Feeds:
Articles
Commentaires

Archive for Mai 2007

On est là. Las surtout. On regarde. Sans fièvre. On attend. Meeting unitaire de lancement de campagne législative. Belle tapisserie de références usées par le temps du surplace. On n’entend plus rien. Pas une proposition, pas une interview, comment dire, défrisante. Un nostra culpa puis l’amorce d’un autre discours. On ressent comme un écrasement. Un sentiment d’infériorité. Aucune autorité dialectique. Rien.

On se fait les dents sur les félonies de ceux qui sont passés dans le camp d’en face. C’est bien mais en politique, on ne construit rien de bien durable sur les supposées défaillances de l’adversaire. Les intellos sont repartis au boulot. Les fenêtres censées s’ouvrir sur la jeunesse, sur les nouvelles têtes, sur les nouveaux modes de liaisons entre le monde associatif et les responsables politiques, sur la refondation inéluctable ne sont que des vasistas où l’œil de Solferino veille, vidéosurveillance chargée de punir les décalages.

Comme sur un vélodrome, on se crispe sur la machine en attendant le premier sprint. DSK a tenté trois minutes après la défaite de Ségolène une échappée. Paf, rattrapé, sermonné, accusé d’opportunisme. Alors ? Rien… Le vide, les « je suis disponible », les « si je suis en situation », les appels à l’unité –quel formidable disposition au psittacisme dans ce PS le plus rouillé du monde- qui ressemblent à des messes ânonnées par de vieux prêtres que la modernité effraie.

Oui, tout est creux dans la boutique, même l’appel de L’Obs au débat qui se réduit à quelques textes gentils envoyés à une copine qui vient de perdre son chat alors qu’elle était en train de passer son Bafa… Les sociologues des organisations ont disséqué le danger qui menace ces dernières lorsqu’elles sont organisées de telle sorte qu’elles ne font qu’adorer les surplaces itératifs qui évitent les affirmations de talents.

En face, dans la sarkosphère, ça bouge, ça gueule, ça crie, ça se trompe, ça effrite l’éthique, c’est bien dans ses bottes, même si elles sont parfois plantées dans la fange des petits arrangements entre amis (m’enfin, dans ce domaine, le PS devrait faire attention à ne pas trop se parer des plumes de la vertu tant certains titres nationaux lui sont organiquement liés). Philippe Val, à sa manière dérangeante de mettre les pieds dans le plat, a raison d’insister sur le besoin de dire : « Nous, c’est ça. Eux, c’est ça ».

Nous, la gauche, on ne veut pas du service minimum pour les raisons suivantes. Nous, la gauche, on ne veut pas du tout répressif pour ces raisons précises. De toute façon, a-t-elle le choix, cette gauche ? Courir après Sarkozy ? Trop dur, il est trop fort, son virilisme conservateur est inimitable ! Alors, il reste à ripoliner les bonnes intentions. Il reste à reprendre les idées concassées par le broyeur médiatique. Il reste à apprendre à les dire, à les muscler, car la communication fait tout, certes, mais elle est encore plus efficace à partir du moment où les idées qu’elle porte sont frappées d’une réelle solidité, d’une forte adhésivité.

Pour le PS, le temps est à l’épure, à l’esthétique conceptuelle, à la sobriété ascétique… Mais l’organisation interne du PS, telle qu’elle existe, avec ses courants, ses baronnies locales, ses dynasties cryptoétatistes, cryptocollectivistes, va dégoûter définitivement ceux qui ont envie d’y croire, comme moi. Au PS, l’ascenseur social aussi ne fonctionne plus…

Read Full Post »

http://blpwebzine.blogs.com/nuesweb/images/google.jpgDouze millions de blogueurs en France (quand je vérifie l’orthographe sur word, le dico me propose « blagueurs »). Mon fils aîné en a trois. Le plus petit, cinq. Moi, un. Un Français sur cinq. En excluant les seniors en maison de retraite (ma grand-mère ne connaîtra pas le doux vertige narcissique d’internet). Des Français actifs, dirons-nous. Enfin, actifs ? !

