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Archive for the ‘Ségolène’ Category

http://hebdo.parti-socialiste.frLe putsch a donc eu lieu. Il est venu d’un côté inattendu, d’un homme à l’élégance discrète mais ferme : Jean-Marc Ayrault. Celui qui est à la tête du groupe socialiste depuis dix ans a ainsi voulu démontrer que s’inscrire dans la durée n’est contre-productif que si les leçons de l’échec ne sont pas apprises par cœur.

Jean-Luc Mélenchon, dont le seul rôle aujourd’hui au sein du Parti socialiste est de colorer de saillies bien pensées les ambiances d’enterrement de la rue de Solférino avec une dose de cynisme carnassier, avait accusé Ségolène Royal de vouloir intenter un putsch lors du dernier conseil national du PS.

Eh bien, le putsch a eu lieu à l’extérieur, dans le cadre solennel de l’Assemblée nationale.
D’un seul coup, l’affirmation d’une volonté d’opposition, d’une envie de politique, est apparue. D’un coup, la gangue des métalangages socialisants s’est comme flétrie sous le simple assaut formel d’une geste que le peuple de gauche attend depuis belle lurette : l’art du pas de côté, le simple fait de se garer quelques minutes sur le bas côté parce que l’on sent bien que l’on s’est égaré, qu’il faut reprendre la carte de sa propre navigation.
D’un seul coup, les papys flingueurs des concélébrations systémiques du PS, les chefs de clans, les fossoyeurs du progressisme se sont tassés sur la photo. A force d’immobilisme, à force de psitaccisme, à force de mutité, la momification guette.

Par exemple, j’ai le plus grand respect pour l’excellence de DSK. Mais comment décrypter aujourd’hui le sentiment qu’il donne de laisser le vide redistribuer les cartes ? Le PS donne l’image troublante d’une communauté qui chute sans vouloir se rattraper à une branche. Ces hommes d’écuries doivent impérativement sortir de leur club, aller prendre un peu l’air, calmer les énergies jésuitiques de leurs vassaux. Ils s’abrutissent de leur propre génie. DSK est sans doute l’un des meilleurs économistes que compte ce pays. Et alors ? Qui le sait ?

Alors, bravo, Jean-Marc Ayrault ! Merci de faire naître des visages, des possibilités de réponses critiques au monde tel qu’il est, de rendre perceptible la possibilité de débats contradictoires sans lesquelles nos belles démocraties basculeraient dans de scabreuses homothéties antagonistes. Merci de sortir le PS de son misonéisme (peur de la modernité) papelard (1).

Le Parti socialiste ne doit plus cultiver l’ambiguïté schizophrène : il est progressiste ou n’est pas. D’ailleurs, le plus grand charognard de l’affaiblissement du PS, alias Nicolas Sarkozy, en a fait une chasse présidentielle : il a récupéré ce qu’il y a de plus moderne et d’enfreint dans cette gauche frappée d’hémiplégie.

Prochaine étape : passer de la nécessité de la refondation à l’instillation dans le débat public de propositions concrètes et audibles venues du cabinet noir. La matière critique existe, il suffit de la manufacturer…

(1) J’adore les mots, depuis tout petit. Longtemps, je les ai gardés dans une besace secrète, craignant le reproche de la préciosité. Puis je me suis dit il y a peu que la vitalité de langue française passait par l’incandescence de son formidable polymorphisme. Je vous donnerai donc les définitions pour sauver l’essentiel, à savoir la compréhension d’une démonstration. On « deale » comme ça ?

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http://www.jacquesmarseille.frLongtemps accusée d’angélisme, la gauche a notablement évolué sur sa manière d’appréhender le vécu des Français. Elle sait aujourd’hui que l’insécurité est un agent actif de désaffiliation sociale ; elle a intégré que l’entreprise était l’indépassable allié d’une société apaisée ; elle a à peu près cerné le fait que la mise en place des solidarités actives au sein d’une société est le grand défi des prochaines législatures.

L’Etat protecteur est un savoir-faire français. Mais cet Etat est en crise pour la simple et bonne raison qu’il est, par essence, mouvant. Les Français de gauche, notion délicate à manier tant les sociotypies sont désormais branlantes, ont préféré le pacte crédible offert par un homme de droite. Pourquoi ? Nicolas Sarkozy est parti d’un constat simple : les Français ne souhaitent plus qu’on leur raconte n’importe quoi. Nous avons tous en tête le champ de l’ancien ministre de l’Intérieur en train de sermonner « la racaille » des cités. Qui était dans le contre-champ ? Une femme exaspérée. Nous sommes tous au regret de constater que la « racaille » existe dans les cités sensibles. Et pour être tout à fait honnête, j’ai souvent entendu des acteurs de terrain, issus des minorités visibles, tout aussi exaspérés, employer des mots beaucoup plus durs que Nicolas Sarkozy sur le sujet. Nous devons cette vérité à l’honnêteté du débat.

Mais la présence rongeante de cette « racaille » n’est pas en soi le problème principal. La difficulté est qu’elle règne en maître sur des quartiers où les référents économiques, associatifs, civiques et culturels ont déserté. Cette désertion en rase campagne est l’échec le plus symbolique de la gauche. Là où elle détient les pouvoirs locaux, elle n’a pas su se défaire de la logique de guichet destructrice de la politique de la ville, elle n’a pas su instiller de l’excellence politique pour qu’aux diagnostics de terrain les plus affinés correspondent des politiques d’une précision chirurgicale.

On ne cesse de dire et de répéter que la politique de la ville relève de la fine broderie. Les agents de l’Etat et des collectivités territoriales doivent être les représentants syndicaux d’un projet de vie validé par les habitants. La politique de la ville n’est crédible qu’à partir du moment où convergent les bonnes volontés de terrain et l’accompagnement humain et financier des pouvoirs publics. Si ce lien se distend, c’est l’ensemble de l’édifice qui s’écroule.

Comment vivent les 6 millions de Français parqués dans les cités sensibles ? Ils sont confrontés à un chômage récurrent, confrontés à l’inutilité sociale ; ils se marrent quand ils entendent dire qu’ils se vautrent dans l’assistanat alors que la moindre étincelle collective portée par un projet unifiant déclenche chez eux une soif de citoyenneté, de partage, de grégarisme.

Ces Français sont confrontés au mal de la délinquance des mineurs, « leurs » mineurs, « leurs » enfants. Et ils se marrent quand on les menace de supprimer leurs allocations familiales, comme si une telle mesure, d’une monstrueuse bêtise, allait activer une reprise en main éducative. Longtemps, ces parents se sont battus pour éviter le pire. Mais la drogue, la vie facile ont balayé leurs discours sur la prime accordée au mérite personnel. Pourquoi ? Parce que le père, perclus de rhumatismes, qui a tout donné à l’effort industriel de la nation, noie sa tristesse au bistrot et râle contre un système qui l’a mené au désespoir. Misérabilisme de situation ? Aller boire un petit café dans les derniers bars ouverts dans les cités sensibles, c’est très éclairant sur la perte de l’exemplarité paternelle.

Face à l’impuissance des pouvoirs publics, face à la démobilisation des acteurs associatifs, face à la désertion des femmes et hommes de culture, face au découragement organisé de l’audace, face aux dégâts causés par la désindustrialisation de la France, les cités ont renforcé leur décrochage. Les Français ont érigé des murs invisibles entre eux. Les uns ne vont plus là où les autres, incarnant une menace, vivent. Qui ne s’est pas dit, une fois dans sa vie, « comment font-ils pour vivre là » ? Qui ?

C’est sur ce terrain que la gauche a perdu la dernière élection présidentielle.

Oui, c’est l’emploi du mot « racaille » qui a permis à Nicolas Sarkozy d’être élu. Pourquoi ? La gauche aurait du promouvoir l’idée de la mise en place, dans tous les quartiers prioritaires, d’agence de cohésion sociale de proximité (logement, éducation, insécurité, etc). A la tête de l’agence, l’élite de l’Etat, pas un petit sous-préfet mal dégrossi et n’avançant qu’avec le Code général des collectivités en main comme référence absolue. Non, une femme ou un homme investi de la mission de « dégadgétiser » la politique de la ville. Son rôle ? De l’anti-tapisme permanent ; identification des dysfonctionnements dans la création d’une dynamique vertueuse de terrain ; mise en place de programmes de développement économique dits de micro-activités en lien avec les chambres de commerce et les représentants du patronat (commerces de proximité mais aussi entreprises de service à la personne) ; alerte sur les progressions d’insécurité sur le terrain avec renfort immédiat de personnel mobile (policiers et éducateurs de rue) ; réinscription de grands projets culturels et éducatifs de terrain. Le « patron » du territoire sera sommé de venir rendre des comptes sur son bilan, devant la population et les responsables politiques. En situation de mission, tout échec ou bilan mitigé entraînera sa destitution immédiate (la patience des cités a des limites). Mais, face à la difficulté de la tâche, il pourra exercer sa propre défense en pointant les errances administratives de l’Etat et des collectivités territoriales. Les pouvoirs publics doivent passer d’une politique d’affichage, de saupoudrage, à une démarche dynamique sanctionnée de succès visibles et renouvelée en permanence.

Ainsi soumises à un harcèlement permanent positif des pouvoirs publics, les cités se régénèreront de l’intérieur. Car il faut d’abord réactiver la confiance de ces femmes et de ces hommes montrés depuis trente ans comme des rebuts.

Bien sûr, il est facile, d’un petit blog bien chiadé, d’asséner des « faut que » et des « y’a qu’à ». Je l’entends. Mais qui pourra contester l’idée que l’absence d’autorité des pouvoirs publics dans les cités est la cause essentielle de leur perte ? Qui pourra contester qu’une femme ou un homme habité du sens de l’Etat, déterminé sur les objectifs à atteindre, libre de dire, d’accuser, de bafouer ce ridicule devoir de réserve de la fonction publique, ne se projetterait pas dans un tel projet avec une foi décuplée ? Dans les cités sensibles, il faut des soldats de la cause républicaine perdue. Des pitbulls chargés de pointer un doigt accusateur sur les défaillances sans risque d’être abattus par le chef de service et affichant en permanence le chemin à suivre pour rendre la vie meilleure. La translucidité inouïe de la gauche sur ce terrain a donc entraîné la défaite de Ségolène Royal. Parce que le réformisme de gauche ne doit plus seulement puiser son essence dans les mots valises de la vacuité rabâchée mais sur le terrain des possibles.

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http://www.medef.frLors de l’université d’été du parti socialiste en 2006, Lionel Jospin, ancien Premier ministre, aujourd’hui voué aux gémonies, définissait un cadre d’avenir pour le Parti socialiste : « Nous sommes de la longue lignée des socialistes réformistes. Réformer, c’est corriger, c’est changer en mieux. Mais que doit-on corriger et où est le mieux ? »

A cette question, aucune réponse n’a été apportée aujourd’hui. Le Parti socialiste se fait déborder de toutes parts par un Nicolas Sarkozy adepte de la triangulation (chasser sur des terres supposées ennemies…). En amputant une grande partie des thèmes de gauche, il rend un service utile au Parti socialiste : la nécessité de l’explosion, du grand big-bang refondateur et restructurant.

