalités pour les incarner qui ne modifient en rien le socle du projet présidentiel (il suffit de comparer les programmes présidentiels pour identifier de nombreux consensus sur de nombreux sujets).

Il ne s’agit pas de cautionner le débat tendant à prouver que la droite et la gauche disent la même chose. Mais plutôt de démontrer que la réussite d’une politique ne passe pas par l’opposition entre deux camps. Nicolas Sarkozy mise sur le pari suivant : les Français ne sont plus attachés à la sacralité de l’opposition politique et pressentent intuitivement qu’une politique centripète est plus efficace qu’un enfermement idéologique.

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Nous aimons tous les surprises. A la Noël, le jour de son anniversaire, de la fête des pères. Là, le Président nous gâte : Jean-Marie Bockel (PS), Rama Yade, Bernard Laporte, Fadela Amara, etc. On dirait presque un gouvernement de gauche que la gauche n’a jamais su faire. Mais maintenant, c’est la fin de la récré. Tous au boulot.

Le grand spécialiste de la génétique qu’est Nicolas Sarkozy savait très bien que l’on pouvait naître à droite et vivre à gauche le temps de se rendre compte que l’on s’était trompé. S’il n’y a que les imbéciles qui n’évoluent pas, alors, il y a en effet de moins en moins d’imbéciles dans ce pays.

La seule question que je me pose est la suivante : si Eric Besson, Fadela Amara ou encore Jean-Marie Bockel ne pouvaient plus exprimer leur sensibilité au sein du Parti socialiste, dans quel état est aujourd’hui ce parti ? Comment se fait-il qu’un homme de droite soit à l’origine de l’intégration de trois femmes des minorités visibles dans le gouvernement, et pas à des postes de simple témoignage ?

Il est donc dit que le Parti socialiste doit faire sa mue réformatrice. Mes chers amis, le chantier est immense car des lâchetés de la gauche, Nicolas Sarkozy a su faire des atouts.

Je suis finalement fier de mon pays ce soir : deux Arabes, une Noire, femmes en plus… On s’approche enfin de la vraie représentation de notre pays.

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guy4you.bleublog.chLe rebond qualitatif de la gauche au deuxième tour de l’élection législative comporte le risque de différer l’examen de conscience qui s’impose au vu notamment de cette réalité qui n’aura échappé à personne : la droite a bel et bien gagné.

Il ne s’agit pas de jouer les « casseurs » d’ambiance mais de fixer le paysage tel qu’il est. Ce retour au réel s’inscrit dans la continuité d’une démarche méthodologique : pour redevenir un parti en capacité d’incarner une alternative, tant locale que nationale, le Parti socialiste doit faire l’effort douloureux d’examiner les raisons de son échec. Cette démarche réclame une certaine dose de courage car elle risque d’appuyer sur des points douloureux.

Les observateurs les plus avisés ont insisté jusqu’à satiété sur l’absence d’un discours porteur des valeurs de la gauche. Cette critique est injuste sur le fond (le pacte présidentiel de Ségolène Royal comportait à l’évidence des éléments de révolution sociétale) mais juste sur la forme : plus que jamais, le temps hypermédiatique valorise le dire politique en circonscrivant l’agir politique.

Il faut s’interroger sur deux segments simples du débat cathodique surexposé tel qu’il s’est déroulé : Nicolas Sarkozy a réussi à capter les attentes du peuple français sur une revalorisation du travail (mécanisation du principe de la méritocratie, très en vogue dans un pays scindé entre les gagnants des 35 heures et les perdants de la mondialisation) et sur un travail de sape visant à démonétiser le principe de réalité tel que la gauche le conçoit.

Il a réussi la performance de faire passer la gauche pour l’incarnation d’un conservatisme forcément dangereux dans un monde dont la France semble ne pas détenir les clés des mutations rapides qui s’y déroulent. Les Français ont considéré que le discours musclé, réparateur de Nicolas Sarkozy était mieux à même d’opérer le déclic qu’ils attendent.

Dans un contexte où le modèle social français est caricaturé, désigné comme le mal absolu alors que les Français bénéficient à l’évidence des services publics les plus performants au monde (voir le film de Michaël Moore, Sicko, sur le système de santé des Etats-Unis), l’opinion a souhaité faire un pas en avant en espérant une déconstruction habile dudit modèle.

Cette confiance accordée au Président de la République procède d’un malentendu : ce vieux modèle raillé, dont il est de bon ton de fustiger les défaillances, fait l’objet d’une véritable vénération des classes populaires et moyennes. C’est notre totem commun. La France n’est pas l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni. Les populations de ces deux pays sont prêtes à faire des sacrifices (augmentation de la TVA de trois points en Allemagne, conditions drastiques imposées aux chômeurs au Royaume-Uni pour retrouver vaille que vaille un emploi) que les Français n’accepteraient pour rien au monde.

L’irréformabilité de la France relève de l’aporie (difficulté insurmontable) : notre pays n’accepte pas de perdre pour espérer gagner plus. Elle tient à sa protection sociale. Elle chérit son tryptique républicain « Liberté, égalité, fraternité » comme les Turcs chérissent leur laïcité. Les Français donnent mission à nos gouvernants de trouver une position médiane entre un Etat protecteur et la mise en place des conditions pour enclencher le cercle vertueux de l’entreprise France.

