Le putsch a donc eu lieu. Il est venu d’un côté inattendu, d’un homme à l’élégance discrète mais ferme : Jean-Marc Ayrault. Celui qui est à la tête du groupe socialiste depuis dix ans a ainsi voulu démontrer que s’inscrire dans la durée n’est contre-productif que si les leçons de l’échec ne sont pas apprises par cœur.
Jean-Luc Mélenchon, dont le seul rôle aujourd’hui au sein du Parti socialiste est de colorer de saillies bien pensées les ambiances d’enterrement de la rue de Solférino avec une dose de cynisme carnassier, avait accusé Ségolène Royal de vouloir intenter un putsch lors du dernier conseil national du PS.
Eh bien, le putsch a eu lieu à l’extérieur, dans le cadre solennel de l’Assemblée nationale.
D’un seul coup, l’affirmation d’une volonté d’opposition, d’une envie de politique, est apparue. D’un coup, la gangue des métalangages socialisants s’est comme flétrie sous le simple assaut formel d’une geste que le peuple de gauche attend depuis belle lurette : l’art du pas de côté, le simple fait de se garer quelques minutes sur le bas côté parce que l’on sent bien que l’on s’est égaré, qu’il faut reprendre la carte de sa propre navigation.
D’un seul coup, les papys flingueurs des concélébrations systémiques du PS, les chefs de clans, les fossoyeurs du progressisme se sont tassés sur la photo. A force d’immobilisme, à force de psitaccisme, à force de mutité, la momification guette.
Par exemple, j’ai le plus grand respect pour l’excellence de DSK. Mais comment décrypter aujourd’hui le sentiment qu’il donne de laisser le vide redistribuer les cartes ? Le PS donne l’image troublante d’une communauté qui chute sans vouloir se rattraper à une branche. Ces hommes d’écuries doivent impérativement sortir de leur club, aller prendre un peu l’air, calmer les énergies jésuitiques de leurs vassaux. Ils s’abrutissent de leur propre génie. DSK est sans doute l’un des meilleurs économistes que compte ce pays. Et alors ? Qui le sait ?
Alors, bravo, Jean-Marc Ayrault ! Merci de faire naître des visages, des possibilités de réponses critiques au monde tel qu’il est, de rendre perceptible la possibilité de débats contradictoires sans lesquelles nos belles démocraties basculeraient dans de scabreuses homothéties antagonistes. Merci de sortir le PS de son misonéisme (peur de la modernité) papelard (1).
Le Parti socialiste ne doit plus cultiver l’ambiguïté schizophrène : il est progressiste ou n’est pas. D’ailleurs, le plus grand charognard de l’affaiblissement du PS, alias Nicolas Sarkozy, en a fait une chasse présidentielle : il a récupéré ce qu’il y a de plus moderne et d’enfreint dans cette gauche frappée d’hémiplégie.
Prochaine étape : passer de la nécessité de la refondation à l’instillation dans le débat public de propositions concrètes et audibles venues du cabinet noir. La matière critique existe, il suffit de la manufacturer…
(1) J’adore les mots, depuis tout petit. Longtemps, je les ai gardés dans une besace secrète, craignant le reproche de la préciosité. Puis je me suis dit il y a peu que la vitalité de langue française passait par l’incandescence de son formidable polymorphisme. Je vous donnerai donc les définitions pour sauver l’essentiel, à savoir la compréhension d’une démonstration. On « deale » comme ça ?
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