Je vois beaucoup dans cette adhésion napoléonienne une violente décharge d’égotisme mal contenue, une bouteille facile jetée à la mer. La lecture des blogs est touchante : toutes ces petites mains qui s’activent (comme moi en ce moment) pour transmettre un petit poème, un clin d’œil maternel, une analyses poussée des résultats électoraux du canton…

Vertige d’existence des ratés, des oubliés, des petits journalistes pas reconnus, des grands journalistes pas compris, des écrivassiers en devenir, des noblaillons mortifiés… Et surtout, suprême auto-flagellation, les grands de ce monde, intellos, sportifs, journalistes, écrivains, artistes, qui condescendent à livrer quelques confidences dans leur journée bien chargée au vulgum pecus, ne s’attardant pas sur la forme débraillée du style, s’offrant l’ivresse d’un parler vrai avant de retrouver la noblesse de la publication universitaire, avec ses rites, ses encodages, ses paralysies.

La blogosphère est un immense défouloir, une grande soirée mondaine où les ceux qui ne savent rien parlent sur un ton péremptoire et les ceux qui savent regardent nerveusement la montre en se demandant quand le calvaire s’achèvera. La blogosphère est une foire d’empoigne de CV sans cible. Une esthétique de décontenance. Un marmitage de dazibao que seul le hasard révèlera.

Et surtout, point d’orgue émétique, la reconnaissance d’un blog tient à son référencement. Je suis tombé sur un type marrant hier en pénétrant le trou noir de l’hystérie blogosphérique. Meilleur blog politique 2007, avait-il référencé. Il s’était auto-attribué le titre. Comment ? En votant pour lui-même… Le blog est une auto-désignation narcissique.

Douze millions de blagueurs, douze millions de déjantés, d’illusionnés, d’affamés du clic, de disponibilités mentales à recevoir le télévangélisme sarkozyste, cet individualisme militant… Le rêve du blagueur, c’est de sauter la référence universitaire (la seule qui vaille) pour s’arrimer à la référence du nombre.

Et pourtant, tiens, je clique, un post de plus pour la route, et demain matin, j’irai me soûler de certitudes en scrutant les statistiques de la veille. Mépris de soi, mise à nu des quotidiennetés délitescentes, tribalisation de l’infra-ordinaire (Georges Pérec). Croire en soi, comme le conseillent les sites psycho des magazines de pouffes ou de vertébrés anencéphaliques adeptes du tuning, c’est se ridiculiser dans un grand rituel collectif.

Read Full Post »

www.observatoiredeleurope.com

L’air du temps est à la refondation au Parti socialiste. Les quadras n’hésitent plus à insister sur une révolution interne radicale. Reste à en définir les contours. Face à ce chantier nécessaire, les premières difficultés surgissent immédiatement.

Les caciques locaux accepteront-ils de lancer de nouvelles têtes sans remettre en cause le système sécurisé sur lequel ils assurent, bon an mal an, leur renouvellement ? Accepteront-ils d’intégrer la dynamique conceptuelle des nouveaux adhérents, celle qui a permis à Ségolène Royal d’assurer son succès lors des primaires pour la désignation du candidat à la présidentielle ? Accepteront-ils la remise en cause de cette gestion à la papa en vigueur depuis de nombreuses années dans les baronnies socialistes, qui accordent sa préférence aux dynasties, aux cooptations franc-maçonniques, pour assurer la relève (je ne parle des personnes, j’accuse le système) ? Accepteront-ils enfin de mettre un terme au laminage des élites intellectuelles, censées incarner le primat d’excellence de la gauche sur la droite ? Accepteront-ils les Rachida Dati de gauche ? Leur réserveront-ils le même sort qu’à Malek Boutih ?

Il faut lire autre chose qu’un simple opportunisme dans l’ouverture à gauche voulue par Nicolas Sarkozy. Cette dernière s’appuie en premier lieu sur une vision idéologique panoptique de la maison France. Cette dernière reste profondément divisée en son cœur entre deux pôles : une fascination mal feinte pour les réussites du modèle anglo-saxon (plein emploi, capacité à relever des défis supposés inatteignables) ; une crainte sous-jacente de la solidité du modèle social gaulois face à une mondialisation qui, lorsqu’elle est intelligemment décrite, pointe immédiatement les fragilités du dit modèle (financement des retraites, compétitivité des entreprises à l’international).

