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Archive for the ‘Présidentielle 2007’ Category

www.agoravox.fr/IMG/Sarkozy_manager.jpgLa stratégie d’ouverture de Nicolas Sarkozy révèle une ambiguïté fondamentale du débat démocratique : la mise à nu de l’artificialité des antagonismes martelés lors des campagnes électorales. Si l’ouverture est si facile à mettre en œuvre, c’est parce qu’elle s’appuie sur un non-dit souverain : au-delà des démarcations sur le bien-fondé d’une politique, les Français ont l’intime conviction que la monochromie programmatique dessert les intérêts collectifs de la France.

Certes, une action politique ou sociale s’arrime au corpus d’une école de pensée dont les racines dessinent une appartenance politique. Mais, pour une grande majorité de Français, cette unilatéralité idéologique, siège d’une seule et unique vertu agissante, n’a plus cours. Pis encore, elle est dangereuse. Ce ne sont plus l’UMP ou le PS qui détiennent les clés d’une réussite politique, mais un peu des deux. Et la présidentialisation rampante de nos institutions va, de fait, renforcer ce mode de gouvernance.

Bien entendu, il existera toujours des campagnes électorales, où la part démagogique (une forme de scénarisation du culturisme idéologique) se taillera une place toujours importante, mais les futurs vainqueurs à la conquête du Graal présidentiel seront ceux qui, à l’évidence, auront su faire résonner dans leur campagne la douce mélodie syncrétique.

Le comportement électoral des Français s’apparente de plus en plus à un consumérisme durable. Ces derniers ont universalisé d’une certaine manière le rapport qu’ils entretiennent avec un élu de proximité. Qu’un élu soit de gauche ou de droite relève de plus en plus de l’anecdote, pourvu qu’il soit habité par le bon sens, que les équipements publics répondent aux attentes, que les rues soient propres, que les problématiques sociétales soient inscrites dans des réponses ajustées aux craintes d’un pays qui craint plus la mondialisation que la Chine ! C’est ce besoin de maternage, de réassurance à travers un projet réunificateur que les Français apprécient dans le comportement stratégique de Nicolas Sarkozy. Et contrairement à ce qui est dit, le dépeçage en règle du PS est plus une chance pour ce dernier que le contraire puisqu’il va activer la nécessité d’un élan refondateur au sein d’un parti dont le logiciel n’a pas seulement dysfonctionné mais a été purement et simplement volé.

La seule question haletante aujourd’hui est la suivante : ce pari de l’œcuménisme parviendra-t-il à trouver sa matérialisation resplendissante dans les faits ? Le pari de la mixité idéologique est-il jouable dans une confrontation de partis menacée par l’effacement des distinctions ? Nicolas Sarkozy ne fait finalement que préempter une révolution mentale de la pensée politique de la France, rendue possible par l’échec du crypto-marxisme et la dureté doctrinale de l’hyperlibéralisme.

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http://hebdo.parti-socialiste.frLe putsch a donc eu lieu. Il est venu d’un côté inattendu, d’un homme à l’élégance discrète mais ferme : Jean-Marc Ayrault. Celui qui est à la tête du groupe socialiste depuis dix ans a ainsi voulu démontrer que s’inscrire dans la durée n’est contre-productif que si les leçons de l’échec ne sont pas apprises par cœur.

Jean-Luc Mélenchon, dont le seul rôle aujourd’hui au sein du Parti socialiste est de colorer de saillies bien pensées les ambiances d’enterrement de la rue de Solférino avec une dose de cynisme carnassier, avait accusé Ségolène Royal de vouloir intenter un putsch lors du dernier conseil national du PS.

Eh bien, le putsch a eu lieu à l’extérieur, dans le cadre solennel de l’Assemblée nationale.
D’un seul coup, l’affirmation d’une volonté d’opposition, d’une envie de politique, est apparue. D’un coup, la gangue des métalangages socialisants s’est comme flétrie sous le simple assaut formel d’une geste que le peuple de gauche attend depuis belle lurette : l’art du pas de côté, le simple fait de se garer quelques minutes sur le bas côté parce que l’on sent bien que l’on s’est égaré, qu’il faut reprendre la carte de sa propre navigation.
D’un seul coup, les papys flingueurs des concélébrations systémiques du PS, les chefs de clans, les fossoyeurs du progressisme se sont tassés sur la photo. A force d’immobilisme, à force de psitaccisme, à force de mutité, la momification guette.

Par exemple, j’ai le plus grand respect pour l’excellence de DSK. Mais comment décrypter aujourd’hui le sentiment qu’il donne de laisser le vide redistribuer les cartes ? Le PS donne l’image troublante d’une communauté qui chute sans vouloir se rattraper à une branche. Ces hommes d’écuries doivent impérativement sortir de leur club, aller prendre un peu l’air, calmer les énergies jésuitiques de leurs vassaux. Ils s’abrutissent de leur propre génie. DSK est sans doute l’un des meilleurs économistes que compte ce pays. Et alors ? Qui le sait ?

Alors, bravo, Jean-Marc Ayrault ! Merci de faire naître des visages, des possibilités de réponses critiques au monde tel qu’il est, de rendre perceptible la possibilité de débats contradictoires sans lesquelles nos belles démocraties basculeraient dans de scabreuses homothéties antagonistes. Merci de sortir le PS de son misonéisme (peur de la modernité) papelard (1).

Le Parti socialiste ne doit plus cultiver l’ambiguïté schizophrène : il est progressiste ou n’est pas. D’ailleurs, le plus grand charognard de l’affaiblissement du PS, alias Nicolas Sarkozy, en a fait une chasse présidentielle : il a récupéré ce qu’il y a de plus moderne et d’enfreint dans cette gauche frappée d’hémiplégie.

Prochaine étape : passer de la nécessité de la refondation à l’instillation dans le débat public de propositions concrètes et audibles venues du cabinet noir. La matière critique existe, il suffit de la manufacturer…

(1) J’adore les mots, depuis tout petit. Longtemps, je les ai gardés dans une besace secrète, craignant le reproche de la préciosité. Puis je me suis dit il y a peu que la vitalité de langue française passait par l’incandescence de son formidable polymorphisme. Je vous donnerai donc les définitions pour sauver l’essentiel, à savoir la compréhension d’une démonstration. On « deale » comme ça ?