Je lance ici un appel aux Manuel Valls, Malek Boutih, Vincent Peillon et autres pour qu’ils s’émancipent définitivement d’un parti qui a atteint un tel niveau de décrépitude qu’il se réjouit d’un ressac rose aussi illusoire que fragile. J’ai beaucoup d’admiration pour Aurélie Filepetti dont j’ai apprécié les livres. Mais, à l’entendre dimanche soir dans l’émission Ripostes de Serge Moati, j’étais prêt à lui envoyer une bouée pour éviter qu’elle ne se noie dans l’indescriptible fragilité des propositions socialistes. Elle n’est pas en cause mais elle incarnait, à ce moment précis, ce qu’est aujourd’hui le PS : un mouvement translucide, de riposte, sur la défensive.

Je fais le pari qu’aucun habitant de ce pays ne serait en mesure de citer trois propositions claires du PS pour améliorer leur quotidien (une seule, d’ailleurs, ce serait bien). Et quand j’entends que Ségolène Royal n’a porté qu’avec des pincettes la proposition d’un Smic à 1 500 euros brut, parce que la proposition tenait de l’insulte à l’intelligence, je me dis que le grand guignol a été atteint, surpassé même. J’attends deux à trois choses du PS rénové :

1. Qu’il tourne le dos une bonne fois pour toutes avec la gauche messianique, autrement appelée radicale, dont certaines idées sont justes mais immédiatement plombées par l’irréalisme d’autres qui suivent. La gauche radicale veut la révolution. Elle se produira, peut-être, un jour mais sans les grandes entreprises qui auront pris le large depuis fort longtemps.

2. Que les rénovateurs sincères se réunissent dans une structure nouvelle, en acceptant l’idée de ne pas être élus dans les prochaines années. La machinerie socialo-étatiste leur barrera le chemin pendant quelques temps mais la force d’inventivité des rénovateurs débordera les chefferies locales et les officines pachydermiques plus rapidement qu’on ne l’imagine. Le PS n’a pas le monopole du socialisme rénové.

3. Que les rénovateurs enhardis mettent en face de chaque réalité sociale des mots ancrés dans le réel pour y faire figurer des programmes adaptés aux défis du siècle. Que la pédagogie reprenne ses droits, expurgée de tous les mots valises à la con, teintés d’un égalitarisme auquel même les plus pauvres ne croient plus.

Pour retrouver le chemin de l’efficience, le PS actuel doit déposer le bilan et laisse place à cette jeunesse déconnectée de tous les tabous qui font du PS français un lieu de germination de toutes les schizophrénies.

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guy4you.bleublog.chLe rebond qualitatif de la gauche au deuxième tour de l’élection législative comporte le risque de différer l’examen de conscience qui s’impose au vu notamment de cette réalité qui n’aura échappé à personne : la droite a bel et bien gagné.

Il ne s’agit pas de jouer les « casseurs » d’ambiance mais de fixer le paysage tel qu’il est. Ce retour au réel s’inscrit dans la continuité d’une démarche méthodologique : pour redevenir un parti en capacité d’incarner une alternative, tant locale que nationale, le Parti socialiste doit faire l’effort douloureux d’examiner les raisons de son échec. Cette démarche réclame une certaine dose de courage car elle risque d’appuyer sur des points douloureux.

Les observateurs les plus avisés ont insisté jusqu’à satiété sur l’absence d’un discours porteur des valeurs de la gauche. Cette critique est injuste sur le fond (le pacte présidentiel de Ségolène Royal comportait à l’évidence des éléments de révolution sociétale) mais juste sur la forme : plus que jamais, le temps hypermédiatique valorise le dire politique en circonscrivant l’agir politique.

Il faut s’interroger sur deux segments simples du débat cathodique surexposé tel qu’il s’est déroulé : Nicolas Sarkozy a réussi à capter les attentes du peuple français sur une revalorisation du travail (mécanisation du principe de la méritocratie, très en vogue dans un pays scindé entre les gagnants des 35 heures et les perdants de la mondialisation) et sur un travail de sape visant à démonétiser le principe de réalité tel que la gauche le conçoit.

Il a réussi la performance de faire passer la gauche pour l’incarnation d’un conservatisme forcément dangereux dans un monde dont la France semble ne pas détenir les clés des mutations rapides qui s’y déroulent. Les Français ont considéré que le discours musclé, réparateur de Nicolas Sarkozy était mieux à même d’opérer le déclic qu’ils attendent.

Dans un contexte où le modèle social français est caricaturé, désigné comme le mal absolu alors que les Français bénéficient à l’évidence des services publics les plus performants au monde (voir le film de Michaël Moore, Sicko, sur le système de santé des Etats-Unis), l’opinion a souhaité faire un pas en avant en espérant une déconstruction habile dudit modèle.

Cette confiance accordée au Président de la République procède d’un malentendu : ce vieux modèle raillé, dont il est de bon ton de fustiger les défaillances, fait l’objet d’une véritable vénération des classes populaires et moyennes. C’est notre totem commun. La France n’est pas l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni. Les populations de ces deux pays sont prêtes à faire des sacrifices (augmentation de la TVA de trois points en Allemagne, conditions drastiques imposées aux chômeurs au Royaume-Uni pour retrouver vaille que vaille un emploi) que les Français n’accepteraient pour rien au monde.

L’irréformabilité de la France relève de l’aporie (difficulté insurmontable) : notre pays n’accepte pas de perdre pour espérer gagner plus. Elle tient à sa protection sociale. Elle chérit son tryptique républicain « Liberté, égalité, fraternité » comme les Turcs chérissent leur laïcité. Les Français donnent mission à nos gouvernants de trouver une position médiane entre un Etat protecteur et la mise en place des conditions pour enclencher le cercle vertueux de l’entreprise France.

Comment ? Beaucoup d’experts pourraient jeter l’éponge face à ce défi hymalayen. La seule voie qui me paraît pertinente passe par la réconciliation entre les corps intermédiaires (syndicats, associations, partis…) et les gouvernants afin de dénicher, dans un dialogue permanent, les solutions d’une équation gagnant-gagnant. J’ai la conviction que ce chemin, forcément tortueux tant les blessures, les anathématisations subies ou échangées d’un camp à l’autre relèvent du sport national, peut entraîner d’heureuses surprises.

Prenons le cas du port de Marseille. Je suis convaincu que les esprits sont mûrs pour que des personnalités transfrontières puissent prendre le temps de concilier deux discours perclus de formules à l’emporte pièce, trop fortement pollués par des items claquemurés, opposition entre « sauvegarde du service public » et « renforcement de la compétitivité économique du port ». Pourquoi ces deux pôles resteraient-ils inconciliables ? N’existeraient-ils pas une ou deux convergences entre patronat et syndicats à partir desquelles le commencement d’un cheminement pourrait poindre ?

Autre exemple : la réforme ou la suppression de la carte scolaire. La priorité ne devrait-elle pas aller vers une refonte des modalités de carrière d’un professeur pour éviter que les plus expérimentés soient affectés dans des lycées prestigieux alors que les débutants se trouvent souvent dépassés dans des contextes difficiles et lourds ? Pourquoi ne pas généraliser certaines méthodes pédagogiques qui ont montré leur efficacité dans les zones sensibles ? Pourquoi ne pas donner plus d’autonomie à ces professeurs inventifs, dont il faut valoriser l’envie de contourner le désastre que représente l’échec scolaire pour un enfant ? Comment amortir le choc de la désafiliation sociale dans les établissements scolaires forcément exposés à des fragilités sociales plus grandes (elles sont a priori plus vives lorsque le chômage et l’oisiveté dominent que lorsque la stabilité financière et familiale est assurée) ?

Le temps des pratiques administratives est à l’audace. Il faut donner mandat aux plus inventifs d’aller au bout de leur réformisme plutôt que d’accepter un statu quo figeant les rancœurs et les échecs dans la durée. C’est sur ce terrain de l’inventivité progressiste qu’il faudra avancer pour que la gauche redevienne crédible auprès des Français dans une période de maturité civique et démocratique très forte.

Ces derniers ne sont pas aquoibonnistes. Ils veulent s’engouer pour des solutions crédibles, issues d’une analyse contradictoire de la réalité, où les fausses-bonnes solutions seront ramenées au simple témoignage d’une fidélité hériditaire.

Les Français sont désireux de discours effectifs. Ce constat imposera à la gauche une révolution interne, tant dans la rénovation de son discours que dans ses pratiques.

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http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=13497

Tel Galilée, François Bayrou considère que la vie politique française est naturellement vouée à tourner autour du centre qu’il incarne. Il se considère comme visionnaire. Comme tous les fous géniaux, il suscite réserves, critiques, abominations.

Ségolène Royal continue de croire que le vrai déploiement du centre se fera lorsqu’il se sera légèrement déporté vers la gauche moderne qu’elle entend promouvoir. Nicolas Sarkozy, lui, a tiré un trait sur le troisième homme : il veut sa disparition.

Le Modem est un point de convergence. Donc un lieu de cacophonie naturel. François Bayrou ne peut le dire de cette façon mais cette polyphonie ne le gêne en rien. Il aime voir les ex-Verts gambader avec Ségolène Royal. Il n’en voudra pas à un ex-UDF-d’avant d’inviter « ses » électeurs à voter pour un UMP bien charpenté. Et recourent au langage des signes pour signifier son état d’esprit du moment.

La clairvoyance d’une Marielle de Sarnez éclaire lumineusement un joli tango politique : pas de consigne politique mais l’affirmation d’un désir de pluralisme dans la future assemblée.

Sur le propre secteur de François Bayrou, le candidat UMP se retire, ce qui montre que la fatwa édictée par le grand manitou UMP est diversement appréciée sur le terrain. Bref, je le dis et je le répète, François Bayrou n’a qu’un seul et unique horizon dans la mire : Lui et 2012.

Autre intelligence de situation : il considère que l’électorat n’est pas un cheptel que l’on guide à travers les pâturages les plus fournis selon les soubresauts calendaires. Il le responsabilise, ne veut exercer sur lui aucune forme d’OPA. Le temps des magistères est fini. Ni Dieu, ni maître, ni gauche, ni droite : le Modem cherche à coloniser le centre.

Et si la gauche ne se refonde pas rapidement, François Bayrou sera au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, porté à la fois par les classes moyennes excédées par le discours involutif du PS et sa bonne image en construction dans les cités populaires de l’hexagone.

Une question se pose donc et je suis sûr qu’elle a traversé votre esprit : et si Ségolène Royal rejoignait le Modem ?

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http://www.adgoog.com/blogLes Français ont désormais sous les yeux un paysage politique notablement clarifié. Trois propositions s’offrent à eux. Elles ont pour caractéristique commune la volonté d’une hyperprésence qui renouvellerait les traditionnelles approches d’alliance.

Ayant réussi l’examen de la séduction, Nicolas Sarkozy est obsédé par la volonté d’injecter des anesthésiants dans le corps malade de la gauche. Pour reprendre la désormais célèbre expression d’Edwin Plenel, l’hyperprésidentialisation veut s’assurer une stabilité dans le temps en récupérant les soldats frustrés d’une gauche fatiguée d’elle-même. Il n’est pas certain que la tactique réussisse tant les recrues sont déjà démonétisées dans l’esprit de la gauche mouvementiste. Je pense plus particulièrement à Bernard Kouchner et Eric Besson, Jean-Pierre Jouyet et Martin Hirsh, de par leur parcours, ne pouvant être rangés sous le même label opportuniste.