Cet état d’angoisse généralisé a jeté les bases du social-libéralisme rénové que souhaite promouvoir Nicolas Sarkozy. D’où la volonté de ce dernier d’élargir la base des valeurs d’un éventuel succès de sa démarche. La culture de la réussite qu’il souhaite promouvoir ne peut se concrétiser dans l’opposition entre les deux France, celle qui ne tire pas profit des avantages de la mondialisation et celle qui assure qu’en débridant l’esprit d’entreprise, les pauvres bénéficieront aussi des retombées positives de la nouvelle donne économique.

Disons le tout net : cette démarche est séduisante. Sera-t-elle opérationnelle ? Les premiers échanges entre les syndicats et François Fillon (peut-être plus autoritaire sur le coup que son patron) laissent augurer un temps plus long que prévu pour qu’un climat social de confiance puisse entraîner l’instillation des réformes souhaitées par Nicolas Sarkozy. A moins que (l’hypothèse est peu évoquée) l’impérialisme idéologique sarkozyste naissant parvienne à se dispenser de syndicats qui ne représentent au final que 8 % des salariés français.

Ne nous cachons pas la réalité : face à ce rouleau compresseur, le Parti socialiste n’a qu’une seule voie à explorer : celle de sortir de sa pleutrerie conceptuelle, celle de l’humilité, d’un grand coup de Kärcher (pardon) sur les totémismes antédiluviens. En l’état actuel, le Parti socialiste ne manque pas de talents. Mais il en existe aussi beaucoup à l’extérieur. Des quadras, formés au rejet du monarchisme mitterrandien, pour lesquels l’action politique s’arrime sur le concret (l’insécurité, la sécurisation des parcours professionnels, la priorité donnée à une école de la République plus soucieuse des enfants les plus exposés aux dérives sociales, etc).

Qu’a fait Nicolas Sarkozy ? Il a siphonné les idées de gauche, leur a donné une carnation concrète. Ne parlons plus d’utopie, profitons des extraordinaires ressources du champ associatif, libérons les énergies innovantes, donnons à tous les hommes de bonne volonté la possibilité de vivre leurs rêves, d’entreprendre, quitte à se planter, pour ne pas entrer dans la vraie vie à reculons, avec pour seul objectif de s’accrocher aux branches les moins branlantes de l’avenir. La France est aujourd’hui atteinte d’une forme aiguë d’asthénie. Elle a peur de faire. Elle a peur de se libérer. Quel gâchis !

Si le Parti socialiste reste en l’état, si le profil du futur élu est lié à son hérédité, si les nouvelles générations ne sont que des duplications plus fades des futures anciennes, si faire de la politique c’est uniquement apprendre par cœur des fiches joliment rédigées pour les ânonner en meetings, alors oui, le sarkozysme a de l’avenir devant lui et le Parti socialiste se transformera piteusement en centre de formation des futurs cadres de l’UMP.

Chère Ségolène Royal, je reste à ton entière disposition. Messieurs de Solférino, je baigne dans le mauvais jus de l’improductivité. J’attends votre appel. Et merde pour cet élan narcissique (je ne serai jugé que sur les résultats), merde à ceux qui me jugeront mytho (ils n’ont qu’à aller écouter quelques réunions publiques d’élus socialistes de terrain pour se rendre compte qu’ils sont incapables de faire vibrer la moindre envie), merde de laisser le champ libre à la médiocratie du PS !

Read Full Post »

http://www.emmabonino.it/var/data/images/5527_napoleon-throne.jpg_large.jpgAvouons-le : les membres de l’UMP affichent aujourd’hui une grande sérénité dans le déroulement de leur argumentaire. Le logiciel que leur a offert Nicolas Sarkozy ne tombe pas en panne. Mieux encore, il y a comme une excitation auto-centrée de ce fameux brio dialectique qui fait l’élection.