Comment ? Beaucoup d’experts pourraient jeter l’éponge face à ce défi hymalayen. La seule voie qui me paraît pertinente passe par la réconciliation entre les corps intermédiaires (syndicats, associations, partis…) et les gouvernants afin de dénicher, dans un dialogue permanent, les solutions d’une équation gagnant-gagnant. J’ai la conviction que ce chemin, forcément tortueux tant les blessures, les anathématisations subies ou échangées d’un camp à l’autre relèvent du sport national, peut entraîner d’heureuses surprises.

Prenons le cas du port de Marseille. Je suis convaincu que les esprits sont mûrs pour que des personnalités transfrontières puissent prendre le temps de concilier deux discours perclus de formules à l’emporte pièce, trop fortement pollués par des items claquemurés, opposition entre « sauvegarde du service public » et « renforcement de la compétitivité économique du port ». Pourquoi ces deux pôles resteraient-ils inconciliables ? N’existeraient-ils pas une ou deux convergences entre patronat et syndicats à partir desquelles le commencement d’un cheminement pourrait poindre ?

Autre exemple : la réforme ou la suppression de la carte scolaire. La priorité ne devrait-elle pas aller vers une refonte des modalités de carrière d’un professeur pour éviter que les plus expérimentés soient affectés dans des lycées prestigieux alors que les débutants se trouvent souvent dépassés dans des contextes difficiles et lourds ? Pourquoi ne pas généraliser certaines méthodes pédagogiques qui ont montré leur efficacité dans les zones sensibles ? Pourquoi ne pas donner plus d’autonomie à ces professeurs inventifs, dont il faut valoriser l’envie de contourner le désastre que représente l’échec scolaire pour un enfant ? Comment amortir le choc de la désafiliation sociale dans les établissements scolaires forcément exposés à des fragilités sociales plus grandes (elles sont a priori plus vives lorsque le chômage et l’oisiveté dominent que lorsque la stabilité financière et familiale est assurée) ?

Le temps des pratiques administratives est à l’audace. Il faut donner mandat aux plus inventifs d’aller au bout de leur réformisme plutôt que d’accepter un statu quo figeant les rancœurs et les échecs dans la durée. C’est sur ce terrain de l’inventivité progressiste qu’il faudra avancer pour que la gauche redevienne crédible auprès des Français dans une période de maturité civique et démocratique très forte.

Ces derniers ne sont pas aquoibonnistes. Ils veulent s’engouer pour des solutions crédibles, issues d’une analyse contradictoire de la réalité, où les fausses-bonnes solutions seront ramenées au simple témoignage d’une fidélité hériditaire.

Les Français sont désireux de discours effectifs. Ce constat imposera à la gauche une révolution interne, tant dans la rénovation de son discours que dans ses pratiques.

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http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=13497

Tel Galilée, François Bayrou considère que la vie politique française est naturellement vouée à tourner autour du centre qu’il incarne. Il se considère comme visionnaire. Comme tous les fous géniaux, il suscite réserves, critiques, abominations.

Ségolène Royal continue de croire que le vrai déploiement du centre se fera lorsqu’il se sera légèrement déporté vers la gauche moderne qu’elle entend promouvoir. Nicolas Sarkozy, lui, a tiré un trait sur le troisième homme : il veut sa disparition.

Le Modem est un point de convergence. Donc un lieu de cacophonie naturel. François Bayrou ne peut le dire de cette façon mais cette polyphonie ne le gêne en rien. Il aime voir les ex-Verts gambader avec Ségolène Royal. Il n’en voudra pas à un ex-UDF-d’avant d’inviter « ses » électeurs à voter pour un UMP bien charpenté. Et recourent au langage des signes pour signifier son état d’esprit du moment.

La clairvoyance d’une Marielle de Sarnez éclaire lumineusement un joli tango politique : pas de consigne politique mais l’affirmation d’un désir de pluralisme dans la future assemblée.

Sur le propre secteur de François Bayrou, le candidat UMP se retire, ce qui montre que la fatwa édictée par le grand manitou UMP est diversement appréciée sur le terrain. Bref, je le dis et je le répète, François Bayrou n’a qu’un seul et unique horizon dans la mire : Lui et 2012.

Autre intelligence de situation : il considère que l’électorat n’est pas un cheptel que l’on guide à travers les pâturages les plus fournis selon les soubresauts calendaires. Il le responsabilise, ne veut exercer sur lui aucune forme d’OPA. Le temps des magistères est fini. Ni Dieu, ni maître, ni gauche, ni droite : le Modem cherche à coloniser le centre.

Et si la gauche ne se refonde pas rapidement, François Bayrou sera au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, porté à la fois par les classes moyennes excédées par le discours involutif du PS et sa bonne image en construction dans les cités populaires de l’hexagone.

Une question se pose donc et je suis sûr qu’elle a traversé votre esprit : et si Ségolène Royal rejoignait le Modem ?

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http://www.michel-lafon.fr/img/thumb_1137127386_le_livre_de_la_gauche_franz.jpg

 J’ai entendu pas mal d’inepties, ces derniers jours, pour rester poli. J’ai trouvé très surréaliste cette exhortation quotidienne au refus d’une majorité massive UMP. Chaque homme de gauche s’affolait de la vague bleue annoncée. Mais à qui était destiné ce discours ? Aux électeurs de Sarkozy ? Cohérents, ils ont renouvelé leur vote. Aux électeurs de Royal ? Déçus, ils ont moins voté que pour la présidentielle.