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http://www.jacquesmarseille.frLongtemps accusée d’angélisme, la gauche a notablement évolué sur sa manière d’appréhender le vécu des Français. Elle sait aujourd’hui que l’insécurité est un agent actif de désaffiliation sociale ; elle a intégré que l’entreprise était l’indépassable allié d’une société apaisée ; elle a à peu près cerné le fait que la mise en place des solidarités actives au sein d’une société est le grand défi des prochaines législatures.

L’Etat protecteur est un savoir-faire français. Mais cet Etat est en crise pour la simple et bonne raison qu’il est, par essence, mouvant. Les Français de gauche, notion délicate à manier tant les sociotypies sont désormais branlantes, ont préféré le pacte crédible offert par un homme de droite. Pourquoi ? Nicolas Sarkozy est parti d’un constat simple : les Français ne souhaitent plus qu’on leur raconte n’importe quoi. Nous avons tous en tête le champ de l’ancien ministre de l’Intérieur en train de sermonner « la racaille » des cités. Qui était dans le contre-champ ? Une femme exaspérée. Nous sommes tous au regret de constater que la « racaille » existe dans les cités sensibles. Et pour être tout à fait honnête, j’ai souvent entendu des acteurs de terrain, issus des minorités visibles, tout aussi exaspérés, employer des mots beaucoup plus durs que Nicolas Sarkozy sur le sujet. Nous devons cette vérité à l’honnêteté du débat.

Mais la présence rongeante de cette « racaille » n’est pas en soi le problème principal. La difficulté est qu’elle règne en maître sur des quartiers où les référents économiques, associatifs, civiques et culturels ont déserté. Cette désertion en rase campagne est l’échec le plus symbolique de la gauche. Là où elle détient les pouvoirs locaux, elle n’a pas su se défaire de la logique de guichet destructrice de la politique de la ville, elle n’a pas su instiller de l’excellence politique pour qu’aux diagnostics de terrain les plus affinés correspondent des politiques d’une précision chirurgicale.

On ne cesse de dire et de répéter que la politique de la ville relève de la fine broderie. Les agents de l’Etat et des collectivités territoriales doivent être les représentants syndicaux d’un projet de vie validé par les habitants. La politique de la ville n’est crédible qu’à partir du moment où convergent les bonnes volontés de terrain et l’accompagnement humain et financier des pouvoirs publics. Si ce lien se distend, c’est l’ensemble de l’édifice qui s’écroule.

Comment vivent les 6 millions de Français parqués dans les cités sensibles ? Ils sont confrontés à un chômage récurrent, confrontés à l’inutilité sociale ; ils se marrent quand ils entendent dire qu’ils se vautrent dans l’assistanat alors que la moindre étincelle collective portée par un projet unifiant déclenche chez eux une soif de citoyenneté, de partage, de grégarisme.

Ces Français sont confrontés au mal de la délinquance des mineurs, « leurs » mineurs, « leurs » enfants. Et ils se marrent quand on les menace de supprimer leurs allocations familiales, comme si une telle mesure, d’une monstrueuse bêtise, allait activer une reprise en main éducative. Longtemps, ces parents se sont battus pour éviter le pire. Mais la drogue, la vie facile ont balayé leurs discours sur la prime accordée au mérite personnel. Pourquoi ? Parce que le père, perclus de rhumatismes, qui a tout donné à l’effort industriel de la nation, noie sa tristesse au bistrot et râle contre un système qui l’a mené au désespoir. Misérabilisme de situation ? Aller boire un petit café dans les derniers bars ouverts dans les cités sensibles, c’est très éclairant sur la perte de l’exemplarité paternelle.

Face à l’impuissance des pouvoirs publics, face à la démobilisation des acteurs associatifs, face à la désertion des femmes et hommes de culture, face au découragement organisé de l’audace, face aux dégâts causés par la désindustrialisation de la France, les cités ont renforcé leur décrochage. Les Français ont érigé des murs invisibles entre eux. Les uns ne vont plus là où les autres, incarnant une menace, vivent. Qui ne s’est pas dit, une fois dans sa vie, « comment font-ils pour vivre là » ? Qui ?

C’est sur ce terrain que la gauche a perdu la dernière élection présidentielle.

Oui, c’est l’emploi du mot « racaille » qui a permis à Nicolas Sarkozy d’être élu. Pourquoi ? La gauche aurait du promouvoir l’idée de la mise en place, dans tous les quartiers prioritaires, d’agence de cohésion sociale de proximité (logement, éducation, insécurité, etc). A la tête de l’agence, l’élite de l’Etat, pas un petit sous-préfet mal dégrossi et n’avançant qu’avec le Code général des collectivités en main comme référence absolue. Non, une femme ou un homme investi de la mission de « dégadgétiser » la politique de la ville. Son rôle ? De l’anti-tapisme permanent ; identification des dysfonctionnements dans la création d’une dynamique vertueuse de terrain ; mise en place de programmes de développement économique dits de micro-activités en lien avec les chambres de commerce et les représentants du patronat (commerces de proximité mais aussi entreprises de service à la personne) ; alerte sur les progressions d’insécurité sur le terrain avec renfort immédiat de personnel mobile (policiers et éducateurs de rue) ; réinscription de grands projets culturels et éducatifs de terrain. Le « patron » du territoire sera sommé de venir rendre des comptes sur son bilan, devant la population et les responsables politiques. En situation de mission, tout échec ou bilan mitigé entraînera sa destitution immédiate (la patience des cités a des limites). Mais, face à la difficulté de la tâche, il pourra exercer sa propre défense en pointant les errances administratives de l’Etat et des collectivités territoriales. Les pouvoirs publics doivent passer d’une politique d’affichage, de saupoudrage, à une démarche dynamique sanctionnée de succès visibles et renouvelée en permanence.

Ainsi soumises à un harcèlement permanent positif des pouvoirs publics, les cités se régénèreront de l’intérieur. Car il faut d’abord réactiver la confiance de ces femmes et de ces hommes montrés depuis trente ans comme des rebuts.

Bien sûr, il est facile, d’un petit blog bien chiadé, d’asséner des « faut que » et des « y’a qu’à ». Je l’entends. Mais qui pourra contester l’idée que l’absence d’autorité des pouvoirs publics dans les cités est la cause essentielle de leur perte ? Qui pourra contester qu’une femme ou un homme habité du sens de l’Etat, déterminé sur les objectifs à atteindre, libre de dire, d’accuser, de bafouer ce ridicule devoir de réserve de la fonction publique, ne se projetterait pas dans un tel projet avec une foi décuplée ? Dans les cités sensibles, il faut des soldats de la cause républicaine perdue. Des pitbulls chargés de pointer un doigt accusateur sur les défaillances sans risque d’être abattus par le chef de service et affichant en permanence le chemin à suivre pour rendre la vie meilleure. La translucidité inouïe de la gauche sur ce terrain a donc entraîné la défaite de Ségolène Royal. Parce que le réformisme de gauche ne doit plus seulement puiser son essence dans les mots valises de la vacuité rabâchée mais sur le terrain des possibles.