Pas besoin de lire le linguiste Fernand Saussure (que je conseille tout de même vivement) pour intégrer cette règle élémentaire : l’important, ce n’est pas seulement d’avoir de bonnes idées mais d’assurer, dans la clarté, leur promotion. Les Français aiment la virilité des formules choc, les « tapismes » langagiers. Nicolas Sarkozy a réussi l’exercice, passons…

Le plus difficile aujourd’hui pour le Parti socialiste, ce n’est pas tant d’opposer des idées crédibles (elles existent, en ordre dispersé certes, mais elles demandent juste à être intelligemment coffrées) que d’inventer un logiciel concurrentiel efficace. Prenons un exemple simple : François Mitterrand a enfanté Jean-Marie Le Pen et Nicolas Sarkozy vient de rapetisser l’invention machiavélique du mitterrandisme. Cette idée est dans le logiciel sarkozyste.

Pour désactiver cette fonction, il faut d’abord rappeler que l’invention en question a énormément servi la droite (désistements réciproques aux légalislatives, gestion commune dans les Conseils régionaux…) avant que les dessins de Plantu, où voletaient les mouches autour de certains responsables de droite, n’entraînent un sursaut moral. Donc la droite est très mal placée pour reprocher à la gauche d’avoir utilisé Le Pen pour assurer la réélection de députés dans des triangulaires bien commodes. Et je ne dédouanne pas ici les margoulins socialistes ou communistes qui ont sablé le champagne en apprenant le résultat du FN.

Je dis que lorsque l’on tient un discours moral, il faut d’abord regarder au fond de sa culotte. Donc, quand on aborde la question essentielle du siphonage des idées d’extrême droite au profit de Nicolas Sarkozy, il faut avoir dans la musette dialectique (l’élection n’est que dialectique) cet argument massu face à une UMP trop sûre d’elle-même. Je l’écris pour les candidats en campagne : « J’aimerai savoir comment vous pouvez affirmer, toute honte bue, que la gauche a enfanté Le Pen, sans la moindre preuve, alors que vous avez scandaleusement profité des bons scores du FN aux législatives et dans les exécutifs régionaux. Dites-moi le contraire, monsieur Machin (oui, l’effectivité dialectique passe par l’emprisonnement de l’adversaire, voir Jaurés et Sarkozy) ».

Le parti socialiste ressemble aujourd’hui à un boxeur talentueux sans punch, courbant l’échine à la moindre difficulté. Chaque uppercut de la droite atteint le minois de la gauche. Reste à savoir sur quels segments de sa politique Nicolas Sarkozy récompensera le retour au bercail des brebis égarés du lepénisme. Qu’attendent-ils ces électeurs ayant rompu le pacte de fidélité solide qui les maintenait depuis longtemps au FN ? Moins d’immigration, plus de sécurité ? L’ancien ministre de l’Intérieur devenu Président a échoué dans ce domaine.

La gauche est donc appelée, pour ces prochains mois, a dénoncé l’illusionnisme sarkozyste tout en expérimentant les premiers éléments du logiciel qui lui a fait si terriblement défaut lors de l’élection présidentielle.

Read Full Post »

actualite.aol.fr

On la sentait bien venir, cette petite gêne, dans le cadre de l’émission France Europe Express. Christine Ockrent, épouse de Bernard Kouchner, journaliste d’une des émissions les plus conséquentes du paysage audiovisuel français avec celles d’Yves Calvi. Et François Bayrou, dont la diagonale dialectique rappelle celle d’un fou (donc de quelqu’un de raisonnable dans mon esprit) eut ce petit hoquètement hilare qu’il affecte quand il sent que son propos va bousculer le politiquement correct, en s’excusant par avance d’oublier la proximité familiale entre le ministre et son épouse pour tenter une énième clarification entre « ralliement » et « alliance ». Aussi sincères que puissent être les démarcations entre vies privée et professionnelle, Christine Ockrent n’est plus, depuis quelques jours, une journaliste comme les autres.