Le bel élan civique de la présidentielle est donc trop frais dans l’esprit des plus jeunes des cités. Il faudra qu’ils apprennent, à l’instar des clubs de supporters de foot, qu’une équipe doit être supportée surtout lorsqu’elle est en difficulté.

Quant au score du Modem, je le trouve parfaitement cohérent avec la démarche de François Bayrou : l’hypercentre s’installera dans la réalité politique française le jour où Bayrou sera au deuxième tour de l’élection présidentielle. En attendant, le schéma se fait sur la bipolarisation. Si la gauche ne se renouvelle pas dans les prochaines années, François Bayrou sera au deuxième tour en 2012.

Une autre référence m’a quelque peu désarçonné : je serai curieux de retrouver les discours de François Mitterrand en 1988 lorsque, si j’en crois certains politologues, il invita ses propres partisans à ne point trop en faire en ne lui offrant pas une majorité écrasante. Comment cette bizarrerie politique s’est-elle mise en place ? Quelqu’un s’en souvient-il ?

Pour la gauche, il reste une petite semaine à tenir autour de la dépouille de ses faiblesses. Ensuite, il faudra se mettre au travail en respectant un certain nombre de points :

1. Eviter de tomber dans le jeu de l’hyperprésidentialisation de Sarkozy. Le Président de la République sera sur les écrans tous les soirs. Pour lui, c’est une campagne électorale en boucle, une vampirisation de l’espace médiatique. Je conseille au PS de se mettre en retrait pour éviter le piège avec intelligence : ce n’est pas avec une simple stratégie d’opposition que le PS sera en mesure de l’emporter en 2012 mais avec un projet propre, audible.

2. Nommer les avancées en termes de clarification. Mener rondement cette auto-critique que les Français se sont chargés de faire puisque le PS regardait ailleurs.

3. Donner un sens symbolique fort au renouvellement espéré : lutter contre les cooptations systémiques, favoriser le retour du débat dans les sections en invitant les intellectuels et les experts à façonner un projet de société tourné vers 2020, changer de posture…

4. Lister les réussites concrètes, dans le secteur associatif, au sein de la société civile, dans les pays européens, pour tisser, au fil des jours, un projet de société réintégrant l’humanisme dans le libre échangisme économique.

Car le Parti socialiste n’a pas seulement perdu une élection en 2007. Il a perdu une perspective de l’avenir, un manuel pour l’appréhender.

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C’est une partie importante qui se joue ce soir dans les locaux du Modem. François Bayrou, entouré de ses proches collaborateurs, va donc décider de la stratégie à suivre pour le deuxième tour des élections législatives.

Quelles consignes de votes donnera-t-il dans les circonscriptions où le Modem ne peut se maintenir ? Si l’on suit le raisonnement de François Bayrou, la farouche et authentique indépendance prônée par le Modem se traduirait donc par des soutiens à géométrie variable (UMP et PS) en direction de candidats bayrou-compatibles.

Mais, le risque d’une assemblée monochrome assez élevé, tendance bleue, devrait le pousser à ne soutenir exclusivement que le Parti socialiste, dans le cadre d’un accord de réciprocité. Ce choix constituerait un tournant dans la stratégie « niniste » de Bayrou.

L’UMP ne manquerait pas de fustiger sa dérive à gauche. Et son élan authentiquement hypercentral perdrait de son authenticité dans ce discret pas de côté vers la gauche.

Pis encore, une absence de consignes autoriserait certains membres (anciens Verts, par exemple) à s’affranchir de la neutralité d’un chef de troupe en quête d’unité dans ses rangs.

Alors, François Bayrou va devoir choisir. Et clarifier les conditions de ce choix. L’amorce d’un centre gauche ou la continuation du « ninisme » ?

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Il y a un côté néronien chez François Fillon. Une tentation mal contenue de faire de la victoire de la droite le lieu d’une démonétisation radicale de la gauche.

Le tsunami sarkozyste a tout emporté. La France émotive boit les paroles de l’homme de la rupture. La gauche est en lambeaux, bredouillant une encyclique autour de la dépouille de ses archaïsmes, gauche inaudible, cachant ses failles derrière le discours ségolisé de l’enthousiasme grégaire, une boyscoutisation d’un lexique fragilisé qui, en l’état actuel, s’apparente au discours d’un entraîneur à une équipe dont il sait qu’elle va se prendre une rouste sur le terrain des réalités.

Mais François Fillon s’en fout, il mitraille le corps du mort avec la gourmandise d’un serial killer, comme si le sang versé au soir du 6 mai ne lui suffisait pas. Alors que Sarkozy débauche les tauliers de la pensée moderne de gauche, alors que son président, avec habileté, récupère l’ingéniosité d’une pensée de gauche empêchée de gambader à l’air libre par la maladie de Solferino, Fillon pratique la torture sans anesthésie.

Ce serait de bonne guerre si le malade PS était en cours de rémission. Mais ce n’est pas le cas. Le rendez-vous chez le spécialiste de la revascularisation du discours est prévu pour l’après législatives. Il faut donc inviter Fillon au calme, à la sérénité. L’inviter à se détourner du gore politique.

La gauche est en miettes et un bon tartare au saumon tient à la qualité de son hachement. Les bons hachoirs ne doivent pas être mis entre toutes les mains. M.Fillon, calmez-vous, vous avez réussi à écrabouiller le socialo-chiraquisme que vous abhorrez. Gardez vos énergies intactes pour relever le défi de l’avenir de la France. Et profitez d’un bon week-end avec votre épouse galloise, dont les mots exhalent une douceur élégante.