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http://www.rfi.frUn lecteur attentif de ce blog –qu’il en soit remercié- m’interroge sur la satisfaction que j’éprouve et que j’entends partager avec d’autres d’un gouvernement où les femmes et les minorités visibles trouvent enfin une représentation en harmonie avec la place qu’elles occupent dans la société.

Mon féminisme s’origine dans l’absurdité archaïque d’une représentation politique otage d’un système de renouvellement inadapté aux exigences de la société. Il va de soi qu’une Fadela Amara me paraît mieux à même de trouver des solutions aux problèmes récurrents des banlieues qu’un énarque dont je ne préjuge pas les qualités mais dont le corpus intellectuel n’est pas adapté à la perception d’un monde hypersensible que l’étrécissement du vivre ensemble éloigne de plus en plus de l’analyse.

Nous devons revenir à la base du politique. Le politique est un lieu d’impulsion de projets, de captation des réalités vécues que l’administration d’Etat, dans son extrême complexité, doit intégrer à des fins de résolution. Tant que ce trajet vertueux de l’acte politique demeurera, l’espoir de changer la vie persistera. Le fatalisme est un cancer de notre démocratie. Les parties de la civilisation qui renoncent à l’exercice de leur liberté trouvent généralement dans l’enfermement communautaire et la violence frustrée envers l’autre, cet ennemi total aux contours informes, le seul exutoire à leur délaissement.

La société française est riche de ses diversités ; il s’agit d’une banalité rousseauiste, penseront certains. Mais le rappel de cette évidence ramène toujours au même constat : cette diversité ne reste qu’une statistique formelle tant qu’elle ne trouve pas, au plus haut niveau de l’Etat, sa concrétisation. Le recours à une forme stupide de quotas ne fait que pointer la pusillanimité de nos gouvernants jusqu’à ce jour, apeurés à l’idée de promouvoir l’excellence de composantes sociales dont l’empressement qu’ils mettent à dénoncer la stigmatisation manque à l’évidence d’authenticité.

Oui, bravo, six fois bravo, à Nicolas Sarkozy d’avoir su faire marier la France telle qu’elle est avec la France gouvernante. Ce courage, à l’heure où il se déploie, fustige la lâcheté de la gauche, obnubilée par la peur de voir une telle ouverture renforcer l’impact du Front national.

Pour l’heure, bien sûr, il ne s’agit là que d’une photo officielle. Et le rôle des femmes des minorités visibles consistera justement à ne pas se laisser enfermer dans la gadgétisation du symbole qu’elles portent, malgré elles. Pour Rachida Dati, le problème est réglé : un Garde des Sceaux n’a pas vocation à faire de la figuration dans un gouvernement. Pour Rama Yade et Fadela Amara, le pari est plus risqué : il faudra être ferme face à cette main tendue… La bonne santé d’une démocratie se mesure à l’aune de l’harmonie effective de sa représentation.

Il ne manque plus à Nicolas Sarkozy qu’à déployer une plus grande voilure proportionnelle pour traduire le souhait des Français d’une représentation politique équilibrée à tous les niveaux de l’action publique pour que la boucle soit bouclée. De pratiquer l’ouverture qu’il a affichée dans la constitution de son gouvernement à tous les niveaux pour que la voix du peuple, par bonheur multiforme, soit prise en compte ; pour que la démocratie ne se résume pas à un gagnant omnipotent et à un battu accablé lorsque l’on sait que le choix du pays se joue à quelques centaines de milliers de voix près. La réforme de nos institutions passe par ce plus grand ajustement entre les désirs d’un peuple et les modalités de leur mise en œuvre.

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jcdurbant.blog.lemonde.frNicolas Sarkozy ressent-il une certaine fascination face à la gauche, ou, en tout cas, face à cette partie de la gauche qu’il a décidé d’intégrer dans « son » gouvernement ? A l’évidence, oui.

Jacques Attali, ami de vingt-cinq ans du nouveau Président, confie à quel point ce dernier était admiratif de François Mitterrand. Nicolas Sarkozy aime cette gauche dont l’audace réformatrice peine à s’affranchir du surmoi marxiste.

Les querelles paralysantes à gauche lui ouvre un champ d’exploration sans fin. Enferrée dans des batailles moyenâgeuses sur la définition de son projet pour les vingt ans à venir, empesée par le poids des baronnies locales, vieux reste de l’artificiel dogme démocratique du choix militant (le poids des cartes), prise de vitesse par la modernité sociétale de Nicolas Sarkozy, n’hésitant pas à donner une réelle visibilité à la France telle qu’elle est, la gauche socialiste risque de causer de nouvelles désillusions dans les prochains mois tant qu’un discours fondateur, déclic, ne produira pas le même effet mobilisateur que les gages donnés par Nicolas Sarkozy à la performativité de cette diversité.

Dans son for intérieur, Nicolas Sarkozy sait que le réformisme de gauche est soluble dans un programme qui ne renierait pas ses fondations libérales. Pour lui, l’opposition droite-gauche est en phase de disparition. Sur les principaux sujets de société, des convergences se dégagent, au-delà même des discours qui peuvent crisper les oppositions.

Cette voie étroite, choisie contre son propre camp, dont certains manifestent une sonore mauvaise humeur, est celle de la triangulation : aller chercher chez son adversaire des idées et des personnalités pour les incarner qui ne modifient en rien le socle du projet présidentiel (il suffit de comparer les programmes présidentiels pour identifier de nombreux consensus sur de nombreux sujets).

Il ne s’agit pas de cautionner le débat tendant à prouver que la droite et la gauche disent la même chose. Mais plutôt de démontrer que la réussite d’une politique ne passe pas par l’opposition entre deux camps. Nicolas Sarkozy mise sur le pari suivant : les Français ne sont plus attachés à la sacralité de l’opposition politique et pressentent intuitivement qu’une politique centripète est plus efficace qu’un enfermement idéologique.

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http://www.diplomatie.gouv.frLe 6 mai au soir, lors de son premier discours de vainqueur de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a exhorté les pays méditerranéens de l’Europe à s’unir pour donner une impulsion nouvelle à la construction euroméditerranéenne. Pour Nicolas Sarkozy, il est temps de sortir de l’enlisement du processus de Barcelone. Initié pour dynamiser l’espace économique entre les deux rives, ce processus a déçu les attentes des pays du Sud.