Chère madame, j’eusse apprécié qu’en début d’émission, les yeux dans les yeux, vous prîtes la parole pour nous livrer les clés d’un contrat de confiance : ici, mon mari est un homme public comme les autres ; quand je ferme la porte de mon domicile, ça devient mon ou notre problème…

Je vous pose donc directement quelques questions auxquelles je suis sûr vous saurez répondre : comprenez-vous que les téléspectateurs de votre excellente émission puissent être légitimement troublés par votre contexte familial ? Pensez-vous pouvoir conserver dans cette situation votre capacité de critique ?

Votre époux, dont la principale qualité est de ne pas se fondre sans moufter dans le conformisme oblitérateur, sera donc souvent sous les feux de l’actualité et les projecteurs se braqueront sur les attractions-répulsions de ses rapports avec un président de la République qui n’est pas conformé comme lui : comment traiterez-vous de ces relations ? Qui le recevra (il est tout de même titulaire d’un porte-feuille cible de votre contenu éditorial) lorsqu’il sera amené à se rendre sur votre plateau ?

Je suis sûr que vous aurez le courage de répondre à ces questions et, dans un élan narcissique pathologique, vous invite à être interviewée sur ce blog sur le sujet.

Read Full Post »

Amis journalistes, de grâce… Puisque l’air du temps est à la rupture, tentez de perdre aussi cette mauvaise habitude, pratiquée essentiellement par les journalistes de radio, de suivre les personnalités politiques, ministres ou battues, dans leur fief de campagne, en récupérant des commentaires à la con d’imbéciles heureux contents d’avoir touché la main de Sarko, vantant la combativité de Fillon, l’humanité de je ne sais qui d’autres…

Cette badauderie dégoulinante est si attristante qu’elle relève de la non-assistance à personne en danger et je serai bien en colère d’entendre mon père dire que l’élu du coin promu sur le plan national est « sympathique ».

Faites comme Yves Calvi sur France 5 ou Judith Clarigni et Brice Teinturier sur France Culture, deux émissions exemplaires de ce que le service public doit : un cadre, des faits, des analyses, des oppositions…

Sortez de cette idéologie mortifère, enseignée en école de journalisme, que vos auditeurs sont des tâches automobiles surmontées de bobs. Nous y gagnerons tous. L’idolâtrie française n’est qu’une activité touristique, pas politique.

Read Full Post »

http://www.grainesdechangement.com/images/MartinHirsch.jpg

Monsieur Hirsch, vous voilà Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. La lutte contre la pauvreté est une urgence. Je vous suppose à gauche. Mais le traitement de la pauvreté ne peut se caler sur les alternatives des temps politiques. Et si vous réussissez dans votre domaine, les pauvres se foutront bien de savoir si le président de la république qui vous aura accordé sa confiance est de gauche ou de droite.

J’ai lu et relu nombreuses de vos analyses et interviews. Je suis convaincu que vous êtes l’homme idoine pour relever ce défi. En attendant que la gauche se refasse une santé, je vous souhaite la plus grande réussite. Si les projets politiques sont de droite ou de gauche, le service de l’Etat n’a pas de frontières.

Read Full Post »

http://medias.lefigaro.fr

Je me suis servi un fond de whisky. Pas trop. J’ai suçoté un petit cigarillo. Deux inhalations. Fallait être en forme pour ce matin. Christine m’a invité à venir me coucher vite. Je l’ai embrassé tendrement sur le front. Comment dormir ? Je l’ai rassuré. « Je termine le verre ». Elle m’a demandé si j’allais bien. J’ai eu du mal à contenir la formation d’un caillot lacrymal dans la gorge. Un hochement de tête a suffi. Je me suis retrouvé seul. Sans envie. Dans le vague. J’ai allumé la télé mais le visage rond de François Hollande m’a fait sursauter. Je l’ai éteinte aussitôt. Demain (aujourd’hui pour vous), je serai pour une partie de la France un renégat, un mangeur de lentilles, un opportuniste défroqué, un vendu au libéralisme, un crédule…

A mon âgé avancé, les petites convulsions médiatiques me laissent heureusement de marbre. Je suis né socialiste, j’avais envie de sauver la planète ; enfant, je ne supportais pas l’indifférence de mes proches pour les mendiants, la pauvreté m’a toujours indigné. Docteur, j’ai voulu aller au bout du monde pour sauver l’humanité, pour sauver mon âme. J’ai tenu dans mes mains des enfants de douze kilos. J’ai côtoyé la folie humaine, de près, de très près, dans le Biafra, au Kosovo, ce Kosovo de mon cœur où je n’oublierai jamais ce que la lâcheté des nations peut causer dans le regard d’un gosse anémié.