Les petits Néron sont toujours les plus dangereux : ils veulent imiter le maître sans en posséder la cruauté. Revenez à ce que vous étiez : un homme de bon sens, structuré autour d’un gaullisme de réenchantement.

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http://ps93sevran.canalblog.com/albums/pot_de_bonne_annee_2006/m-PICT0025.1.JPGJe viens de lire le chat de Jean-Christophe Cambadélis sur le site du journal Le Monde. C’est la première fois personnellement que j’entends dans la bouche d’un responsable important du Parti socialiste des mots aussi clairs, immédiatement perceptibles, sur les erreurs du PS et sa cruelle absence de solidité programmatique.

Ce courage introspectif est tout à votre honneur, M.Cambadélis. Les militants socialistes ne sont pas dupes : ils savent que le PS souffre d’une grave anémie touchant tous les organes de son fonctionnement collectif.

Les idées, bien sûr : elles existent mais elles restent au stade de la profération creuse, elles n’ont pas été passées au tamis des experts extérieurs, elles n’ont pas été confrontées à l’épreuve des faits.

L’absence de metteurs en mots : dans un monde hypermédiatique, on passe la première barrière de la persuasion en augmentant le volume d’effectivité des mots, sans céder pour autant aux facilités dialectiques. Un concept qui tremble, qui manque de muscle lexical échoue.

La frilosité à recruter des agitateurs d’idées : le PS est recroquevillé sur lui-même, il a peur des interventions extérieures capables de remettre en cause ce que j’appelle les équilibres systémiques (chacun à sa place thésaurisant son petit lot d’avantages).

Les abcès localistes : les fédérations et leurs pratiques clientélaires rendent l’émergence d’un discours rénovateur difficile. Aux échelles départementales, on gère les compétences par cooptations, par enchaînement dynastique et on saigne à blanc les viviers intellectuels par peur d’une remise en cause systémique. Il ne se passe plus rien dans les sections socialistes. Plus de débat, plus d’affrontement, plus de formation militante (décryptage de l’actualité, intervention extérieure d’un expert, d’un journaliste, d’un auteur, etc.).

Cette absence de culture politique est dramatique pour des militants censés innerver le débat public de points de vue autoritaires. Cette absence de prise en compte des appétences militantes est contristant. Parce qu’elle risque, sous peu d’ailleurs, de faire tomber à plat toutes les exhortations, même les plus authentiques, aux divers électrochocs.

Quand j’entends des personnalités politiques socialistes appeler à la rénovation du PS alors qu’elles décorent la tapisserie jaunissante de Solferino depuis les années 50, je me dis que quelque chose cloche dans ce désir d’avenir qui reste interpellatif à défaut d’être interprétatif. Je ne suis pas un excité du jeunisme à tous crins. J’ai le plus grand respect pour les anciens. Et ceux qui sont là y sont pour des raisons justifiées. Mais j’ai le sentiment qu’ils ont brûlé leurs énergies intellectuelles incontestables à tenir à flot un système brinquebalant. Dans la bouche des responsables du PS, les mots de la rénovation sont vieux, terriblement vieux, affectés d’arthrite.

Donc, merci une fois de plus, M.Cambadélis, de mettre votre intelligence au service de ce diagnostic sans faux-fuyants. Si le PS ne va pas dans le sens que vous indiquez, beaucoup de sympathisants voteront pour le Modem de François Bayrou en 2012, c’est à mes yeux une évidence. Encouragez donc Dominique Strauss-Kahn à faire ce que tout le monde attend : un rapprochement avec Ségolène Royal (je ne vois aucune raison que ces deux personnalités divergent sur l’avenir de la France) puis une prise de contact avec François Bayrou, dans le respect des indépendances respectives, mais juste pour construire une hypothèse de futur.

Si Nicolas Sarkozy souhaite si ardemment éradiquer la proposition politique qu’incarne François Bayrou, c’est qu’il craint qu’elle constitue en 2012 une alternative plus solide encore qu’en 2007. Et cette fois, croyez-moi, oui, sans scrupule, sans honte, sans retenue, sans baratin sur le vote utile, sans remords, la majorité des sympathisants du PS voteront Bayrou avec enthousiasme et sans amertume.

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http://www.adgoog.com/blogLes Français ont désormais sous les yeux un paysage politique notablement clarifié. Trois propositions s’offrent à eux. Elles ont pour caractéristique commune la volonté d’une hyperprésence qui renouvellerait les traditionnelles approches d’alliance.

Ayant réussi l’examen de la séduction, Nicolas Sarkozy est obsédé par la volonté d’injecter des anesthésiants dans le corps malade de la gauche. Pour reprendre la désormais célèbre expression d’Edwin Plenel, l’hyperprésidentialisation veut s’assurer une stabilité dans le temps en récupérant les soldats frustrés d’une gauche fatiguée d’elle-même. Il n’est pas certain que la tactique réussisse tant les recrues sont déjà démonétisées dans l’esprit de la gauche mouvementiste. Je pense plus particulièrement à Bernard Kouchner et Eric Besson, Jean-Pierre Jouyet et Martin Hirsh, de par leur parcours, ne pouvant être rangés sous le même label opportuniste.