Récemment, de passage à l’Elysée, Romano Prodi, président du Conseil italien, a convenu avec son homologue français de se pencher sur ce projet d’union de la Méditerranée. Avec un enthousiasme communicatif : « Nous allons proposer aux sept pays dits euroméditerranéens de donner vraiment une signification au niveau opérationnel à la politique de la Méditerranée, qui est prioritaire dans notre action commune ». Outre la France et l’Italie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, Chypre et Malte devront prochainement se prononcer sur cette convergence franco-italienne.

On peut espérer qu’une telle ambition confère à la région Paca et à ses villes phares (Marseille, Toulon, Nice) une place essentielle dans la mise en œuvre de ce projet. Les collectivités territoriales et les communes ont déjà pris l’habitude de travailler avec leurs homologues de l’autre rive. Et leurs efforts seront décuplés par l’affirmation, au sein de l’Union européenne, d’une primauté euroméditerranéenne.

Obsédée par l’intégration des pays de l’ex-bloc soviétique, l’Europe a délibérément penché vers l’Est ces dernières années. Il est grand temps de changer le centre de gravité de l’Europe. Entre les deux rives, les liaisons, inscrites dans la durée, sont marquées du sceau de la confiance. A un moment où les entreprises de Paca expriment leurs réticences sur l’eldorado chinois, où l’hyperactivité économique de la Chine se traduit par une balance du commerce extérieure très netttement favorable à cette dernière, les attentes respectives du sud de l’Europe, du Maghreb, du Proche et du Moyen Orient sont en mesure de satisfaire les acteurs économiques des pays concernés.

Au-delà de l’ouverture économique, cette nouvelle dynamique euro-méditerranéenne aurait pour effet d’inviter les pays du sud en conflit à s’emparer de la perspective concrète de lendemains meilleurs.

D’ores et déjà, les édiles locaux doivent construire les fondations d’une région Paca capitale d’une Euroméditerranée renouvelée, inscrite dans une évidente cohérence géostratégique. La région Paca a tout à gagner du déplacement de l’épicentre de l’Europe vers le Sud.

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http://www.michel-lafon.fr/img/thumb_1137127386_le_livre_de_la_gauche_franz.jpg

 J’ai entendu pas mal d’inepties, ces derniers jours, pour rester poli. J’ai trouvé très surréaliste cette exhortation quotidienne au refus d’une majorité massive UMP. Chaque homme de gauche s’affolait de la vague bleue annoncée. Mais à qui était destiné ce discours ? Aux électeurs de Sarkozy ? Cohérents, ils ont renouvelé leur vote. Aux électeurs de Royal ? Déçus, ils ont moins voté que pour la présidentielle.

Le bel élan civique de la présidentielle est donc trop frais dans l’esprit des plus jeunes des cités. Il faudra qu’ils apprennent, à l’instar des clubs de supporters de foot, qu’une équipe doit être supportée surtout lorsqu’elle est en difficulté.

Quant au score du Modem, je le trouve parfaitement cohérent avec la démarche de François Bayrou : l’hypercentre s’installera dans la réalité politique française le jour où Bayrou sera au deuxième tour de l’élection présidentielle. En attendant, le schéma se fait sur la bipolarisation. Si la gauche ne se renouvelle pas dans les prochaines années, François Bayrou sera au deuxième tour en 2012.

Une autre référence m’a quelque peu désarçonné : je serai curieux de retrouver les discours de François Mitterrand en 1988 lorsque, si j’en crois certains politologues, il invita ses propres partisans à ne point trop en faire en ne lui offrant pas une majorité écrasante. Comment cette bizarrerie politique s’est-elle mise en place ? Quelqu’un s’en souvient-il ?

Pour la gauche, il reste une petite semaine à tenir autour de la dépouille de ses faiblesses. Ensuite, il faudra se mettre au travail en respectant un certain nombre de points :

1. Eviter de tomber dans le jeu de l’hyperprésidentialisation de Sarkozy. Le Président de la République sera sur les écrans tous les soirs. Pour lui, c’est une campagne électorale en boucle, une vampirisation de l’espace médiatique. Je conseille au PS de se mettre en retrait pour éviter le piège avec intelligence : ce n’est pas avec une simple stratégie d’opposition que le PS sera en mesure de l’emporter en 2012 mais avec un projet propre, audible.

2. Nommer les avancées en termes de clarification. Mener rondement cette auto-critique que les Français se sont chargés de faire puisque le PS regardait ailleurs.

3. Donner un sens symbolique fort au renouvellement espéré : lutter contre les cooptations systémiques, favoriser le retour du débat dans les sections en invitant les intellectuels et les experts à façonner un projet de société tourné vers 2020, changer de posture…

4. Lister les réussites concrètes, dans le secteur associatif, au sein de la société civile, dans les pays européens, pour tisser, au fil des jours, un projet de société réintégrant l’humanisme dans le libre échangisme économique.

Car le Parti socialiste n’a pas seulement perdu une élection en 2007. Il a perdu une perspective de l’avenir, un manuel pour l’appréhender.

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http://www.adgoog.com/blogLes Français ont désormais sous les yeux un paysage politique notablement clarifié. Trois propositions s’offrent à eux. Elles ont pour caractéristique commune la volonté d’une hyperprésence qui renouvellerait les traditionnelles approches d’alliance.

Ayant réussi l’examen de la séduction, Nicolas Sarkozy est obsédé par la volonté d’injecter des anesthésiants dans le corps malade de la gauche. Pour reprendre la désormais célèbre expression d’Edwin Plenel, l’hyperprésidentialisation veut s’assurer une stabilité dans le temps en récupérant les soldats frustrés d’une gauche fatiguée d’elle-même. Il n’est pas certain que la tactique réussisse tant les recrues sont déjà démonétisées dans l’esprit de la gauche mouvementiste. Je pense plus particulièrement à Bernard Kouchner et Eric Besson, Jean-Pierre Jouyet et Martin Hirsh, de par leur parcours, ne pouvant être rangés sous le même label opportuniste.

Cette sphère va s’élargir avec deux recrues annoncées de chaque côté, le pathétique Jack Lang et le clairvoyant Jacques Attali. Si Nicolas Sarkozy agit de la sorte, c’est qu’il connaît mieux que quiconque la versatilité de l’opinion publique en bon ex-balladurien borduré.