Cette sphère va s’élargir avec deux recrues annoncées de chaque côté, le pathétique Jack Lang et le clairvoyant Jacques Attali. Si Nicolas Sarkozy agit de la sorte, c’est qu’il connaît mieux que quiconque la versatilité de l’opinion publique en bon ex-balladurien borduré.

En ces temps nouveaux de consumérisme électoral, le temps des preuves suit de près celui de la séduction. L’hypnotisme sarkozyste est donc, de ce fait, soumis à la même épreuve des faits. Ce n’est plus la légitimité d’un succès électoral, si patent soit-il, qui assurera le prolongement de l’euphorie, mais celui de la légitimité des preuves (le prix du chariot dans les hypermarchés, l’anoblissement de la valeur travail, l’enrayement du descenseur social, le sentiment d’une sécurisation au sens large des conditions de vie, etc.).

Il faut être bouché à l’émeri pour ne pas comprendre que Nicolas Sarkozy gouverne avec une carte réactualisée, tous les matins, de l’état de l’opinion. Or, la politique est l’art de remonter les courants contraires, de secouer les acquis, de piétiner les consensus. Habile, animal, Nicolas Sarkozy n’ignore pas le rejet dont il fait l’objet dans une partie importante de l’opinion. Cet anti-sarkozysme est pour l’heure un volcan éteint. Mais, en bon géologue, Nicolas Sarkozy travaille sur les conséquences d’éruptions inévitables.

L’autre hyperprésence s’enracine autour de François Bayrou. Son « ninisme », sa volonté de sublimer un hypercentre a été couronnée de succès à l’élection présidentielle et Nicolas Sarkozy ne l’ignore pas. La création cynique du nouveau centre, l’énergie mise à réunir l’axe radical prouvent s’il en était besoin qu’il souhaite bloquer l’innervation du discours de François Bayrou mais cette ligne de Maginot ne tiendra pas à la première difficulté tant les Hervé Morin, Maurice Leroy et autre Jean-Michel Baylet apparaissent comme des opportunistes sans valeur aux yeux d’une opinion désireuse de rejeter ces arrangements mafieux.

François Bayrou a réussi une énorme performance, celle de s’inscrire dans une possibilité d’avenir. Il incarnerait presque la meilleure opposition actuelle, celle d’un dépassement vertueux. Une seule épreuve l’attend : le choix. Les sciences physiques peuvent être éclairantes pour juger de l’inscription dans le temps des offres politiques nouvelles. L’équilibre, par essence, est précaire puisqu’il se pose au centre de deux forces centrifuges dont les conditions de matérialité sont mouvantes.

Le tsunami sarkozyste déplace le centre actuel au centre gauche. C’est une loi physique dont j’ai cru comprendre, avec mon modeste bagage scientifique, que François Bayrou avait repéré le déplacement. Quand il déclare dans le journal télévisé de France 2 du 3 juin à 20h que le deuxième tour du Modem aux législatives creusera l’hypothèse d’un plus grand pluralisme à l’assemblée nationale, beaucoup traduisent que des accords nombreux et décisifs seront scellés avec le Parti socialiste pour éviter une monochromie monotone au Parlement.

D’ailleurs, la facilité avec laquelle beaucoup d’élus Vert, souvent compétents, ont rejoint le Modem, sanctionnant ainsi la dérive picrocholine du parti écologiste, laisse supposer que les abouchements seront possibles entre des candidats PS effrayés par l’atonie de Solferino et un Modem très suspicieux sur l’état de grâce sarkozyste.

Enfin, la dernière hyperprésence, qui n’a rien du discours de la méthode Coué, et ça aussi, Nicolas Sarkozy le sait, est incarnée par le PS ségolisé. Dans les joutes classiques, le perdant est invité à traverser le désert pour ressourcer le discours. Or, n’en déplaisent à ceux qui la trouvent nunuche, Ségolène Royal a réussi la performance qu’un stratège comme Sarkozy ne peut qu’apprécier de faire porter la responsabilité de sa défaite aux pachydermiques dysfonctionnements du Parti socialiste.

Avec une foi d’airain, en intuitive née, habitée par une force mentale bien au-dessus de la moyenne, Ségolène Royal croit en son étoile et rien ne pourra la faire dévier de cette certitude. Comme si elle avait analysé les raisons de son échec : l’absence de profilage du discours, l’absence de mots, de syllogismes forts. Dire, c’est agir, rappellent les linguistes. Royal a perdu la bataille des mots, pas celui de la rénovation sociétale du pays.

L’après législatives au PS s’apparentera à un été meurtrier. Il se murmure déjà que les puissantes fédérations, soucieuses de défendre leurs réserves foncières à l’approche des municipales et des cantonales de 2008, prendront l’initiative d’une plus grande clarification du projet socialiste pour ne plus être otages des chicaneries nationales.

Mais les baronnies locales ont le sens du concret et elles savent que Ségolène Royal est aujourd’hui incontournable. Le seul ségocompatible est aujourd’hui DSK qui devra faire preuve d’humilité pour accepter une telle destinée. Car Ségolène Royal a profité des flottements directionnels du PS pour imposer sa marque. Et, tel un outsider ayant pris une dizaine de minutes dans une étape de plaine aux favoris du Tour de France, elle a pris une considérable avance dont elle capitalise l’avantage : les groupies ségolisées, à forte dominante féministe et zone sensible urbaine, ne la lâcheront pas tant le lien relève d’un surprenant mysticisme.

Ces trois hyperprésences conditionneront les prochains rapports de forces. Du discours à la mise en œuvre, Nicolas Sarkozy ne pourra slalomer continûment entre les récifs de la réalité. Le temps fusionnel des bises sur le perron de l’Elysée et des mains dans le dos complices ne durera pas face à une opinion française aussi ductile, capable de refuser la Constitution européenne et de voter deux ans plus tard pour un de ses promoteurs.

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www.observatoiredeleurope.com

L’air du temps est à la refondation au Parti socialiste. Les quadras n’hésitent plus à insister sur une révolution interne radicale. Reste à en définir les contours. Face à ce chantier nécessaire, les premières difficultés surgissent immédiatement.

Les caciques locaux accepteront-ils de lancer de nouvelles têtes sans remettre en cause le système sécurisé sur lequel ils assurent, bon an mal an, leur renouvellement ? Accepteront-ils d’intégrer la dynamique conceptuelle des nouveaux adhérents, celle qui a permis à Ségolène Royal d’assurer son succès lors des primaires pour la désignation du candidat à la présidentielle ? Accepteront-ils la remise en cause de cette gestion à la papa en vigueur depuis de nombreuses années dans les baronnies socialistes, qui accordent sa préférence aux dynasties, aux cooptations franc-maçonniques, pour assurer la relève (je ne parle des personnes, j’accuse le système) ? Accepteront-ils enfin de mettre un terme au laminage des élites intellectuelles, censées incarner le primat d’excellence de la gauche sur la droite ? Accepteront-ils les Rachida Dati de gauche ? Leur réserveront-ils le même sort qu’à Malek Boutih ?

Il faut lire autre chose qu’un simple opportunisme dans l’ouverture à gauche voulue par Nicolas Sarkozy. Cette dernière s’appuie en premier lieu sur une vision idéologique panoptique de la maison France. Cette dernière reste profondément divisée en son cœur entre deux pôles : une fascination mal feinte pour les réussites du modèle anglo-saxon (plein emploi, capacité à relever des défis supposés inatteignables) ; une crainte sous-jacente de la solidité du modèle social gaulois face à une mondialisation qui, lorsqu’elle est intelligemment décrite, pointe immédiatement les fragilités du dit modèle (financement des retraites, compétitivité des entreprises à l’international).

Cet état d’angoisse généralisé a jeté les bases du social-libéralisme rénové que souhaite promouvoir Nicolas Sarkozy. D’où la volonté de ce dernier d’élargir la base des valeurs d’un éventuel succès de sa démarche. La culture de la réussite qu’il souhaite promouvoir ne peut se concrétiser dans l’opposition entre les deux France, celle qui ne tire pas profit des avantages de la mondialisation et celle qui assure qu’en débridant l’esprit d’entreprise, les pauvres bénéficieront aussi des retombées positives de la nouvelle donne économique.

Disons le tout net : cette démarche est séduisante. Sera-t-elle opérationnelle ? Les premiers échanges entre les syndicats et François Fillon (peut-être plus autoritaire sur le coup que son patron) laissent augurer un temps plus long que prévu pour qu’un climat social de confiance puisse entraîner l’instillation des réformes souhaitées par Nicolas Sarkozy. A moins que (l’hypothèse est peu évoquée) l’impérialisme idéologique sarkozyste naissant parvienne à se dispenser de syndicats qui ne représentent au final que 8 % des salariés français.

Ne nous cachons pas la réalité : face à ce rouleau compresseur, le Parti socialiste n’a qu’une seule voie à explorer : celle de sortir de sa pleutrerie conceptuelle, celle de l’humilité, d’un grand coup de Kärcher (pardon) sur les totémismes antédiluviens. En l’état actuel, le Parti socialiste ne manque pas de talents. Mais il en existe aussi beaucoup à l’extérieur. Des quadras, formés au rejet du monarchisme mitterrandien, pour lesquels l’action politique s’arrime sur le concret (l’insécurité, la sécurisation des parcours professionnels, la priorité donnée à une école de la République plus soucieuse des enfants les plus exposés aux dérives sociales, etc).

Qu’a fait Nicolas Sarkozy ? Il a siphonné les idées de gauche, leur a donné une carnation concrète. Ne parlons plus d’utopie, profitons des extraordinaires ressources du champ associatif, libérons les énergies innovantes, donnons à tous les hommes de bonne volonté la possibilité de vivre leurs rêves, d’entreprendre, quitte à se planter, pour ne pas entrer dans la vraie vie à reculons, avec pour seul objectif de s’accrocher aux branches les moins branlantes de l’avenir. La France est aujourd’hui atteinte d’une forme aiguë d’asthénie. Elle a peur de faire. Elle a peur de se libérer. Quel gâchis !

Si le Parti socialiste reste en l’état, si le profil du futur élu est lié à son hérédité, si les nouvelles générations ne sont que des duplications plus fades des futures anciennes, si faire de la politique c’est uniquement apprendre par cœur des fiches joliment rédigées pour les ânonner en meetings, alors oui, le sarkozysme a de l’avenir devant lui et le Parti socialiste se transformera piteusement en centre de formation des futurs cadres de l’UMP.

Chère Ségolène Royal, je reste à ton entière disposition. Messieurs de Solférino, je baigne dans le mauvais jus de l’improductivité. J’attends votre appel. Et merde pour cet élan narcissique (je ne serai jugé que sur les résultats), merde à ceux qui me jugeront mytho (ils n’ont qu’à aller écouter quelques réunions publiques d’élus socialistes de terrain pour se rendre compte qu’ils sont incapables de faire vibrer la moindre envie), merde de laisser le champ libre à la médiocratie du PS !

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Cher ami,

Toi qui vit en Afrique, qui ressent au quotidien les effets du hachoir libéral, qui sait les conséquences crues de l’organisation du commerce international, tu me demandes de te donner mon sentiment sur l’élection présidentielle. Je ne suis pas un expert mais cela tombe plutôt bien : la mode est à la démagogie anti-expertise, l’expertise étant accusée de ne fournir qu’une vision tronquée des faits, in-humaines (j’insiste sur la césure).