Cette sphère va s’élargir avec deux recrues annoncées de chaque côté, le pathétique Jack Lang et le clairvoyant Jacques Attali. Si Nicolas Sarkozy agit de la sorte, c’est qu’il connaît mieux que quiconque la versatilité de l’opinion publique en bon ex-balladurien borduré.

En ces temps nouveaux de consumérisme électoral, le temps des preuves suit de près celui de la séduction. L’hypnotisme sarkozyste est donc, de ce fait, soumis à la même épreuve des faits. Ce n’est plus la légitimité d’un succès électoral, si patent soit-il, qui assurera le prolongement de l’euphorie, mais celui de la légitimité des preuves (le prix du chariot dans les hypermarchés, l’anoblissement de la valeur travail, l’enrayement du descenseur social, le sentiment d’une sécurisation au sens large des conditions de vie, etc.).

Il faut être bouché à l’émeri pour ne pas comprendre que Nicolas Sarkozy gouverne avec une carte réactualisée, tous les matins, de l’état de l’opinion. Or, la politique est l’art de remonter les courants contraires, de secouer les acquis, de piétiner les consensus. Habile, animal, Nicolas Sarkozy n’ignore pas le rejet dont il fait l’objet dans une partie importante de l’opinion. Cet anti-sarkozysme est pour l’heure un volcan éteint. Mais, en bon géologue, Nicolas Sarkozy travaille sur les conséquences d’éruptions inévitables.

L’autre hyperprésence s’enracine autour de François Bayrou. Son « ninisme », sa volonté de sublimer un hypercentre a été couronnée de succès à l’élection présidentielle et Nicolas Sarkozy ne l’ignore pas. La création cynique du nouveau centre, l’énergie mise à réunir l’axe radical prouvent s’il en était besoin qu’il souhaite bloquer l’innervation du discours de François Bayrou mais cette ligne de Maginot ne tiendra pas à la première difficulté tant les Hervé Morin, Maurice Leroy et autre Jean-Michel Baylet apparaissent comme des opportunistes sans valeur aux yeux d’une opinion désireuse de rejeter ces arrangements mafieux.

François Bayrou a réussi une énorme performance, celle de s’inscrire dans une possibilité d’avenir. Il incarnerait presque la meilleure opposition actuelle, celle d’un dépassement vertueux. Une seule épreuve l’attend : le choix. Les sciences physiques peuvent être éclairantes pour juger de l’inscription dans le temps des offres politiques nouvelles. L’équilibre, par essence, est précaire puisqu’il se pose au centre de deux forces centrifuges dont les conditions de matérialité sont mouvantes.

Le tsunami sarkozyste déplace le centre actuel au centre gauche. C’est une loi physique dont j’ai cru comprendre, avec mon modeste bagage scientifique, que François Bayrou avait repéré le déplacement. Quand il déclare dans le journal télévisé de France 2 du 3 juin à 20h que le deuxième tour du Modem aux législatives creusera l’hypothèse d’un plus grand pluralisme à l’assemblée nationale, beaucoup traduisent que des accords nombreux et décisifs seront scellés avec le Parti socialiste pour éviter une monochromie monotone au Parlement.

D’ailleurs, la facilité avec laquelle beaucoup d’élus Vert, souvent compétents, ont rejoint le Modem, sanctionnant ainsi la dérive picrocholine du parti écologiste, laisse supposer que les abouchements seront possibles entre des candidats PS effrayés par l’atonie de Solferino et un Modem très suspicieux sur l’état de grâce sarkozyste.

Enfin, la dernière hyperprésence, qui n’a rien du discours de la méthode Coué, et ça aussi, Nicolas Sarkozy le sait, est incarnée par le PS ségolisé. Dans les joutes classiques, le perdant est invité à traverser le désert pour ressourcer le discours. Or, n’en déplaisent à ceux qui la trouvent nunuche, Ségolène Royal a réussi la performance qu’un stratège comme Sarkozy ne peut qu’apprécier de faire porter la responsabilité de sa défaite aux pachydermiques dysfonctionnements du Parti socialiste.

Avec une foi d’airain, en intuitive née, habitée par une force mentale bien au-dessus de la moyenne, Ségolène Royal croit en son étoile et rien ne pourra la faire dévier de cette certitude. Comme si elle avait analysé les raisons de son échec : l’absence de profilage du discours, l’absence de mots, de syllogismes forts. Dire, c’est agir, rappellent les linguistes. Royal a perdu la bataille des mots, pas celui de la rénovation sociétale du pays.

L’après législatives au PS s’apparentera à un été meurtrier. Il se murmure déjà que les puissantes fédérations, soucieuses de défendre leurs réserves foncières à l’approche des municipales et des cantonales de 2008, prendront l’initiative d’une plus grande clarification du projet socialiste pour ne plus être otages des chicaneries nationales.

Mais les baronnies locales ont le sens du concret et elles savent que Ségolène Royal est aujourd’hui incontournable. Le seul ségocompatible est aujourd’hui DSK qui devra faire preuve d’humilité pour accepter une telle destinée. Car Ségolène Royal a profité des flottements directionnels du PS pour imposer sa marque. Et, tel un outsider ayant pris une dizaine de minutes dans une étape de plaine aux favoris du Tour de France, elle a pris une considérable avance dont elle capitalise l’avantage : les groupies ségolisées, à forte dominante féministe et zone sensible urbaine, ne la lâcheront pas tant le lien relève d’un surprenant mysticisme.