En ces temps nouveaux de consumérisme électoral, le temps des preuves suit de près celui de la séduction. L’hypnotisme sarkozyste est donc, de ce fait, soumis à la même épreuve des faits. Ce n’est plus la légitimité d’un succès électoral, si patent soit-il, qui assurera le prolongement de l’euphorie, mais celui de la légitimité des preuves (le prix du chariot dans les hypermarchés, l’anoblissement de la valeur travail, l’enrayement du descenseur social, le sentiment d’une sécurisation au sens large des conditions de vie, etc.).

Il faut être bouché à l’émeri pour ne pas comprendre que Nicolas Sarkozy gouverne avec une carte réactualisée, tous les matins, de l’état de l’opinion. Or, la politique est l’art de remonter les courants contraires, de secouer les acquis, de piétiner les consensus. Habile, animal, Nicolas Sarkozy n’ignore pas le rejet dont il fait l’objet dans une partie importante de l’opinion. Cet anti-sarkozysme est pour l’heure un volcan éteint. Mais, en bon géologue, Nicolas Sarkozy travaille sur les conséquences d’éruptions inévitables.

L’autre hyperprésence s’enracine autour de François Bayrou. Son « ninisme », sa volonté de sublimer un hypercentre a été couronnée de succès à l’élection présidentielle et Nicolas Sarkozy ne l’ignore pas. La création cynique du nouveau centre, l’énergie mise à réunir l’axe radical prouvent s’il en était besoin qu’il souhaite bloquer l’innervation du discours de François Bayrou mais cette ligne de Maginot ne tiendra pas à la première difficulté tant les Hervé Morin, Maurice Leroy et autre Jean-Michel Baylet apparaissent comme des opportunistes sans valeur aux yeux d’une opinion désireuse de rejeter ces arrangements mafieux.

François Bayrou a réussi une énorme performance, celle de s’inscrire dans une possibilité d’avenir. Il incarnerait presque la meilleure opposition actuelle, celle d’un dépassement vertueux. Une seule épreuve l’attend : le choix. Les sciences physiques peuvent être éclairantes pour juger de l’inscription dans le temps des offres politiques nouvelles. L’équilibre, par essence, est précaire puisqu’il se pose au centre de deux forces centrifuges dont les conditions de matérialité sont mouvantes.

Le tsunami sarkozyste déplace le centre actuel au centre gauche. C’est une loi physique dont j’ai cru comprendre, avec mon modeste bagage scientifique, que François Bayrou avait repéré le déplacement. Quand il déclare dans le journal télévisé de France 2 du 3 juin à 20h que le deuxième tour du Modem aux législatives creusera l’hypothèse d’un plus grand pluralisme à l’assemblée nationale, beaucoup traduisent que des accords nombreux et décisifs seront scellés avec le Parti socialiste pour éviter une monochromie monotone au Parlement.

D’ailleurs, la facilité avec laquelle beaucoup d’élus Vert, souvent compétents, ont rejoint le Modem, sanctionnant ainsi la dérive picrocholine du parti écologiste, laisse supposer que les abouchements seront possibles entre des candidats PS effrayés par l’atonie de Solferino et un Modem très suspicieux sur l’état de grâce sarkozyste.

Enfin, la dernière hyperprésence, qui n’a rien du discours de la méthode Coué, et ça aussi, Nicolas Sarkozy le sait, est incarnée par le PS ségolisé. Dans les joutes classiques, le perdant est invité à traverser le désert pour ressourcer le discours. Or, n’en déplaisent à ceux qui la trouvent nunuche, Ségolène Royal a réussi la performance qu’un stratège comme Sarkozy ne peut qu’apprécier de faire porter la responsabilité de sa défaite aux pachydermiques dysfonctionnements du Parti socialiste.

Avec une foi d’airain, en intuitive née, habitée par une force mentale bien au-dessus de la moyenne, Ségolène Royal croit en son étoile et rien ne pourra la faire dévier de cette certitude. Comme si elle avait analysé les raisons de son échec : l’absence de profilage du discours, l’absence de mots, de syllogismes forts. Dire, c’est agir, rappellent les linguistes. Royal a perdu la bataille des mots, pas celui de la rénovation sociétale du pays.

L’après législatives au PS s’apparentera à un été meurtrier. Il se murmure déjà que les puissantes fédérations, soucieuses de défendre leurs réserves foncières à l’approche des municipales et des cantonales de 2008, prendront l’initiative d’une plus grande clarification du projet socialiste pour ne plus être otages des chicaneries nationales.

Mais les baronnies locales ont le sens du concret et elles savent que Ségolène Royal est aujourd’hui incontournable. Le seul ségocompatible est aujourd’hui DSK qui devra faire preuve d’humilité pour accepter une telle destinée. Car Ségolène Royal a profité des flottements directionnels du PS pour imposer sa marque. Et, tel un outsider ayant pris une dizaine de minutes dans une étape de plaine aux favoris du Tour de France, elle a pris une considérable avance dont elle capitalise l’avantage : les groupies ségolisées, à forte dominante féministe et zone sensible urbaine, ne la lâcheront pas tant le lien relève d’un surprenant mysticisme.

Ces trois hyperprésences conditionneront les prochains rapports de forces. Du discours à la mise en œuvre, Nicolas Sarkozy ne pourra slalomer continûment entre les récifs de la réalité. Le temps fusionnel des bises sur le perron de l’Elysée et des mains dans le dos complices ne durera pas face à une opinion française aussi ductile, capable de refuser la Constitution européenne et de voter deux ans plus tard pour un de ses promoteurs.

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On est là. Las surtout. On regarde. Sans fièvre. On attend. Meeting unitaire de lancement de campagne législative. Belle tapisserie de références usées par le temps du surplace. On n’entend plus rien. Pas une proposition, pas une interview, comment dire, défrisante. Un nostra culpa puis l’amorce d’un autre discours. On ressent comme un écrasement. Un sentiment d’infériorité. Aucune autorité dialectique. Rien.

On se fait les dents sur les félonies de ceux qui sont passés dans le camp d’en face. C’est bien mais en politique, on ne construit rien de bien durable sur les supposées défaillances de l’adversaire. Les intellos sont repartis au boulot. Les fenêtres censées s’ouvrir sur la jeunesse, sur les nouvelles têtes, sur les nouveaux modes de liaisons entre le monde associatif et les responsables politiques, sur la refondation inéluctable ne sont que des vasistas où l’œil de Solferino veille, vidéosurveillance chargée de punir les décalages.