Le grand frisson démocratique, de ce côté-là de la Méditerranée, c’est de sonder cette zone grise entre les faits, dont la scientificité est toujours plus remise en cause, et le ressenti d’en bas. L’exercice comporte de grands avantages et de réels risques : à force de nier la réalité (je viens de lire une étude sérieuse attestant que les aides publiques accordées aux entreprises du Cac 40 sont minimes et que les aides en question soutiennent déjà, abondamment, les petites et moyennes entreprises), on se détourne de la nécessité d’œuvrer avec pédagogie envers les citoyens. La nourriture pédagogique est une diététique démocratique : controuver la réalité encourage toutes les transgressions radicales.

La France est un pays habité par une foi révolutionnaire. Elle goûte peu aux discours sur la méritocratie et considère que les laissés-pour-compte ne seront jamais comptables de leur décrochage. Rien à voir avec l’état d’esprit anglo-saxon où les bonnes statistiques économiques masquent généralement les deltas vertigineux entre les revenus des uns ou des autres. La France n’épousera jamais les contours libéraux du marche ou crève bushien. La France ne sera jamais complètement fascinée par le modèle blairiste. Et les quelques décimales de croissance que nous perdons dans les confrontations dialectiques sur le modèle social s’arriment à ce patrimoine révolutionnaire : en France, le discours sur les inégalités ne fait jamais l’objet d’un solde pour tout compte.

De loin, ce pays peut paraître ployer sous de pondéreux paradoxes. Il dit non au référendum et s’apprête à élire pour le candidat le plus libéral sur la gamme des propositions d’avenir. A l’analyse, cette attitude relève de la logique : Sarkozy a instillé un peu de bushisme protectionniste dans son propos. Lorsqu’il indique que la Slovénie a purement et simplement supprimé l’impôt sur les sociétés (la Slovénie est un des 27 membres de l’Union européenne), il précise que Bruxelles n’est plus crédible pour venir lui chercher des poux dans sa volonté de disposer d’une certaine latitude fiscale (notamment sur la réduction de la TVA à 5,5 % sur les métiers de la restauration et de l’hôtellerie).

Bref, ce libéralisme qui effraie tant la France de gauche conserve une liaison forte avec la France qui se lève tôt, en flattant sa valeur et en laissant supposer que l’autre France, qui se couche tard, est irresponsable. Dans chaque corpus idéologique, il y a une petite porte d’entrée pour chacun. Mais ici, chaque débat est à examiner sous toutes les coutures. En tant que journaliste, j’ai eu le plaisir de discuter avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Il y a quelques semaines, ce dernier redoutait que la campagne électorale hexagonale ne tourne à la stigmatisation des assistés.

Le phénomène ne s’est pas produit, fort heureusement. Car, là aussi, la réalité n’est pas aussi simpliste que le débat aimerait le poser : les resquilleurs de l’Etat providence ne sont pas aussi nombreux que le café de commerce ne l’atteste… Pourquoi ? Parce que les Rmistes, pour ne prendre qu’eux, sont à 80 % demandeurs d’une activité professionnelle, même si cette dernière ne leur permet d’atteindre le même niveau de « rémunération artificielle » que celui atteint par les nombreuses aides publiques.

La France est un pays extraordinaire de 64 millions d’habitants qui croit romantiquement aux vertus du consensus. Ce dépassement consensuel est porté par François Bayrou. La culture de la confrontation idéologique a enkysté le pays. Il lui manque de l’huile entre les rouages. On peut multiplier les exemples. Deux mondes se haïssent profondément : celui de la formation professionnelle et de l’éducation nationale. Le premier loue la recherche d’une plus juste adéquation entre les besoins du monde du travail et les formations adaptées ; l’autre considère que cet adéquationnisme comporte des risques de pervertissement (le temps de la mise en place de la dite adéquation étant trop long par rapport aux mutations réclamées par le monde du travail).

Dans ce contexte est apparu un ovni : Ségolène Royal. Gagnera-t-elle ? Les sondages disent que non. Mais cette femme étonnante, accusée de tous les maux, parfois maladroite, a un réel don intuitif. En l’espace de deux ans (2005-2007), elle a ringardisé le Parti socialiste, lieu de synthèses improbables, où la mauvaise foi la dispute à l’irréalisme mal feint. Tous les sondages, qualitatifs ou quantitatifs, la placent généralement derrière Nicolas Sarkozy, animal politique, déroulant des argumentaires fortement empathiques.

Que dit-elle ? La France a des ressources, la France est en quête d’équilibres, la France a besoin d’apaisement. Tout le monde gagnera (donnant-donnant) et si un seul groupe social perd, c’est tout le monde qui sera entraîné vers le bas. Un joyau harmonique que Sarkozy n’a pas encore perçu et qui risque de lui péter à la gueule (mille excuses pour l’expression triviale) au soir de son débat avec Ségolène.

Nicolas Sarkozy souffre d’un complexe de supériorité : il ne doute pas, c’est ce qui fait sa force. Mais cette trop belle assurance est anxiogène. Pis encore : elle le déshumanise. Sa force de frappe dialectique emprunte au détail (la petite fille du gendarme tué qui lui demande de sortir son papa de la boîte, fait éminemment triste, dont il laisse entendre qu’avec lui, ministre de l’Intérieur au moment où le gendarme en question est scandaleusement entré dans la boîte, il n’y aura plus de moments de tristesse aussi forts). C’est l’art du sophisme : tirer toujours profit des situations les plus périlleuses, ne jamais céder à l’autocritique, laisser toujours entendre que ce que l’on a fait échappe à ce que l’on est.

Enfin, sommet de la démarche sophistique, décrédibiliser l’adversaire, aller chercher la contradiction, la mettre en scène avec d’autant plus de facilité que l’on a réussi, dans l’esprit des gens, à s’exonérer d’un bilan que l’on a construit. « Rupture », dit Sarkozy. « Rupture » avec lui-même. Mais « rupture » sans autocritique, donc profonde et inquiétante pathologie mentale. Oui, je le concède, par honnêteté intellectuelle, il y a une fureur de diabolisation dans le camp d’en face. Mais Sarkozy gère mal cette entreprise. Il la nie, paraît plus clair dans la formulation d’éléments de programme, mais il ne peut se sortir des griffes de la contradiction sans griffer plus fort encore. Il ne refuse jamais le combat à mains nues. Il aime saigner et faire saigner. Il aime la bagarre.

Et au final, malgré lui, le verdict du deuxième tour se jouera sur un élément qu’il ne soupçonnait pas aussi prégnant : l’humanité de la future présidence de la République. La part de caricature que l’on brosse de lui, excessive comme toutes les caricatures, il y rentre dedans, comme un éléphant, si j’ose dire, dans un magasin de porcelaine.

Ségolène Royal aussi est caricaturée : incompétente, manque de carrure… Mais dans cette guerre des défauts, que choisiront les Français ? Le doute ou la certitude, le risque ou l’assurance, le participatif ou l’unilatéralité ? Ainsi va la France : elle préfèrera toujours les défauts de l’humanité aux certitudes du libéralisme ; elle voudra toujours croire à un monde meilleur qu’à un monde adapté aux circonstances d’une globalisation qu’elle ne supporte pas de maîtriser ; elle ne comprendra jamais les 8 millions d’euros de Forgeard, les nouvelles règles économiques ; elle sera toujours moquée pour sa balourdise économique et elle accompagnera toujours ses enfants dans le délicieux TGV qui les mènera au-delà des mers, vers ce Londres boursier décomplexé, vers les paradis fiscaux éhontés, vers l’Amérique où les gagnants le méritent et les pauvres n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

La France n’a pas inventé par hasard la Révolution. Elle ne se satisfera jamais du monde comme il va. Elle s’indignera toujours face à l’indignité humaine. On dit qu’elle râle ; elle est lucide. On se moque d’elle parce qu’elle croit aux utopies concrètes. Elle ne se satisfait jamais d’échouer. Quand elle gagne, elle veut gagner pour tous. C’est une rêveuse, dans un monde sans pitié pour les rêveurs. Vieux pays, interpellé de toutes parts par ceux qui ont cru en lui.

Voilà, cher ami, ma vision de cette France. En fait, cette France n’ose pas dire à quel point elle s’aime. Parce qu’elle est multiple. Parce que le sentiment amoureux est complexe. Haine et répulsion. Après avoir dit non à la soumission du pays, De Gaulle traitait les Français de « veaux ». Il a risqué sa vie pour un pays de « veaux ». C’est ça la France, cher ami, une épopée romantique…

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Depuis que j’ai obtenu la brillantissime note de 3 sur 20 en math au bac (il est vrai littéraire), je ne me hasarde plus aux projections arithmétiques. Mais une légère incongruité comptable me dérange : à écouter les estimations de report de voix venues de tous les battus du premier tour, le boulevard chiffré annoncé à Sarkozy ne me paraît pas aussi largement ouvert. Et sur mon boulier personnel, le score pressenti s’apparente plutôt au 51-49 annoncé par un institut qu’aux 54-46 martelés par les autres.

Je crois que le coeur de l’électorat de Bayrou penche plus fortement qu’on ne le croit à gauche. Dans le cas contraire, le Béarnais n’aurait pas obtenu un score aussi élevé. Ce qui est étonnant dans cette élection, c’est le rejet de plus en plus fort que provoque Nicolas Sarkozy, pourtant archi-favori. Une seule question se pose donc : aurait-il fait le plein dès le 22 avril ? Aurait-il gonflé au maximum la voilure de l’UMP ? A-t-il finalement moins de réserve qu’il ne l’imagine ?

Je désespère de croiser des personnes raisonnablement rassurées par le succès incontestable de Sarkozy, ces 11 millions d’électeurs qui doivent fourmiller dans les villes ? Où sont-ils ? Où se cachent-ils ? Allez, je mouille le doigt : je pense que si Sarkozy l’emporte, ce sera d’une courte tête…

Je pense que les zélateurs bayrouistes en ont marre des coups de menton comminatoires des portes-flingues de l’UMP qui intimident dans les régions les petits députés UDF ? Je pense que le seul moyen d’atteindre l’Elysée pour Bayrou aujourd’hui est de se démarquer rageusement d’un Sarkozy qui ne lui ressemble pas ! Je pense qu’il y a plus de points communs entre Bayrou et Royal, sur fond d’un delorisme enfin surplombant.

Je pense que la France a sa petite idée en tête. Le soir du premier tour, en sortant fumer une cigarette, je me suis donné une entorse de la cheville droite. Je m’appuie aujourd’hui sur la gauche. Un signe ? Tous mes potes m’ont dit : « c’est plié ! ».

Tous mes potes ont trouvé l’intervention de Melle de Ségolène un peu molle. Tout le monde a trouvé Sarko très pro. Tout le monde est allé chercher un sac plastique pour vomir en apercevant les factotum de France 2 lui tendre le micro dans sa belle bagnole.

Il y a comme une grande partie de la France qui ne veut pas de Sarko. Qui s’inquiète de ce profil instable, de cette animalité politique, de sa réthorique mensongère, de ses colères, de ses frustrations.

Il y a comme une grande partie de la France qui a très peur de lui confier les clés de la maison France pour cinq ans. Ressentez-vous cette peur ? Ce scepticisme ? Cette crainte indicible ?