Ces trois hyperprésences conditionneront les prochains rapports de forces. Du discours à la mise en œuvre, Nicolas Sarkozy ne pourra slalomer continûment entre les récifs de la réalité. Le temps fusionnel des bises sur le perron de l’Elysée et des mains dans le dos complices ne durera pas face à une opinion française aussi ductile, capable de refuser la Constitution européenne et de voter deux ans plus tard pour un de ses promoteurs.

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http://conservativehome.blogs.com/torydiary/images/sarkozy_1.jpgSans être atteint ni de sarkophobie primaire, ni de sarkophilie douteuse, il est intéressant d’apprécier la manière avec laquelle Nicolas Sarkozy a occupé le champ des attentes et surtout des frustrations du « peuple de gauche », si cette étiquette signifie encore quelque chose.

Lorsqu’il appelle de ses vœux la liquidation de « l’esprit mai 68 », il ne ravit pas seulement les bourgeois rétifs aux bouleversements sociétaux. C’est plus subtil qu’on ne l’imagine : il s’adresse directement à la masse informe de cette gauche progressiste qui a réellement cru que l’après mai 68 marquerait une saine et positive transformation des mœurs, des rapports à l’autorité, de la prise en compte des spécificités de l’enfant… Cette marche en avant a eu pour conséquence l’affirmation d’une autonomie individuelle dont la croissance exponentielle des divorces est sans doute le marqueur le plus révélateur.

Cette nouvelle liberté, le fait en effet de s’émanciper d’une vie subie apparaît comme une conquête sociale, a étrangement pris une direction dramatique puisque l’on parle aujourd’hui de familles monoparentales, de pères seuls dormant dans leur voiture, d’impossibilité à faire fonctionner les familles recomposées, entraînant ainsi de fait une nouvelle configuration pathologique du vivre ensemble, avec une « déritualisation » de la geste familiale, que l’on peut moquer en colloque pour faire son beau intello mais qui, du Nord Pas de Calais à Marseille, de Nice à Angers, forme comme un socle commun, un lieu d’accompagnement unique de la vie de nos ados.

La libération du carcan familial a entraîné l’implosion des repères, même empoussiérés, qui faisaient de ce lieu l’aire d’impulsion de la transmission du pacte civique. Je vois autour de moi des tas d’adolescents frappés par ce qui vive des fondations. Les enfants sont plus des copains que des petits êtres en cours d’achèvement dont il faut aiguiser le sens critique, l’envie de citoyenneté.

La double conjonction des familles implosées et des familles qui ne se recomposent pas (trop de hiatus demeurent dans une séparation, on a oublié la férocité traumatique d’un divorce pour un enfant) débouche donc sur un tissu social effrangé, où les enfants rois ont pris la main, non par tyrannie malveillante mais par remords parental. Et Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, que j’ai eu le bonheur d’interviewer il y a peu, m’expliquait très justement que la reconnaissance sociale des démunis passe par la possession de Play Station 3 ou la location d’un mobil-home dans le Vercors, quitte à se saigner à blanc, à emprunter avec des taux d’intérêts à 18 %, comme s’il fallait éponger les saignements du contrecoup de la liberté chérie contenue dans le choix de sa nouvelle autonomie sociale.

Je vois autour de moi des familles culpabilisées. Attention, je ne veux pas faire mon vieux schnock en cours de sarkozysation rampante (je suis mithridatisé). Je rappelle tout simplement que la société se fonde sur des repères qui ont subi ces dernières années de violentes remises en cause et dont nous n’avons pas su pressentir les retombées néfastes sur des enfants sommés de s’adapter à l’inadaptable, à savoir la prise de distance autonome des seules autorités affectives et effectives autour desquelles ils se construisent, le père et la mère.

En accusant mai 68 pour d’autres raisons, pour renforcer la culpabilité de la gauche, pour dénoncer les limites de son réformisme et sa tentation séculaire de laxisme, Nicolas Sarkozy a aussi voulu s’adresser à toutes ces personnes dont la liberté sociale chèrement acquise a entraîné le délitement progressif de cette vieille et pataude notion familiale que rien ne remplace, qu’on le veuille ou non.

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On est là. Las surtout. On regarde. Sans fièvre. On attend. Meeting unitaire de lancement de campagne législative. Belle tapisserie de références usées par le temps du surplace. On n’entend plus rien. Pas une proposition, pas une interview, comment dire, défrisante. Un nostra culpa puis l’amorce d’un autre discours. On ressent comme un écrasement. Un sentiment d’infériorité. Aucune autorité dialectique. Rien.

On se fait les dents sur les félonies de ceux qui sont passés dans le camp d’en face. C’est bien mais en politique, on ne construit rien de bien durable sur les supposées défaillances de l’adversaire. Les intellos sont repartis au boulot. Les fenêtres censées s’ouvrir sur la jeunesse, sur les nouvelles têtes, sur les nouveaux modes de liaisons entre le monde associatif et les responsables politiques, sur la refondation inéluctable ne sont que des vasistas où l’œil de Solferino veille, vidéosurveillance chargée de punir les décalages.

Comme sur un vélodrome, on se crispe sur la machine en attendant le premier sprint. DSK a tenté trois minutes après la défaite de Ségolène une échappée. Paf, rattrapé, sermonné, accusé d’opportunisme. Alors ? Rien… Le vide, les « je suis disponible », les « si je suis en situation », les appels à l’unité –quel formidable disposition au psittacisme dans ce PS le plus rouillé du monde- qui ressemblent à des messes ânonnées par de vieux prêtres que la modernité effraie.