On m’a tellement reproché de choses que je ne sais par où commencer. J’ai égaré la liste. Tout ce que j’ai pu faire n’a pas été parfait mais je ne supporte pas l’idée que les rodomonts de tribune, sagement posés au coin du feu de leur Ardèche ronronnante, viennent me donner la moindre leçon. L’injustice, je l’ai saisie à la gorge, j’ai tout fait pour lui tordre de cou. Oui, c’est vrai, j’habite un endroit cossu. Oui, c’est vrai, j’ai cédé comme nous tous à l’ensorcellement de l’argent. Même l’Abbé Pierre a pêché. C’est dire comme vivre est une grand épreuve, surtout lorsque l’on défend des idées nobles.

Tout au long de ma vie, j’ai appris à me méfier des puretés humaines. L’homme est ambivalent. Tel gauchiste habite un pavillon avec piscine. Tel coco passe ses vacances à Ibiza. Et, lorsque Simone de Beauvoir s’achetait une robe trop chère, pour éprouver le frisson de la coquetterie, elle qui entretenait un rapport si trouble avec la féminité, elle broyait des idées noires tout au long de la journée. Et lorsque Léo Ferré, pierrot lunaire des anars, pourfendeur du capital, se rendit propriétaire de sa maison en Toscane, il bafouillait des explications oiseuses à ses fans troublés. L’argent est notre mauvaise conscience commune.

Camarades, je suis triste de vous abandonner. Le principe de réalité a pris le dessus sur la puissance des convictions. Je suis peut-être mieux armé que d’autres pour fixer droit dans les yeux le diable Sarkozy dont on m’a décrit avec moult détails la vésanie. Mais, quelque part, je retrouve ce matin ma liberté.

Les gens de gauche auront l’honnêteté de reconnaître que travailler avec la droite n’est pas sans saveur : chez eux, on se débat moins avec la moralité, la richesse n’est pas tabou, la réalité a pris le relief simpliste des bas instincts, le monde de Bush est plus manichéen que le nôtre et, dans un monde traversé d’incertitudes, les Français ont besoin de se retrouver autour de principes audibles et concrets. Sarkozy a réussi le tour de force d’occuper le champ que nous n’osions plus amodier, le travail, la fierté d’être Français. Des années plus tard, après avoir enfanté le Front national pour des raisons bassement électoralistes, nous voilà piégés, nous, socialistes, dans l’impasse identitaire d’une France que nous avons volontairement labourée.

Je dis les choses comme je les ressens : la gauche ne retrouvera plus le pouvoir en France avant dix à quinze ans si elle se contente de congrès stériles et d’une refondation dialectique. Alors, de l’endroit où je suis, avec mes maladresses, mes humaines limites, j’essaierai de défendre la cause de ceux qui croient aux combats de la gauche. Car, si je quitte la gauche, elle, elle ne me quittera pas. Si je comprends le trouble légitime des amis que je perds, je n’aurais jamais trop de colère contre ce PS enkysté dans ses querelles picrocholines, bien incapable aujourd’hui de résoudre la complexité des problèmes qui se posent à notre époque.

Oui, je pense que Nicolas Sarkozy est un moindre mal, à l’instant T de l’histoire de notre démocratie. Le monde de Sarko n’est pas le mien. Mais la gauche n’a pas su inventer le sien. Apatride, je deviens un sans papier honnête, mu par la seule volonté de rendre le monde meilleur.

Read Full Post »

http://tempsreel.nouvelobs.com

Il y a deux manières de juger le ralliement d’un homme de gauche dans un gouvernement de droite et vice-versa : celle qui consiste à dire que la noblesse de la gestion des affaires de l’Etat dépasse le débat politique et qu’une fois passé le temps de la confrontation, seul prime l’intérêt immarcescible de l’Etat ; celle qui refuse cette dichotomie facile entre l’affirmation de ses convictions profondes et l’adaptation à un principe de réalité.