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Nicolas Sarkozy serait-il le Garincha du politique ? Cette ancienne étoile du football brésilien avait l’habitude de dérouter ses adversaires par ses dribbles chaloupés. Et le président de la République semble lui avoir emprunté cette vista. Car le paysage politique français d’aujourd’hui présente un air étrange, presque surréelle. Et, connaissant mon Sarko sur le bout des doigts, je suis sûr que le festival ne fait que commencer. Bien sûr, nous ne sommes qu’au début du quinquennat, avec ce doux air euphorique légèrement trompeur. Mais je crois qu’une nouvelle époque s’annonce, que l’on pourrait nommer la diversité assumée, mais l’expression ne me plaît guère.

Je ne sais pas si le président a déjà commenté la réaction de Martin Hirsh au sujet de la franchise sur le remboursement des premiers soins. Martin Hirsh avait très fermement condamné cette initiative. Aujourd’hui, il confirme. Martin Hirsh ne rêve pas de prébendes. Ne fait pas de la politique pour l’alimentaire. Il veut aboutir à la mise en place révolutionnaire du Revenu de Solidarité Active, qui consistera à ce que chaque reprise d’emploi se solde par un surplus salarial pour les personnes confrontées aux minima sociaux. Il est allé voir Sarkozy. Et ce dernier lui a dit : « OK, on n’y va, on le fait ». Quand un journaliste courageux demandera au président ce qu’il pense de la réaction de Hirsh à la franchise médicale, le président dira à peu près la chose suivante : « Vous savez, Martin Hirsh est un homme remarquable. Je souhaite qu’il réussisse dans son action et je lui donnerai tous les moyens pour qu’il y parvienne. C’est un homme indépendant et je respecte ses convictions personnelles.

Au nom de quoi (ah, les fameux « au nom de quoi » de Sarko) le fait qu’un homme de gauche soit en désaccord sur certains points avec mon action m’empêcherait de trouver avec lui d’autres terrains d’entente ? Je vous le dis, Monsieur Hirsh ne sera pas déçu de son passage dans le gouvernement de François Fillon ». Je l’imite bien, hein ?

Amis de gauche, orphelins d’une gauche moderne, nous qui avons brocardé pendant des années « la droite la plus nulle du monde », pour ne pas dire autre chose, nous voilà confrontés aux mêmes reproches… Parce que l’ensorcellement sarkozyste touche tout le monde : j’écoutais Bernard Marris à Ripostes hier soir, économiste de renom, l’un des rares alter mondialistes qui ne ferait pas fuir un patron cinq minutes après le début de la conversation, face à Alain Juppé, ministre d’Etat. Hallucinant ! ! ! ! Il y avait une complicité ubuesque entre les deux hommes ! Comme si l’inconscient collectif de gauche trouvait dans une droite décomplexée des raisons de fascination. Et le rôle du vrai contradicteur revenait au chafouin Eric Zemmour, journaliste au… Figaro, et dont les interventions sont toujours pertinentes.

Et on peut multiplier les exemples : j’aurais aimé être une mouche pour voir la tête des responsables des associations environnementales à la réunion de préparation du Grenelle sur le sujet ! Rien, même pas une critique un peu poussive d’un vieux porte-parole maniant la langue de bois en ébéniste expert ! Ah si, j’exagère : il y a eu la réaction des Verts, accusant « le Grenelle de dupes ». Wouah, génial les gars, l’espoir renaît.

Et Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet du Président, qui tente au quotidien de débaucher les membres de la République des Idées, en leur faisant passer ce message : « Le Président ne pose aucune conditions à vos ralliements. Vos idées seront mises en œuvre ». On dirait le pays de Oui-Oui ou l’Ile aux Enfants de ma jeunesse.

Ouuuuuuuuuu la gauche ! Ouuuuuu… où es-tu ? Un ami me disait récemment qu’il ne comprenait pas la royalphilie, qu’il considérait Ségolène Royal comme la plus mauvaise candidate du PS depuis 1969 et les 5 % de Gaston Defferre !

Cher ami, je vais te dire pourquoi j’ai autant aimé Ségolène Royal et que je l’aime peut-être plus encore aujourd’hui : je me demande comment elle a pu mener une telle campagne dans un tel état de désolation programmatique, dans un tel état d’impéritie du PS. Depuis le lendemain du deuxième tour, c’est courage fuyons à tous les étages ! On annone de grandes théories sur la fin du cycle d’Epinay dont la France entière se fout (c’est où Epinay, c’est quoi ?). Pas un seul responsable courageux du PS qui se lève et qui dise : on va dans le mur, à toute allure et on mettra dix ans pour récupérer du crash. Mais qu’importe les gars, hein ? Sarko recrute essentiellement à gauche, à l’américaine, il pique les cerveaux que vous avez laisser pourrir dans vos concélébrations congressistes avec des macchabées de luxe : Michel Rocard, Jacques Delors, Olivier Duhamel… Trop has been, les grands hommes, trop honteusement sociaux-démocrates !

Finalement, le seul qui me fasse sourire aujourd’hui, c’est François Bayrou et ses acrobaties sidérantes et intenables sur ses 7 millions de fans qui vont fondre au soleil de la dure réalité de nos institutions. Cruelles institutions mais justes institutions car personne ne veut d’un retour à la IVè République et à ses majorités ingouvernables et inconsistantes ! S’il existe un vrai refondateur au PS, qu’il se lève et qu’il marche. Il ne risquera rien puisque le Parti socialiste n’est plus qu’une armée à la dérive.

Moi, je ne suis rien, qu’un dispensateur d’énervements, mais j’en ai marre de voir la droite récupérer un Martin Hirsh dont le seul rêve était de venir en aide aux pauvres dans un gouvernement de gauche. Mais la route est bouchée de ce côté-là. Il a pris l’itinéraire bis. Les bénéficiaires potentiels des solidarités actives qu’il aura su mettre en place ne lui en voudront pas.

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A l’approche de l’élection présidentielle, les peurs françaises se précisent. Peur d’une rupture trop cassante avec Nicolas Sarkozy. Après avoir dragué les eaux de gauche (Blum, Jaurés, etc.), le candidat de l’UMP recentre sa stratégie sur le cœur de cible naturel de la droite française : la patrie, la lutte contre tous les désordres, la guerre faite aux fauteurs de troubles, inexcusables, le martèlement de la valeur travail, laissant supposer que ceux qui ne travaillent pas ne le veulent pas, qu’ils s’arrangent avec l’assistanat.

Le but inavouable de Sarkozy est d’ignorer les causes des maux ou de les minorer. Les assistés sont dans l’œil du viseur, les marginaux doivent rendre des comptes, les délinquants ne doivent recevoir qu’une réponse répressive de l’Etat…

Peur d’une inadaptation congénitale du discours de Ségolène Royal. Après un démarrage en fanfare, ébréchant un à un les tabous d’une gauche empoussiérée, la candidate PS aurait mis en sourdine sa volonté initiale de transformer la gauche de l’intérieur en créant simultanément un élan humain mais autoritaire, une France juste mais attentive aux plaies d’un libéralisme nécessaire provoquant cependant de la casse dans les couches sociales les moins préparées à sa force tsunamigénique.

Peur du pari osé d’un François Bayrou visant l’épanouissement d’un centre pour une thérapie équilibrée d’un pays fragmenté, en plein doute sur ses possibilités de rebondissement. A l’échelle de Richter de la prise de risque, François Bayrou est sans doute le plus actif mais il ne peut se débarrasser du jour au lendemain de l’instinct stratégique qui habite les démarches les plus audacieuses. En fin historien des mouvements politiques, il sait que les tenants des refondations ont mordu la poussière dans des aventures les propulsant dans l’anonymat des désidéologisations avortées. Peur, donc, ici encore, d’une impasse, d’une aventure sans lendemain, d’un rêve au réveil trop brutal.

Peur enfin de Jean-Marie Le Pen. Quelques indices auraient du nous alerter, comme ces études sérieuses attestant que les Français ont de moins en moins de scrupules à se dire racistes ou encore celle du Bureau international du travail montrant que la discrimination à l’embauche à partir de la couleur de la peau ou des caractéristiques typées des noms propres se renforce. Le Pen a détabouïsé le racisme ordinaire. Pour faire reculer la lepénisation des esprits, il eut fallu que la future ex-présidence entraîne la France vers un meilleur respect de ses diversités, cette France qui n’est pas seulement en bleu-blanc-rouge (la voir ainsi relève d’une pathologie daltonienne).

Cette campagne confronte finalement la France, très intéressée par la qualité des débats, à deux phénomènes : l’hésitation et le pragmatisme. Hésitation quant au choix de l’avenir. Pragmatisme affiché pour un choix authentique qu’elle sera amenée à faire : l’enfermement ou l’ouverture, le statut quo ou la réforme, rapide, nerveuse, tourneboulante.

Si Le Pen est encore au deuxième tour, il faudra cesser de faire de la politique comme avant. Parce que Marine Le Pen sera encore plus efficiente dans la stratégie de normalisation du FN que son père. Alors, cette France qui ploie mais ne craque pas, cette France bourrée de vitamines associatives, de créativités humaines mais qui ne sait à quel saint se vouer, dans quel état sera-t-elle au lendemain du 5 mai, après une énième crise de nerfs ? Qui sera le plus légitime pour lui administrer le traitement qu’elle attend depuis plusieurs années ? Qui lui permettra de sortir de la nasse de son « iréformabilité » ?

Crispée, atteinte d’un syndrôme obsidionnal lourd, la France patauge-t-elle aujourd’hui dans un climat pré-insurrectionnel, qu’une simple étincelle pourrait faire flamber, avec les conséquences dramatiques que l’on imagine ? La France sera-t-elle le premier pays riche de l’amorce d’une Révolution qui se répandra à la vitesse du TGV ? C’est cette France des peurs qui se présente devant l’isoloir les 22 avril et 5 mai prochains et, franchement, honnêtement, personne ne peut prédire aujourd’hui ce qu’il en sortira…

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Chère Ségolène,

Je viens de discuter avec un petit élu du secteur, je reprends sa formule, et il a eu cette phrase pleine de bon sens : « Le pouvoir, on ne te le donne pas, tu le prends ». J’ai trouvé le propos d’une grande pertinence. Donc, voilà Ségolène, je te fais parvenir quelques conseils de stratégie de campagne que tu te dois impérativement d’appliquer si tu veux te sortir avantageusement de l’irrationnalité ambiante.

1. La mode démagogique actuelle est à l’antitout. Le Graal, c’est l’anti-système, le bayrouisme insultant, pénitent, magicien, démiurgique. Le vote pour l’invisibilité, pour une synthèse imprévisible, un rapprochement détonnant des contraires. Votez et vous verrez. Le vote chantage. Voilà une formule que je n’ai pas entendu dans votre bouche, « le chantage de Bayrou », la mise à l’encan du vote des Français, une adultération des choix démocratiques, la sublimation du non-choix, l’émerveillement infantilisant devant une synthèse impossible. J’imagine que votre staff doit bûcher d’arrache-pied sur cette improbabilité de l’avenir. Tiens, une idée, Ségolène : pourquoi Bayrou a-t-il un programme alors qu’il ne sait pas avec qui il va gouverner ? Etonnant, non, cette façon de prendre les gens pour des ruminants ?