Comme sur un vélodrome, on se crispe sur la machine en attendant le premier sprint. DSK a tenté trois minutes après la défaite de Ségolène une échappée. Paf, rattrapé, sermonné, accusé d’opportunisme. Alors ? Rien… Le vide, les « je suis disponible », les « si je suis en situation », les appels à l’unité –quel formidable disposition au psittacisme dans ce PS le plus rouillé du monde- qui ressemblent à des messes ânonnées par de vieux prêtres que la modernité effraie.

Oui, tout est creux dans la boutique, même l’appel de L’Obs au débat qui se réduit à quelques textes gentils envoyés à une copine qui vient de perdre son chat alors qu’elle était en train de passer son Bafa… Les sociologues des organisations ont disséqué le danger qui menace ces dernières lorsqu’elles sont organisées de telle sorte qu’elles ne font qu’adorer les surplaces itératifs qui évitent les affirmations de talents.

En face, dans la sarkosphère, ça bouge, ça gueule, ça crie, ça se trompe, ça effrite l’éthique, c’est bien dans ses bottes, même si elles sont parfois plantées dans la fange des petits arrangements entre amis (m’enfin, dans ce domaine, le PS devrait faire attention à ne pas trop se parer des plumes de la vertu tant certains titres nationaux lui sont organiquement liés). Philippe Val, à sa manière dérangeante de mettre les pieds dans le plat, a raison d’insister sur le besoin de dire : « Nous, c’est ça. Eux, c’est ça ».

Nous, la gauche, on ne veut pas du service minimum pour les raisons suivantes. Nous, la gauche, on ne veut pas du tout répressif pour ces raisons précises. De toute façon, a-t-elle le choix, cette gauche ? Courir après Sarkozy ? Trop dur, il est trop fort, son virilisme conservateur est inimitable ! Alors, il reste à ripoliner les bonnes intentions. Il reste à reprendre les idées concassées par le broyeur médiatique. Il reste à apprendre à les dire, à les muscler, car la communication fait tout, certes, mais elle est encore plus efficace à partir du moment où les idées qu’elle porte sont frappées d’une réelle solidité, d’une forte adhésivité.

Pour le PS, le temps est à l’épure, à l’esthétique conceptuelle, à la sobriété ascétique… Mais l’organisation interne du PS, telle qu’elle existe, avec ses courants, ses baronnies locales, ses dynasties cryptoétatistes, cryptocollectivistes, va dégoûter définitivement ceux qui ont envie d’y croire, comme moi. Au PS, l’ascenseur social aussi ne fonctionne plus…

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www.observatoiredeleurope.com

L’air du temps est à la refondation au Parti socialiste. Les quadras n’hésitent plus à insister sur une révolution interne radicale. Reste à en définir les contours. Face à ce chantier nécessaire, les premières difficultés surgissent immédiatement.

Les caciques locaux accepteront-ils de lancer de nouvelles têtes sans remettre en cause le système sécurisé sur lequel ils assurent, bon an mal an, leur renouvellement ? Accepteront-ils d’intégrer la dynamique conceptuelle des nouveaux adhérents, celle qui a permis à Ségolène Royal d’assurer son succès lors des primaires pour la désignation du candidat à la présidentielle ? Accepteront-ils la remise en cause de cette gestion à la papa en vigueur depuis de nombreuses années dans les baronnies socialistes, qui accordent sa préférence aux dynasties, aux cooptations franc-maçonniques, pour assurer la relève (je ne parle des personnes, j’accuse le système) ? Accepteront-ils enfin de mettre un terme au laminage des élites intellectuelles, censées incarner le primat d’excellence de la gauche sur la droite ? Accepteront-ils les Rachida Dati de gauche ? Leur réserveront-ils le même sort qu’à Malek Boutih ?

Il faut lire autre chose qu’un simple opportunisme dans l’ouverture à gauche voulue par Nicolas Sarkozy. Cette dernière s’appuie en premier lieu sur une vision idéologique panoptique de la maison France. Cette dernière reste profondément divisée en son cœur entre deux pôles : une fascination mal feinte pour les réussites du modèle anglo-saxon (plein emploi, capacité à relever des défis supposés inatteignables) ; une crainte sous-jacente de la solidité du modèle social gaulois face à une mondialisation qui, lorsqu’elle est intelligemment décrite, pointe immédiatement les fragilités du dit modèle (financement des retraites, compétitivité des entreprises à l’international).

Cet état d’angoisse généralisé a jeté les bases du social-libéralisme rénové que souhaite promouvoir Nicolas Sarkozy. D’où la volonté de ce dernier d’élargir la base des valeurs d’un éventuel succès de sa démarche. La culture de la réussite qu’il souhaite promouvoir ne peut se concrétiser dans l’opposition entre les deux France, celle qui ne tire pas profit des avantages de la mondialisation et celle qui assure qu’en débridant l’esprit d’entreprise, les pauvres bénéficieront aussi des retombées positives de la nouvelle donne économique.

Disons le tout net : cette démarche est séduisante. Sera-t-elle opérationnelle ? Les premiers échanges entre les syndicats et François Fillon (peut-être plus autoritaire sur le coup que son patron) laissent augurer un temps plus long que prévu pour qu’un climat social de confiance puisse entraîner l’instillation des réformes souhaitées par Nicolas Sarkozy. A moins que (l’hypothèse est peu évoquée) l’impérialisme idéologique sarkozyste naissant parvienne à se dispenser de syndicats qui ne représentent au final que 8 % des salariés français.

Ne nous cachons pas la réalité : face à ce rouleau compresseur, le Parti socialiste n’a qu’une seule voie à explorer : celle de sortir de sa pleutrerie conceptuelle, celle de l’humilité, d’un grand coup de Kärcher (pardon) sur les totémismes antédiluviens. En l’état actuel, le Parti socialiste ne manque pas de talents. Mais il en existe aussi beaucoup à l’extérieur. Des quadras, formés au rejet du monarchisme mitterrandien, pour lesquels l’action politique s’arrime sur le concret (l’insécurité, la sécurisation des parcours professionnels, la priorité donnée à une école de la République plus soucieuse des enfants les plus exposés aux dérives sociales, etc).

Qu’a fait Nicolas Sarkozy ? Il a siphonné les idées de gauche, leur a donné une carnation concrète. Ne parlons plus d’utopie, profitons des extraordinaires ressources du champ associatif, libérons les énergies innovantes, donnons à tous les hommes de bonne volonté la possibilité de vivre leurs rêves, d’entreprendre, quitte à se planter, pour ne pas entrer dans la vraie vie à reculons, avec pour seul objectif de s’accrocher aux branches les moins branlantes de l’avenir. La France est aujourd’hui atteinte d’une forme aiguë d’asthénie. Elle a peur de faire. Elle a peur de se libérer. Quel gâchis !