L’air du temps est à la vibration de cette idée que la confrontation politique est d’une improductivité infantilisante et que la modernité se régénère dans une progression au jour le jour dans le maquis des défis à relever. L’infusion de cette idée est une menace pour la richesse du débat politique : elle risque d’amoindrir la recherche, des deux côtés du balancier politique, des expériences couronnées de succès ; elle expose le débat politique à la tentation de la synthèse qui n’est jamais qu’un couvercle chuintant que l’on pose sur de vraies divergences de fond. Elle démonétise enfin le débat politique qui deviendrait ainsi, aux yeux de l’opinion, un lieu d’échanges artificiels, une mascarade ritualisée.

Quelle est la nature de la sarkozyphilie subreptice de Bernard Kouchner lorsque l’on pioche sans mal dans les déclarations qu’il fît et dont la peinture est encore fraîche ? Lorsque le French doctor reprochait il y a dix jours au nouveau président de la République de « pêcher dans les eaux de l’extrême droite », mentait-il, prenait-il les gens de gauche sincères pour des gogos lobotomisés ?

Car il n’aura pas échappé à l’opinion française que le corps doctrinal du programme de Nicolas Sarkozy penche très à droite et que le choix du pays doit être respecté. Je veux choisir mes futurs élus à partir des idées qu’ils défendront en campagne.

La démarche de François Bayrou est différente puisqu’il inscrit dans le marbre de ce nouveau mouvement démocratique le principe d’une variabilité d’approche des différentes mesures à apprécier s’il reste dans l’opposition. Mais qui peut penser en France qu’un élu, de gauche comme de droite, n’agissait jusqu’alors qu’en fonction d’une vision étriquée de la bipolarité politique ? Dans les collectivités territoriales, que la majorité de droite soit de gauche ou de droite, l’immense majorité des délibérations sont adoptées à l’unanimité parce que l’édification d’un collège ou le renforcement d’un dispositif de vigilance auprès des personnes âgées ne peut faire l’objet d’une opposition abêtissante.

Bien entendu, cette sagesse n’est pas reproductible à l’échelle de l’assemblée nationale, créatrice du socle législatif du pays, là où les divergences s’élèvent plus frontalement. Mais, si je vote à gauche, et que cette gauche reste minoritaire, je n’attends pas de « mon » élu une déresponsabilisation devant les choix d’opposant qu’il doit faire. J’attends de lui qu’il lance, à l’échelle de la circonscription qui l’a élue, le débat nécessaire, auprès de la population, pour qu’il puisse voter en homme libre, serein et objectif.

Ce n’est pas parce que le débat crée une saine opposition qu’il empêche le recoupement d’éléments unanimement partagés. Dans une démocratie, l’opposition détient un rôle fondamental, celui de faire vivre l’immense minorité battue aux urnes pour que la vision que cette France porte dans ses tripes ne soit pas écrasée par celle de la France majoritaire. Je crois que les institutions, telles qu’elles existent, autorisent cette dynamique du débat. Et non des ralliements de fins de carrière ou de colère inversée qui s’apparentent plus à des haines bruyamment remâchées qu’à des sursauts moraux salutaires.

Bernard Kouchner a sans doute beaucoup de reproches à faire au PS. J’en partagerai sans doute beaucoup avec lui. Pense-t-il une seule seconde qu’en ralliant le camp qu’il a toujours combattu, il sera plus audible auprès de ceux avec lesquels il a toujours cheminé ? Nous sommes tous ambivalents, tous un peu schzyzos… Mais le choix politique doit toujours se faire dans la clarté, avec des ajustements mais sans revirement brusque.

C’est pour cette raison, Bernard Kouchner, que je suis triste aujourd’hui d’apprendre que vous franchissez le gué. Parce que vous le franchissez du jour au lendemain, sans avoir pris le temps de nous expliquer pourquoi vous le faites. Vous le franchissez dans l’entrebaillement de l’air du temps, par haine pour votre famille d’origine, par vengeance. Je vous souhaite cependant, pour la France, le meilleur succès.

Read Full Post »