Oui, tout est creux dans la boutique, même l’appel de L’Obs au débat qui se réduit à quelques textes gentils envoyés à une copine qui vient de perdre son chat alors qu’elle était en train de passer son Bafa… Les sociologues des organisations ont disséqué le danger qui menace ces dernières lorsqu’elles sont organisées de telle sorte qu’elles ne font qu’adorer les surplaces itératifs qui évitent les affirmations de talents.

En face, dans la sarkosphère, ça bouge, ça gueule, ça crie, ça se trompe, ça effrite l’éthique, c’est bien dans ses bottes, même si elles sont parfois plantées dans la fange des petits arrangements entre amis (m’enfin, dans ce domaine, le PS devrait faire attention à ne pas trop se parer des plumes de la vertu tant certains titres nationaux lui sont organiquement liés). Philippe Val, à sa manière dérangeante de mettre les pieds dans le plat, a raison d’insister sur le besoin de dire : « Nous, c’est ça. Eux, c’est ça ».

Nous, la gauche, on ne veut pas du service minimum pour les raisons suivantes. Nous, la gauche, on ne veut pas du tout répressif pour ces raisons précises. De toute façon, a-t-elle le choix, cette gauche ? Courir après Sarkozy ? Trop dur, il est trop fort, son virilisme conservateur est inimitable ! Alors, il reste à ripoliner les bonnes intentions. Il reste à reprendre les idées concassées par le broyeur médiatique. Il reste à apprendre à les dire, à les muscler, car la communication fait tout, certes, mais elle est encore plus efficace à partir du moment où les idées qu’elle porte sont frappées d’une réelle solidité, d’une forte adhésivité.

Pour le PS, le temps est à l’épure, à l’esthétique conceptuelle, à la sobriété ascétique… Mais l’organisation interne du PS, telle qu’elle existe, avec ses courants, ses baronnies locales, ses dynasties cryptoétatistes, cryptocollectivistes, va dégoûter définitivement ceux qui ont envie d’y croire, comme moi. Au PS, l’ascenseur social aussi ne fonctionne plus…

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L’air du temps est à la refondation au Parti socialiste. Les quadras n’hésitent plus à insister sur une révolution interne radicale. Reste à en définir les contours. Face à ce chantier nécessaire, les premières difficultés surgissent immédiatement.

Les caciques locaux accepteront-ils de lancer de nouvelles têtes sans remettre en cause le système sécurisé sur lequel ils assurent, bon an mal an, leur renouvellement ? Accepteront-ils d’intégrer la dynamique conceptuelle des nouveaux adhérents, celle qui a permis à Ségolène Royal d’assurer son succès lors des primaires pour la désignation du candidat à la présidentielle ? Accepteront-ils la remise en cause de cette gestion à la papa en vigueur depuis de nombreuses années dans les baronnies socialistes, qui accordent sa préférence aux dynasties, aux cooptations franc-maçonniques, pour assurer la relève (je ne parle des personnes, j’accuse le système) ? Accepteront-ils enfin de mettre un terme au laminage des élites intellectuelles, censées incarner le primat d’excellence de la gauche sur la droite ? Accepteront-ils les Rachida Dati de gauche ? Leur réserveront-ils le même sort qu’à Malek Boutih ?

Il faut lire autre chose qu’un simple opportunisme dans l’ouverture à gauche voulue par Nicolas Sarkozy. Cette dernière s’appuie en premier lieu sur une vision idéologique panoptique de la maison France. Cette dernière reste profondément divisée en son cœur entre deux pôles : une fascination mal feinte pour les réussites du modèle anglo-saxon (plein emploi, capacité à relever des défis supposés inatteignables) ; une crainte sous-jacente de la solidité du modèle social gaulois face à une mondialisation qui, lorsqu’elle est intelligemment décrite, pointe immédiatement les fragilités du dit modèle (financement des retraites, compétitivité des entreprises à l’international).

Cet état d’angoisse généralisé a jeté les bases du social-libéralisme rénové que souhaite promouvoir Nicolas Sarkozy. D’où la volonté de ce dernier d’élargir la base des valeurs d’un éventuel succès de sa démarche. La culture de la réussite qu’il souhaite promouvoir ne peut se concrétiser dans l’opposition entre les deux France, celle qui ne tire pas profit des avantages de la mondialisation et celle qui assure qu’en débridant l’esprit d’entreprise, les pauvres bénéficieront aussi des retombées positives de la nouvelle donne économique.

Disons le tout net : cette démarche est séduisante. Sera-t-elle opérationnelle ? Les premiers échanges entre les syndicats et François Fillon (peut-être plus autoritaire sur le coup que son patron) laissent augurer un temps plus long que prévu pour qu’un climat social de confiance puisse entraîner l’instillation des réformes souhaitées par Nicolas Sarkozy. A moins que (l’hypothèse est peu évoquée) l’impérialisme idéologique sarkozyste naissant parvienne à se dispenser de syndicats qui ne représentent au final que 8 % des salariés français.

Ne nous cachons pas la réalité : face à ce rouleau compresseur, le Parti socialiste n’a qu’une seule voie à explorer : celle de sortir de sa pleutrerie conceptuelle, celle de l’humilité, d’un grand coup de Kärcher (pardon) sur les totémismes antédiluviens. En l’état actuel, le Parti socialiste ne manque pas de talents. Mais il en existe aussi beaucoup à l’extérieur. Des quadras, formés au rejet du monarchisme mitterrandien, pour lesquels l’action politique s’arrime sur le concret (l’insécurité, la sécurisation des parcours professionnels, la priorité donnée à une école de la République plus soucieuse des enfants les plus exposés aux dérives sociales, etc).