Si le Parti socialiste reste en l’état, si le profil du futur élu est lié à son hérédité, si les nouvelles générations ne sont que des duplications plus fades des futures anciennes, si faire de la politique c’est uniquement apprendre par cœur des fiches joliment rédigées pour les ânonner en meetings, alors oui, le sarkozysme a de l’avenir devant lui et le Parti socialiste se transformera piteusement en centre de formation des futurs cadres de l’UMP.

Chère Ségolène Royal, je reste à ton entière disposition. Messieurs de Solférino, je baigne dans le mauvais jus de l’improductivité. J’attends votre appel. Et merde pour cet élan narcissique (je ne serai jugé que sur les résultats), merde à ceux qui me jugeront mytho (ils n’ont qu’à aller écouter quelques réunions publiques d’élus socialistes de terrain pour se rendre compte qu’ils sont incapables de faire vibrer la moindre envie), merde de laisser le champ libre à la médiocratie du PS !

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http://www.emmabonino.it/var/data/images/5527_napoleon-throne.jpg_large.jpgAvouons-le : les membres de l’UMP affichent aujourd’hui une grande sérénité dans le déroulement de leur argumentaire. Le logiciel que leur a offert Nicolas Sarkozy ne tombe pas en panne. Mieux encore, il y a comme une excitation auto-centrée de ce fameux brio dialectique qui fait l’élection.

Pas besoin de lire le linguiste Fernand Saussure (que je conseille tout de même vivement) pour intégrer cette règle élémentaire : l’important, ce n’est pas seulement d’avoir de bonnes idées mais d’assurer, dans la clarté, leur promotion. Les Français aiment la virilité des formules choc, les « tapismes » langagiers. Nicolas Sarkozy a réussi l’exercice, passons…

Le plus difficile aujourd’hui pour le Parti socialiste, ce n’est pas tant d’opposer des idées crédibles (elles existent, en ordre dispersé certes, mais elles demandent juste à être intelligemment coffrées) que d’inventer un logiciel concurrentiel efficace. Prenons un exemple simple : François Mitterrand a enfanté Jean-Marie Le Pen et Nicolas Sarkozy vient de rapetisser l’invention machiavélique du mitterrandisme. Cette idée est dans le logiciel sarkozyste.

Pour désactiver cette fonction, il faut d’abord rappeler que l’invention en question a énormément servi la droite (désistements réciproques aux légalislatives, gestion commune dans les Conseils régionaux…) avant que les dessins de Plantu, où voletaient les mouches autour de certains responsables de droite, n’entraînent un sursaut moral. Donc la droite est très mal placée pour reprocher à la gauche d’avoir utilisé Le Pen pour assurer la réélection de députés dans des triangulaires bien commodes. Et je ne dédouanne pas ici les margoulins socialistes ou communistes qui ont sablé le champagne en apprenant le résultat du FN.

Je dis que lorsque l’on tient un discours moral, il faut d’abord regarder au fond de sa culotte. Donc, quand on aborde la question essentielle du siphonage des idées d’extrême droite au profit de Nicolas Sarkozy, il faut avoir dans la musette dialectique (l’élection n’est que dialectique) cet argument massu face à une UMP trop sûre d’elle-même. Je l’écris pour les candidats en campagne : « J’aimerai savoir comment vous pouvez affirmer, toute honte bue, que la gauche a enfanté Le Pen, sans la moindre preuve, alors que vous avez scandaleusement profité des bons scores du FN aux législatives et dans les exécutifs régionaux. Dites-moi le contraire, monsieur Machin (oui, l’effectivité dialectique passe par l’emprisonnement de l’adversaire, voir Jaurés et Sarkozy) ».

Le parti socialiste ressemble aujourd’hui à un boxeur talentueux sans punch, courbant l’échine à la moindre difficulté. Chaque uppercut de la droite atteint le minois de la gauche. Reste à savoir sur quels segments de sa politique Nicolas Sarkozy récompensera le retour au bercail des brebis égarés du lepénisme. Qu’attendent-ils ces électeurs ayant rompu le pacte de fidélité solide qui les maintenait depuis longtemps au FN ? Moins d’immigration, plus de sécurité ? L’ancien ministre de l’Intérieur devenu Président a échoué dans ce domaine.

La gauche est donc appelée, pour ces prochains mois, a dénoncé l’illusionnisme sarkozyste tout en expérimentant les premiers éléments du logiciel qui lui a fait si terriblement défaut lors de l’élection présidentielle.

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actualite.aol.fr

On la sentait bien venir, cette petite gêne, dans le cadre de l’émission France Europe Express. Christine Ockrent, épouse de Bernard Kouchner, journaliste d’une des émissions les plus conséquentes du paysage audiovisuel français avec celles d’Yves Calvi. Et François Bayrou, dont la diagonale dialectique rappelle celle d’un fou (donc de quelqu’un de raisonnable dans mon esprit) eut ce petit hoquètement hilare qu’il affecte quand il sent que son propos va bousculer le politiquement correct, en s’excusant par avance d’oublier la proximité familiale entre le ministre et son épouse pour tenter une énième clarification entre « ralliement » et « alliance ». Aussi sincères que puissent être les démarcations entre vies privée et professionnelle, Christine Ockrent n’est plus, depuis quelques jours, une journaliste comme les autres.

Chère madame, j’eusse apprécié qu’en début d’émission, les yeux dans les yeux, vous prîtes la parole pour nous livrer les clés d’un contrat de confiance : ici, mon mari est un homme public comme les autres ; quand je ferme la porte de mon domicile, ça devient mon ou notre problème…

Je vous pose donc directement quelques questions auxquelles je suis sûr vous saurez répondre : comprenez-vous que les téléspectateurs de votre excellente émission puissent être légitimement troublés par votre contexte familial ? Pensez-vous pouvoir conserver dans cette situation votre capacité de critique ?

Votre époux, dont la principale qualité est de ne pas se fondre sans moufter dans le conformisme oblitérateur, sera donc souvent sous les feux de l’actualité et les projecteurs se braqueront sur les attractions-répulsions de ses rapports avec un président de la République qui n’est pas conformé comme lui : comment traiterez-vous de ces relations ? Qui le recevra (il est tout de même titulaire d’un porte-feuille cible de votre contenu éditorial) lorsqu’il sera amené à se rendre sur votre plateau ?