2. Revenir aux raisons de votre succès de l’année 2006. Une détabouïsation d’un Parti socialiste abcédant dans ses difficultés de clarification de sa raison d’être. Vous l’avez compris, Laurent Fabius s’est fourvoyé avec son gauchissement stratégique et il faut que vous vous adossiez sur le talent de DSK pour affirmer une sociale-démocratie expurgée des scories du blairisme. Vous devez mieux incarner la modernité d’une gauche qui condamne le libéralisme échevelé sans remettre en cause l’économie de marché qui, quoi qu’il arrive, régentera les rapports entre les pays pour de nombreuses années.

3. Les Français votent aujourd’hui comme ils achètent la dernière Play Station pour le petit. Ils cherchent le meilleur rapport qualité-prix, aiment bien l’accueil qu’on leur réserve au magasin, culpabilisent un petit peu par rapport à leur lâcheté mais arrachent ici ou là quelques justifications morales à leur comportement. Il faut leur donner comme un supplément d’âme à leur déprise sociale. Cette élection est celle de la classe moyenne que les pauvres exaspèrent, qui en ont marre d’une insécurité dont ils subissent en premier les retombées, qui en ont marre d’être la variable d’ajustement permanente des politiques sociales, etc. La puissance de fragmentation de notre société se situe au cœur des doutes des classes moyennes, exaspérées par un modèle social qui ne se réforme pas, par un jeu politique figé sur ses postures habituelles.

4. Je comprends pour vous la difficulté de donner un grand coup de pied dans la fourmillière socialiste. Vous avez produit en 2006 quelques jolis figures de style d’un détachement aéré, tant espéré, de la dogmatitude socialiste (ne prenez pas ce dernier terme comme une critique, j’adore les néologismes qui ravivent la langue française). En fait, je crois que la France aime votre courage de 2006. L’ennui, c’est que l’élection a lieu dans un mois, en 2007 donc. Le piège partidaire se referme sur vous. J’imagine de là avec effroi tout ce que cela doit impliquer en termes de saloperies en tout genre au sein de votre formation, les petites écuries des courants minuscules qui réclament des rééquilibrages mortifères, la déploration lacrymale de ceux qui préfèrent perdre pour attendre le prochain tour. Ah, mon dieu, ce temps-là est fini, ma chère Ségolène, ils ne le savent pas, le temps est à la vérité, au regard fixé sur le monde tel qu’il est, à réformer à partir des désorientations dont il est affecté.

5. Je voterai pour vous, bien sûr, parce que j’ai bien aimé ce vent frais de rénovation que vous portiez. Si, par malheur, vous n’étiez pas au deuxième tour, la gauche radicale aura gagné et les électeurs de gauche seront encore plongés dans le non-choix, un non-choix plus terrible encore que celui du 21 avril 2002. La droite ou la droite et non plus la droite ou l’extrême droite ? Je n’ai jamais voté blanc mais là, j’y serai bien contraint, par respect pour mes propres convictions.

6. Chère Ségolène, je me mets vraiment à votre place, si difficile. La démagogie est une vague que l’on arrête pas, un tsunami postural. Faites comme Bayrou, soyez plus démagogue, dites ce que vous avez au fond du cœur, donnez donc naissance à cette gauche que les Français attendent, loin de la monarchie miterrandienne, plus rocardienne, plus deloriste, plus réaliste, plus olivierduhameliste, plus respectueuse de ses talents que de ses équilibres de foire…

Je vous souhaite un prompt rétablissement… dans les urnes.

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Bon, de quoi on parle… Bayrou ? Je l’ai là, au bout des doigts, le Bayrou. Met tout le monde en cause, ç’a en devient presque assourdissant, une logomachie interminable, essoufflée.

Synthétisons donc : pour Bayrou, il était avant un jeune « conformiste » dont le « formiste », selon ses dires, était peut-être de trop. Il mène donc une campagne autodérisoire, partant de lui pour aller jusqu’au système, autolaudateur avec sa capacité de distance. Le mépris de soi et des autres est une forme d’élégance de l’intelligence. Bayrou est donc un « con » finissant qui ne se cache pas. Fort de cette lucidité, il veut exploser le formalisme du système politique français. Ce qui est plus ennuyeux, c’est qu’il en reste là.

Il me rappelle ces velléïtaires qui promettent au cours d’une beuverie de tout envoyer paître le lendemain matin mais qui retourne sagement au boulot une fois les vapeurs de l’alcool dissipées. Car l’imposture Bayrou n’est pas tant liée à sa propre évolution : annoncer que l’on va tout faire péter séduit généralement les masses et, à vrai dire, le système bipolaire tel qu’il est figé mériterait en effet quelques bouffées d’oxygène, ne serait-ce que pour permettre aux grands pourfendeurs des partis de gouvernement de se frotter aux sciences dures de la gouvernance (on imagine de là l’accueil qui serait réservé à Besancenot dans un sommet européen…).

L’imposture Bayrou, c’est la pochette surprise de l’après 22 avril. Il y a du camelot chez ce garçon. Faites-moi confiance, votez pour moi, on verra bien après. Avec qui Bayrou présiderait-il aux destinées de la France ? Votez, nous verrons plus tard. C’est quand même fou, non ? Un pays qui confierait sa destinée à un homme dont on ne sait avec qui il finira par gouverner.

A droite comme à gauche, pas un début de frémissement pro-Bayrou. Et si une candidature bouscule quelque peu le paysage habituel de la gauche, c’est plutôt celle de Nicolas Sarkozy, avec quelques ralliements salutaires (la gauche enfin débarrassée de Bernard Tapie) ou plus honteux (Bernard Kouchner, l’éternel incompris).

Bref, comment voter pour quelqu’un dont on ne sait aujourd’hui avec qui il va gouverner ? On s’en tamponne le coquillard, rétorquent les plus récents convertis, ex-sympathisants socialistes. Ralliement de dépit, violence de l’amour-haine, tout sauf le vieux système. C’est en cela que cette élection présidentielle ressemble finalement comme une sœur jumelle au référendum de mai 2005 sur le traité européen. Les Français ne veulent plus qu’on leur dicte leur manière de penser. Ils trouvent une justification sociale auprès de celui qui les invite au grand frisson de l’inconnu.

La seule question que je me pose est la suivante : si Ségolène Royal avait poursuivi dans cette dynamique du tout ou rien, refusant l’appui des « conformistes » éléphantesques, bousculant les dogmes bien assis, regardant la réalité en face sans se référer au bréviaire socialiste, peut-être galoperait-elle dans les sondages vers une victoire assurée…

Ceux qui basculent vers Bayrou au PS sont ceux qui ont cru, quelques semaines, à l’entreprise de décadrage de Ségolène Royal et qui n’ont pas admis qu’elle s’assagisse. Les Français votent donc désormais à l’aveugle et, si possible, pour le projet le plus transgressif. Bayrou flatte chez eux une forme d’exotisme du lendemain. Reste à savoir si le contenu aura la même saveur que le contenant…

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J’ai un petit souci avec M’dame Chirette. J’ai failli me fâcher définitivement avec elle. J’essaie de lui expliquer depuis hier qu’elle était forcément experte de quelque chose, comme la Ségo le dit. Elle a d’abord cru que je me moquais d’elle. Il a fallu que je rétropédale pendant la diffusion de Plus belle la vie pour préciser ma pensée. J’ai tiré des psaumes de Désirs d’avenir.

Par exemple, la Ségo pense que chacun a une expérience à faire bénéficier à quelqu’un d’autre. C’est quoi, une expérience, m’a-t-elle lancé ? Je lui ai répondu que ça pouvait être un événement de sa vie personnelle dont elle était fière. Elle a cherché. Mais elle a été perturbée par la mort d’un jeune à la sortie d’un lycée dans Plus belle la vie. Elle était émue. Je lui ai dit que c’était de la fiction. Elle m’a dit que ça partait de faits réels. Quiproquo.

J’ai essayé de reprendre la conversation sur les experts XXL. Elle a froncé les sourcils. « Tu m’emmerdes avec tes experts ! Tu vois pas la vie de merde que je mène ! Qu’est-ce que tu veux que je participe à quoi que ce soit ! Tu viens te moquer de moi ! Casses-toi, gauchiste ».

En rentrant à la maison, je me suis dit : à force de croire que tout le monde a quelque chose à dire, n’allons-nous pas renforcer la souffrance de ceux qui savent qu’ils ne pensent rien ? Le cauchemar participatif, c’est finalement un peu ça, le débordement du n’importe quoi, le n’importe quoi qui s’emballe, des indigestions de mots, de thèses, d’existences en dedans, des blogs pour les potes, des cris poussés dans le vide que l’on croit plein. Un emballement hyperviolent de la machine à dire ouverte à tous les vents.

Onfray, Menu, Chirette sur le même plan, eh, oh, coco, faut se calmer. J’ai lu le dernier ou avant-dernier post comme on dit d’Onfray. Je partage la haine des intellectuels pour ce débat troué d’artificialités cathodiques.

Quand j’écoute l’excellente émission Du grain à moudre sur France-Culture, je me dis qu’est-ce que c’est bon la culture posée sur les rails du temps, de la décantation, de la confrontation des idées, les vraies. Je ne regarderai plus Ripostes et cette tentation comique de faire dans l’épate, de demander à des intellectuels qui ont passé des années le cerveau scotché à essayer de comprendre la complexité du monde de ramasser leurs idées vulgairement, pour que tout le monde parle, et pourquoi y’a tant de mode sur les plateaux télé, pourquoi la compréhension d’un sujet difficile passerait-elle par la spectacularisation du débat intellectuel.

Hier soir, j’ai appelé M’Dame Chirette. Me suis excusée. Elle est sensible. Elle sait qui elle est. Experte de rien. Vlan, elle m’a lâché ça. Elle veut qu’on respecte ça, qu’on la laisse tranquille. Avec les salutations distinguées de la France inexperte…

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Cette campagne est trop longue. Le 22 avril, c’est si loin. La balle est désormais dans le camp le moins intéressant, celui de la communication. L’objectif des publicistes est de rapprocher le candidat des catapultes symboliques. Sarkozy chez un Druon bon pied bon œil, histoire d’atténuer cette image de libéral énervant, de ce libéralisme échevelé que les Français goûtent si peu. Une pincée de gaullisme social pour infuser un style, se démarquer des reproches que l’opinion, disséquée à la loupe, se forme sur des bouts d’apparence. Ce qui me surprend chez Sarko, c’est qu’il est toujours devant dans les sondages, que sa campagne a beau connaître des ratés, il garde le cap. Drôle de pays, aux certitudes volatiles, qui dit non au traité européen et s’apprête à élire le tenant d’une Europe qu’il a violemment rejeté. Est-ce à croire que les référendums ne seraient que d’immenses défouloirs, des rejets mimétiques, l’expression irrationnelle d’un mal être imparfaitement analysé, sans réponse ?