Qu’a fait Nicolas Sarkozy ? Il a siphonné les idées de gauche, leur a donné une carnation concrète. Ne parlons plus d’utopie, profitons des extraordinaires ressources du champ associatif, libérons les énergies innovantes, donnons à tous les hommes de bonne volonté la possibilité de vivre leurs rêves, d’entreprendre, quitte à se planter, pour ne pas entrer dans la vraie vie à reculons, avec pour seul objectif de s’accrocher aux branches les moins branlantes de l’avenir. La France est aujourd’hui atteinte d’une forme aiguë d’asthénie. Elle a peur de faire. Elle a peur de se libérer. Quel gâchis !

Si le Parti socialiste reste en l’état, si le profil du futur élu est lié à son hérédité, si les nouvelles générations ne sont que des duplications plus fades des futures anciennes, si faire de la politique c’est uniquement apprendre par cœur des fiches joliment rédigées pour les ânonner en meetings, alors oui, le sarkozysme a de l’avenir devant lui et le Parti socialiste se transformera piteusement en centre de formation des futurs cadres de l’UMP.

Chère Ségolène Royal, je reste à ton entière disposition. Messieurs de Solférino, je baigne dans le mauvais jus de l’improductivité. J’attends votre appel. Et merde pour cet élan narcissique (je ne serai jugé que sur les résultats), merde à ceux qui me jugeront mytho (ils n’ont qu’à aller écouter quelques réunions publiques d’élus socialistes de terrain pour se rendre compte qu’ils sont incapables de faire vibrer la moindre envie), merde de laisser le champ libre à la médiocratie du PS !

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http://www.emmabonino.it/var/data/images/5527_napoleon-throne.jpg_large.jpgAvouons-le : les membres de l’UMP affichent aujourd’hui une grande sérénité dans le déroulement de leur argumentaire. Le logiciel que leur a offert Nicolas Sarkozy ne tombe pas en panne. Mieux encore, il y a comme une excitation auto-centrée de ce fameux brio dialectique qui fait l’élection.

Pas besoin de lire le linguiste Fernand Saussure (que je conseille tout de même vivement) pour intégrer cette règle élémentaire : l’important, ce n’est pas seulement d’avoir de bonnes idées mais d’assurer, dans la clarté, leur promotion. Les Français aiment la virilité des formules choc, les « tapismes » langagiers. Nicolas Sarkozy a réussi l’exercice, passons…

Le plus difficile aujourd’hui pour le Parti socialiste, ce n’est pas tant d’opposer des idées crédibles (elles existent, en ordre dispersé certes, mais elles demandent juste à être intelligemment coffrées) que d’inventer un logiciel concurrentiel efficace. Prenons un exemple simple : François Mitterrand a enfanté Jean-Marie Le Pen et Nicolas Sarkozy vient de rapetisser l’invention machiavélique du mitterrandisme. Cette idée est dans le logiciel sarkozyste.

Pour désactiver cette fonction, il faut d’abord rappeler que l’invention en question a énormément servi la droite (désistements réciproques aux légalislatives, gestion commune dans les Conseils régionaux…) avant que les dessins de Plantu, où voletaient les mouches autour de certains responsables de droite, n’entraînent un sursaut moral. Donc la droite est très mal placée pour reprocher à la gauche d’avoir utilisé Le Pen pour assurer la réélection de députés dans des triangulaires bien commodes. Et je ne dédouanne pas ici les margoulins socialistes ou communistes qui ont sablé le champagne en apprenant le résultat du FN.

Je dis que lorsque l’on tient un discours moral, il faut d’abord regarder au fond de sa culotte. Donc, quand on aborde la question essentielle du siphonage des idées d’extrême droite au profit de Nicolas Sarkozy, il faut avoir dans la musette dialectique (l’élection n’est que dialectique) cet argument massu face à une UMP trop sûre d’elle-même. Je l’écris pour les candidats en campagne : « J’aimerai savoir comment vous pouvez affirmer, toute honte bue, que la gauche a enfanté Le Pen, sans la moindre preuve, alors que vous avez scandaleusement profité des bons scores du FN aux législatives et dans les exécutifs régionaux. Dites-moi le contraire, monsieur Machin (oui, l’effectivité dialectique passe par l’emprisonnement de l’adversaire, voir Jaurés et Sarkozy) ».

Le parti socialiste ressemble aujourd’hui à un boxeur talentueux sans punch, courbant l’échine à la moindre difficulté. Chaque uppercut de la droite atteint le minois de la gauche. Reste à savoir sur quels segments de sa politique Nicolas Sarkozy récompensera le retour au bercail des brebis égarés du lepénisme. Qu’attendent-ils ces électeurs ayant rompu le pacte de fidélité solide qui les maintenait depuis longtemps au FN ? Moins d’immigration, plus de sécurité ? L’ancien ministre de l’Intérieur devenu Président a échoué dans ce domaine.

La gauche est donc appelée, pour ces prochains mois, a dénoncé l’illusionnisme sarkozyste tout en expérimentant les premiers éléments du logiciel qui lui a fait si terriblement défaut lors de l’élection présidentielle.

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