Comme prévu, le retour des éléphants socialistes alourdit la dynamique de campagne de Ségolène Royal. Presque écrit par avance. Ah, si tu m’avais écouté, Ségo ! Les Français voteront pour la rupture. La rupture et le vote utile font un bras de fer. Les hésitations de Jospin sur son mode d’intervention dans la campagne éveillent le souvenir d’une époque que le pays ne veut plus. La France ne croit plus en l’homme providentiel. Elle croit aux vertus de la sincérité, de la rectitude. Bayrou s’est engouffré dans la brèche. Avec une grande élégance littéraire, il appuie sur les ressorts de ce rejet, de cet antitout dominant, se pare des plumes de la vertu, promet un big-bang politique. Je prédis de là le ralliement de Kouchner ou de Rocard, la bienveillante approbation de Cohn-Bendit, tous des victimes de l’accul systémique du PS où les adoubements ne sont pas à partir des hommes mais des sections richement fournies en cartes et qui font la pluie et le beau temps des élections.

Travail titanesque pour Ségo. Tourner la page de la vieille machine PS, la révolutionner de l’intérieur en allant gagner la plus difficile des élections. La tentative du coup double. De la fine broderie stratégique. Pensée, subtilement pesée. Aujourd’hui, la souffrance du pays est à gauche. Mais le pays sera exigeant avec elle. Il veut des preuves concrètes d’une ère qui s’achève. Son pari est de sonner la marche en avant en portant l’ensemble du PS vers la rénovation. Trop lourd, peut-être. Trop utopique.

Les Français choisissent leur candidat comme ils regardent au JT les défilés de mode. Ils ne croient pas, au fond d’eux-mêmes, à la réalité de ces naïades déambulant sur la scène comme des messagères de l’Eden. Mais ils regardent, légèrement épuisés, les convictions dans les chaussettes. Ils regardent cette noblesse du port qui leur échappe, ce festin dont ils ne seront jamais les hôtes privilégiés. Ils cherchent la lumière d’un dépouillement, un reflet évocateur qui leur rappelle qu’une communauté heureuse est possible. Ils ne croient plus en la politique, ils croient en ceux qui le leur disent, ils croient à l’humilité, à l’effacement actif, au dépouillement moral.

Quelques-uns insistent sur le combat personnel que Bayrou entreprit pour dominer son bégaiement. C’est du Paris-Match pur jus. Du papier glacé apaisant sur la carrière brillante d’un homme qui eut à surmonter le défaut le plus insupportable de l’homme public. Bayrou est en empathie avec ce peuple dont les doutes bégaient. Il leur dit que tout est possible, que l’espérance s’offre à tous les hommes de bonne volonté. Avoir surmonté son bégaiement prédispose à une fascinante élocution. Le flux verbal de Bayrou n’a pas ce mécanisme autoritaire des certitudes moulinées d’un surplomb quelconque. Ce qui marche, en com’, c’est ça : afficher sa ressemblance aux autres, à ceux qui souffrent, faire admettre l’idée d’un lien, certes lointain, mais d’un lien quand même de partage compatissant d’une même vision du monde. La France adore se dire que tout va mal. Bayrou pointe avec une grande démagogie les responsables dont il s’extrait, comme s’il n’était pas responsable du capharnaüm, comme s’il échappait à la responsabilité du bilan. Savoir chuchoter à l’oreille du peuple qu’il détient la vérité, là est la clé du succès. Le seul contre tous a toujours marché. Le seul contre tous les fieffés du système est un scénario qui marche.

Je désespère d’avoir Ségo au téléphone. Je crois que je mènerai désormais campagne « dans mes rêves », comme chante un rappeur. Je vais apprendre à bégayer, ça pourrait servir. Souffrir comme le peuple que l’on veut servir sera mon slogan de campagne.

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C’est la rase campagne. Le pire moment d’une campagne, celui qui consiste à dire ce que l’on ne croit pas vraiment, où il faut manier la caricature pour estoquer, faire le rodomont pour toucher juste.

Sarkozy et Royal ont compris qu’il fallait jeter quelques clous au passage du cortège Bayrou, dernier chouchou de la France d’opinion (après Royal, d’ailleurs…). Alors, ils dénaturent le propos, donnent une importance au détail. C’est le moment, chers lecteurs, vous qui partagez comme moi la haine de la spéciosité, de prendre un peu le large, de lire les bons dossiers des journaux payants qui se meurent, d’interroger vos certitudes et non de les conforter en comptant les horions du front.

Ma femme me disait hier soir : comment tu as trouvé Bayrou ? Bien… Très bien, même… Est-on esclave d’un choix politique ? Doit-on être obligé, à partir du moment où l’on a déterminé ce choix, de s’y accrocher comme un affamé ? Ma liberté de penser m’empêche-t-elle de trouver Bayrou courageux, Besancenot nécessaire, Bové en léger mieux, Voynet en pleine possession de ses convictions et Dupont-Aignan en parfait équilibre sur la rupture gaullo-libérale de l’UMP ? Serai-je donc de la race des ovidés que l’on nourrit au même grain de l’ORTF depuis des années ? Ma Ségo attitude, que rien ne désarticulera, parce qu’il faut savoir faire un choix dans la vie, s’inscrit-elle dans un si piètre étrécissement du champ du débat ?

Ma chérie, je ne vais pas passer des heures à essayer de dégoter des arguments forcément brinquebalants sur l’inefficacité de la suppression des charges pour les deux premières embauches. Tous les patrons attendent ça. J’aurais bien mauvaise mine à lever le doigt au milieu d’une évidence et de dérouler, du haut de ma méconnaissance, une contre-offensive en toc…

L’honneur d’une démocratie est de renouveler, tous les cinq ans, l’exercice difficile mais nécessaire d’un choix pour l’avenir. La voix d’un poète écorché et celle d’une mémé qui dit oui, qui dit non, la voix de Barthez et de Houellebecq, la voix de Jean Daniel et de mon père, la voix de ce gros (…) qui m’a doublé tout à l’heure à 170 k/h et de cette délicieuse Roumaine que mon regard a croisée et qui fait regretter fortement l’imperméabilisation de nos frontières, cette jolie diversité pensante ou ruminante, aigrie ou dynamique, perdue ou retrouvée, formera la solidité d’un pacte, l’aspiration d’un peuple.

Sentir au plus près les entrailles du peuple. Ne pas se croire détenteur d’une vérité absolue. Avoir des convictions, certes, les défendre sans caricature, sans avancer le moindre contre-argument qui n’ait fait l’objet d’une vérification scientifique, sinon, on reste au niveau de la mondanité, qu’elle émane du Fouquet’s ou du Bar de la Plaine, c’est-à-dire un vague échange sophistique, où les grandes gueules l’emportent, où les torsions conceptuelles s’évident dans le temps inutile qui passe.

Là où Bayrou se trompe, c’est dans le film qui suivrait son hypothétique victoire. Il se trompe et le sait. Rien que pour voir le thriller des législatives, on aimerait bien qu’il l’emporte, finalement. Je suppose qu’il présenterait des candidats sous le label Majorité présidentielle. Mais la débipolarisation qu’il appelle de ses vœux passera-t-elle l’épreuve de la proximité ? Dès que l’on descend au niveau du local, d’autres éléments entrent en ligne de compte : la qualité du travail d’un élu, qu’il soit Vert, Rouge, Rose ou Bleu ; le réflexe de proximité connivente, de reconnaissance au travail effectué. En cas de victoire de Bayrou, je parierai bien volontiers sur un panache rose à l’assemblée nationale (car il y a deux dynamiques dans cette campagne, celle de Ségolène Royal, de reformatage du disque dur du projet socialiste, et celle de Bayrou, prônant l’intelligence des transcourants).

Et justement parce que Bayrou assure, depuis plusieurs semaines, que les Français sont intelligents : il ne faut pas sortir de Sciences-Po pour sentir que c’est à gauche que l’éventuel fléau de la balance politique du centre devra se déplacer pour atteindre son pari. Et les Français, grands joueurs, lui diront « chiche, François », v’là une bonne majorité de gauche pour ce centre qui a toujours été un centre-droit. Ils testeront la sincérité de la démarche de l’hyper centre que prône Bayrou.

Aucun coup de fil du QG de campagne de Ségo. Les nombreux messages d’encouragement que je reçois (5 à ce jour) me poussent à poursuivre le combat. Dans un film dont j’ai oublié le titre, Sean Penn regarde l’écran de télévision et parle au président de la République des USA parce qu’il a le sentiment que Nixon, je crois bien qu’il s’agit de Nixon, l’interroge.

Quand Ségo parle de libérer les énergies et les intelligences, je cherche la planche de salut de ma diachronie, comme l’écrit merveilleusement l’indispensable philosophe, Bernard Stiegler. Diachronise-moi, Ségo !

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L’art du mouillage. Puisqu’il faut se mouiller, sautons à l’eau, tout habillés de nos certitudes. Désapons les prudences, osons les pronostics.

Je ne pense pas que Bayrou sera au deuxième tour. Il lui manque la fougue tribale d’un Le Pen, la puissance utopique d’un monde passé au kärsher, blanc comme la neige du Kilimandjaro.

Sarkozy sera le représentant de la France quatrième ou cinquième puissance du monde. La France établie, celle qui restera à jamais convaincu que les Rmistes sont des cossards et que le Cac 40 est l’ectasy de la démocratie.

Royal a l’autorité douce de la mère, celle qui peut encore prendre la main d’un fils adulte monté sur 1m90 et le ramenait à la justesse heureuse de l’enfance.

Le Pen n’est pas en forme, distribue moins de foin haineux à la France des beaufs, celle des bars où le monde entier est une enfilade de paranoïas.

Besancenot parle juste, jamelisé par le profit insultant.

Laguiller fait son jubilé, son tube « travailleurs, travailleuses » se vend moins mais elle me manquera.

Dupont-Aignan n’est pas mauvais, franchement. Il est la Taubira de 2002 à droite. Respect.

Bové est pathétique.

Buffet expédie les affaires courantes, le PC est fermé de l’intérieur.

Voynet a du cran.

Nihous nous fait regretter Saint-Josse.

Au deuxième tour, malgré la branchouille Bayrou annoncée, je coche donc un duo Sarkozy-Royal avec une Royal l’emportant, contre toute attente, lors du débat télévisé.

Il est costaud, Fabius. Souvenez-vous, il y a quelques mois, s’interrogeant sur la garde des enfants du couple Royal-Hollande. Quel talentueux rétropédalage a-t-il du opérer pour exprimer sa dernière révélation divine, la Royal attitude. La fabusie est une administration française, avec élus, cadres énarchisés, belles mécaniques de think thank bien huilés.

La trajectoire flottante et vicieuse de la campagne de Royal affole légèrement ces femmes et ces hommes habitués aux notes rigoureuses, aux appréhensions franches des réalités de la France. Le problème de Fabius, c’est lui. Il appartient à ces hommes supérieurement intelligents qui méprisent tout le reste, sauf eux-mêmes.

J’attends avec impatience le meeting de Jospin. Si mon jospinisme a débandé ces dernières semaines, je dois reconnaître une fascination immarcescible pour l’homme de 1997.

Ségolène sera à Marseille prochainement. Elle me fait patienter, c’est une coquine.

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Trahi par Yves Calvi. Souffrant d’une acalculie sévère, j’ai fait confiance à l’excellent Yves Calvi qui situait il y a quelques jours le 22 avril à moins 60 jours. Je ne savais pas que nous partagions ensemble cette pathologie. Le chrono rétabli, j’espère que je ne me suis pas planté. Sinon, ma crédibilité sera définitivement atteinte.

La désorientation. Pour les ségophiles, il est pénible de lire le dossier de la semaine de L’Obs. A chaque ligne transpire le doute sur elle. Comme je le craignais, le soufflet Ppdaesque serait presque déjà retombé. On pressent comme une bayroutisation de la gauche. Une envie, une nouvelle fois, de renvoyer le PS à sa nécessaire réforme. Un PS en sursis. Ainsi donc cette opinion qui a porté le phénomène Royal serait définitivement habitée par le scepticisme. Comme si l’excellente prestation Ppdaesque n’avait été qu’une divine surprise dans une concaténation de broutements, d’hésitations. Comme si le rappel des éléphants était une bourde de plus. Comme si Lionel Jospin incarnait à sa manière, involontairement, très injustement, le dépassement du PS. Comme si la gauche n’avait pas réussi à poser le cadre clair d’une perspective d’avenir alors que Sarkozy a été l’un des actifs ministres d’une droite sanctionnée en 2004. Comme si la France votait définitivement avec les tripes à l’air, dans un air de bombance. Comme si elle ne croyait plus à la politique. Comme si la France était un ensemblier rouillé d’ego en goguette. Un air vicié de fête du désespoir. Une désespérance enchantée, une dernière coupe de champagne avant le crash. Comme s’il fallait être économe pour réussir alors qu’il y a tant de deniers publics à mobiliser pour panser les plaies du pays. Comme si le discours gnangnan, populiste, intenable, d’une confrontation démocratique sans droite ni gauche était possible. Comme si la vie politique était un logiciel, sans choix, un surplace de non-choix. La France aurait donc décidé de ne pas choisir. Comme si la démocratie n’était plus la confrontation de projets mais la dilution de bonnes actions, comme les Sicav, un peu de zone Europe, un chouia de zone Asie, etc.

Cette campagne flirte en permanence avec l’irrationnel. Petite incursion de Sarko en banlieue. On dirait une opération spéciale de la DST. L’incrustation d’un ami puant à une soirée où il n’a pas été invité. Lamentable dérive politique. Sarko doit pouvoir se rendre où il veut. Celui qui voulait effacer, tel Mandrake le magicien, les zones de non-droit demande à ses troupes de les comptabiliser pour ne pas l’envoyer au casse-pipe. Qu’a fait Ségo pour faire autant douter ? Avez-vous entendu parler DSK de l’Europe ? Avez-vous entendu Lionel Jospin de la place de la France dans le monde ? Avez-vous goûté aux fougues oratoires de Laurent Fabius ? En quoi, soudainement, ces hommes porteurs de sens seraient-ils devenus les symboles d’un rejet

Faut-il désormais, comme le fait simplement un chroniqueur d’Arrêt sur image, l’émission de Daniel Schneiderman, confier aux neurologues le soin de nous guider dans le maquis baroque de cette campagne. De nous montrer comment un geste, un éclair mutin de la pupille, un buste avancé, un sourire entendu, une conviction démagogique martelée, un échec retentissant retourné en succès d’estime, une frugalité budgétaire élevée en parangon de vertu, une claque, une caresse à la crinière d’un cheval, une main posée sur le bras malade d’un homme en fauteuil, une rose enlacée à un pied fétichiste, les perles maintenues suspendues du grand zapping des images, comment un menu détail fait campagne…

Bref, une élection de reflets, où la musique des projets compte plus que la justesse des idées, où la manière d’enchanter le futur cache les modalités de construction de son apparition. C’est le grand barnum des apparences. Le bise de Jospin à Ségo compte plus que l’analyse de la performativité des contrats de travail. Les intellos ont disparu. Les notes s’ensablent dans le rythme des campagnes. Vite, une usine pour aller tâter de la misère ouvrière. Vite, des femmes pour faire pleurer sur les violences conjugales. Vite, vite, de l’image éjaculée pour que nos cerveaux captifs absorbent la forme au JT agité de larmes.

Et cette journaliste qui demandait à Ségo : vous êtes habillée en blanc aujourd’hui… Eh, oui, il fait beau, hein. Et ça a fait Sciences Po tout ça… Prochain livre de la journaliste politique : du primat vestimentaire dans le succès électoral ? N’est pas Rimbaud qui veut, ma belette ! A quand la publication quotidienne de la tenue vestimentaire de la candidate ? Et cette meute journalistique qui souligne le fait qu’elle joue de sa féminité ; ah, je hais ses propos à la con. Comme si Ségo était allée voir un relookeur pour doper la campagne. Comme s’il fallait qu’elle se sape avec une blouse récupérée auprès de ma grand-mère pour la jouer je ne sais pas quoi d’ailleurs. Comme si tout était doute, l’universalisme du doute, le vote du doute. Mon moi doute, nous doutons et, au beau milieu de ce vagissement collectif, l’effet rock’n’roll du flash.

L’image tue à petit feu la fierté de l’intelligence. L’image tue à petit feu le respect de l’effort. L’image nous tue. Cette élection, chers amis, je vous le dit, se jouera la veille au soir du 22 avril. Un bon petit acte d’incivilité monté en neige par la téloche. Une caresse de cheval. Une gifle à un gamin, si possible issu de l’immigration, ça s’imprègne plus vite dans nos cerveaux hétérophobes. Ségo qui fait traverser une vieille à un passage clouté. Sarko qui récupère tous les scooters volés des gamins de Neuilly. Bové puni de tabac à pipe dans sa cellule. Etc.

Puisqu’on en est là, pourquoi ne pas demander à Julien Lepers de trancher les débats dans un spécial Questions pour un champion. Top ! Quelle température faisait-il lorsque l’Abbé Pierre lança son célèbre appel au creux de l’Hiver 54 ? Top ! Quel est le nom du cheval de Bayrou ? Top ! De quelle couleur était le tailleur de Ségo lors du meeting de Trifouilly-les-Oies ? Top ! Combien mesure Nicolas Sarkozy ? Top ! Bruno Mégret s’est-il vraiment réconcilié avec Le Pen ? Top ! top ! ploc ! Je vous en supplie, donnez-moi du Jospin, du Juppé, du DSK, du Giscard, du Delors. Je veux ma dose d’intelligence. Pas du subutex.

Au sujet des contacts avec Ségo, j’ai une copine à moi qui fait partie de la Star Academy, Yvette Roudy. J’ai animé deux colloques avec elle, elle est redoutable, vive. J’ose avouer, en rougissant un petit peu, qu’elle a apprécié mon travail, enfin, c’est ce que l’on m’a répercuté, mais pas des gens que je connais, des gens éloignés. Yvette, si tu m’entends… A demain, si vous le voulez bien…

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Il a raison, Eric Besson. Il ne faut pas être trop dur avec les éléphants. Faut savoir cajoler leurs trompes. L’éléphant est un animal mythologique. Respectueux. Le retour de la race Jospin, dont on craignait qu’elle soit définitivement menacée, est-il le signe que Ségolène a déjà gagné la bataille intérieure du parti, qu’elle est devenue une redoutable dompteuse d’éléphants ? Espérons-le.

Pour une femme dont il est quand même devenu de plus en plus difficile d’accuser la vacuité, je trouve qu’elle adopte une démarche stratégique que les élèves de Saint-Cyr ne renieraient pas. Car les éléphants ont de la mémoire : ils pressentent qu’en cas de victoire de la Ségo, ils devront pénétrer avec tact dans le magasin de porcelaine de l’Elysée pour faire leur amam.

Au-delà de la présidentielle se profilent les législatives et tutti quanti et les éléphants, soucieux de leur immortalité, ne veulent pas que le troupeau se décime. D’ailleurs, autour de moi, après la prestation Ppdaesque, je note de nombreuses conversions venues des pôles éléphantesques. Pour l’heure, l’implosion-reconstruction du PS autour du ségolénisme est un modèle du genre.

Je fais vraiment très court aujourd’hui parce que j’ai quelques obligations personnelles (ça arrive encore). Comme je le redoutais, je ne fais pas partie du staff de Ségo. O rage, ô désespoir ! Qu’importe, c’est ma traversée du désert.

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Il y a, dans chaque ressenti haineux, un risque fort de dérapage. Comme si le flot de la colère submergeait ce qu’il est essentiel de sauver, la force de ses convictions, la force de ses engagements, la croyance qu’au-delà des dénaturations ressenties, l’idée que l’on se fait d’une société surplombe le reste, la conjuration des imbéciles, les faquins du système, etc.

Cet exercice, Eric Besson l’a raté. Sa dignité est belle à lire, elle est celle à laquelle je me raccroche quand les scories du système étouffent. Le départ d’Eric Besson n’est pas un drame parce ce que l’on se souvient toujours de ceux qui restent. Il s’accorde un droit d’auto-inventaire en rase campagne, sans doute justifié, et prend le large. Mais l’espèce de résipiscence dont il témoigne à l’égard de Sarkozy, après avoir mené une étude éclairante sur le garçon, au sein de son désormais ancien parti, sur le bilan du ministre de l’Intérieur, vient plomber la dignité respectueuse de son départ.

Comment accepter l’idée qu’il envisage aujourd’hui, peut-être, de ne pas voter Royal. Comment ne pas distinguer dans l’aveuglement de la haine les crétins qui ont eu sa peau et l’essentiel, une gauche en pleine rénovation, soucieuse de réalisme, d’arrimage de son projet au monde tel qu’il est. Bien sûr que Sarkozy est respectable dans son entièreté idéologique. Mais, cher Eric, que faisais-tu au PS depuis plus de dix ans ? Espères-tu réellement que Sarkozy batte Royal ? Méprises-tu à ce point la force empathique ressentie lundi soir face aux Français à la suite de la prestation de Ségolène ?

Oui, je comprends les affolements des anciennes écuries. Ce sentiment fou d’être spolié d’un patrimoine. Cet arrachement douloureux au logique de dominos, tendrement bercée par quelques alternances, se satisfaisant de petites retouches à la marge, de longues discussions partenariales sur les soutiens à venir, les repas de cadrage avec les Verts, les Rouges, les Incarnats, les Autres gauches. Le ronron de la gauche plurielle. Je te kife une circo, tu me sauves une quinzaine de cocos, etc. Ce temps est fini. La voie Royale reconstruit la gauche sur d’autres aires, s’éloignant des suicides idéologiques, des pincements de nez languedociens. Les cadres du PS sont dépassés. Le peuple de gauche est déjà ailleurs.

Si Ségolène Royal l’emporte, elle aura eu à affronter tous les vents contraires du nouvel espoir qu’elle incarne. Les résistances affolées de son propre camp, ce sentiment obscur que quelque chose échappe aux éléphants, une certaine haute idée d’eux-mêmes, une incapacité psychologique à se réinterroger, les moqueries de la droite, ce qui est plus normal, une floraison d’épithètes sur le vide supposé de ses propositions. Les cadres du PS sentent que le parti leur échappe et ils s’affolent. C’est une histoire pathétiquement humaine.

Il faut faire court m’explique certains internautes. Donc, je coupe. De toute façon, je ne suis pas d’humeur. A la prochaine heure de vérité de Ségolène, qui surgira du bois pour casser l’élan ? Kouchner ? Certains cadres préfèreraient-ils sa défaite à la sauvegarde des acquis locaux, au ronronnement du surplace ?

Toujours aucun contact avec le staff de campagne de Royal. Je dois être aussi conseillé par un mauvais Jiminy Criquet. Je change mon équipe de campagne. Je devrais prendre directement contact avec le staff. Si ça continue, je vais faire une conférence de presse.

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