Je suis sûr que vous aurez le courage de répondre à ces questions et, dans un élan narcissique pathologique, vous invite à être interviewée sur ce blog sur le sujet.

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Amis journalistes, de grâce… Puisque l’air du temps est à la rupture, tentez de perdre aussi cette mauvaise habitude, pratiquée essentiellement par les journalistes de radio, de suivre les personnalités politiques, ministres ou battues, dans leur fief de campagne, en récupérant des commentaires à la con d’imbéciles heureux contents d’avoir touché la main de Sarko, vantant la combativité de Fillon, l’humanité de je ne sais qui d’autres…

Cette badauderie dégoulinante est si attristante qu’elle relève de la non-assistance à personne en danger et je serai bien en colère d’entendre mon père dire que l’élu du coin promu sur le plan national est « sympathique ».

Faites comme Yves Calvi sur France 5 ou Judith Clarigni et Brice Teinturier sur France Culture, deux émissions exemplaires de ce que le service public doit : un cadre, des faits, des analyses, des oppositions…

Sortez de cette idéologie mortifère, enseignée en école de journalisme, que vos auditeurs sont des tâches automobiles surmontées de bobs. Nous y gagnerons tous. L’idolâtrie française n’est qu’une activité touristique, pas politique.

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http://medias.lefigaro.fr

Je me suis servi un fond de whisky. Pas trop. J’ai suçoté un petit cigarillo. Deux inhalations. Fallait être en forme pour ce matin. Christine m’a invité à venir me coucher vite. Je l’ai embrassé tendrement sur le front. Comment dormir ? Je l’ai rassuré. « Je termine le verre ». Elle m’a demandé si j’allais bien. J’ai eu du mal à contenir la formation d’un caillot lacrymal dans la gorge. Un hochement de tête a suffi. Je me suis retrouvé seul. Sans envie. Dans le vague. J’ai allumé la télé mais le visage rond de François Hollande m’a fait sursauter. Je l’ai éteinte aussitôt. Demain (aujourd’hui pour vous), je serai pour une partie de la France un renégat, un mangeur de lentilles, un opportuniste défroqué, un vendu au libéralisme, un crédule…

A mon âgé avancé, les petites convulsions médiatiques me laissent heureusement de marbre. Je suis né socialiste, j’avais envie de sauver la planète ; enfant, je ne supportais pas l’indifférence de mes proches pour les mendiants, la pauvreté m’a toujours indigné. Docteur, j’ai voulu aller au bout du monde pour sauver l’humanité, pour sauver mon âme. J’ai tenu dans mes mains des enfants de douze kilos. J’ai côtoyé la folie humaine, de près, de très près, dans le Biafra, au Kosovo, ce Kosovo de mon cœur où je n’oublierai jamais ce que la lâcheté des nations peut causer dans le regard d’un gosse anémié.

On m’a tellement reproché de choses que je ne sais par où commencer. J’ai égaré la liste. Tout ce que j’ai pu faire n’a pas été parfait mais je ne supporte pas l’idée que les rodomonts de tribune, sagement posés au coin du feu de leur Ardèche ronronnante, viennent me donner la moindre leçon. L’injustice, je l’ai saisie à la gorge, j’ai tout fait pour lui tordre de cou. Oui, c’est vrai, j’habite un endroit cossu. Oui, c’est vrai, j’ai cédé comme nous tous à l’ensorcellement de l’argent. Même l’Abbé Pierre a pêché. C’est dire comme vivre est une grand épreuve, surtout lorsque l’on défend des idées nobles.

Tout au long de ma vie, j’ai appris à me méfier des puretés humaines. L’homme est ambivalent. Tel gauchiste habite un pavillon avec piscine. Tel coco passe ses vacances à Ibiza. Et, lorsque Simone de Beauvoir s’achetait une robe trop chère, pour éprouver le frisson de la coquetterie, elle qui entretenait un rapport si trouble avec la féminité, elle broyait des idées noires tout au long de la journée. Et lorsque Léo Ferré, pierrot lunaire des anars, pourfendeur du capital, se rendit propriétaire de sa maison en Toscane, il bafouillait des explications oiseuses à ses fans troublés. L’argent est notre mauvaise conscience commune.

Camarades, je suis triste de vous abandonner. Le principe de réalité a pris le dessus sur la puissance des convictions. Je suis peut-être mieux armé que d’autres pour fixer droit dans les yeux le diable Sarkozy dont on m’a décrit avec moult détails la vésanie. Mais, quelque part, je retrouve ce matin ma liberté.

Les gens de gauche auront l’honnêteté de reconnaître que travailler avec la droite n’est pas sans saveur : chez eux, on se débat moins avec la moralité, la richesse n’est pas tabou, la réalité a pris le relief simpliste des bas instincts, le monde de Bush est plus manichéen que le nôtre et, dans un monde traversé d’incertitudes, les Français ont besoin de se retrouver autour de principes audibles et concrets. Sarkozy a réussi le tour de force d’occuper le champ que nous n’osions plus amodier, le travail, la fierté d’être Français. Des années plus tard, après avoir enfanté le Front national pour des raisons bassement électoralistes, nous voilà piégés, nous, socialistes, dans l’impasse identitaire d’une France que nous avons volontairement labourée.

Je dis les choses comme je les ressens : la gauche ne retrouvera plus le pouvoir en France avant dix à quinze ans si elle se contente de congrès stériles et d’une refondation dialectique. Alors, de l’endroit où je suis, avec mes maladresses, mes humaines limites, j’essaierai de défendre la cause de ceux qui croient aux combats de la gauche. Car, si je quitte la gauche, elle, elle ne me quittera pas. Si je comprends le trouble légitime des amis que je perds, je n’aurais jamais trop de colère contre ce PS enkysté dans ses querelles picrocholines, bien incapable aujourd’hui de résoudre la complexité des problèmes qui se posent à notre époque.

Oui, je pense que Nicolas Sarkozy est un moindre mal, à l’instant T de l’histoire de notre démocratie. Le monde de Sarko n’est pas le mien. Mais la gauche n’a pas su inventer le sien. Apatride, je deviens un sans papier honnête, mu par la seule volonté de rendre le monde meilleur.

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http://tempsreel.nouvelobs.com

Il y a deux manières de juger le ralliement d’un homme de gauche dans un gouvernement de droite et vice-versa : celle qui consiste à dire que la noblesse de la gestion des affaires de l’Etat dépasse le débat politique et qu’une fois passé le temps de la confrontation, seul prime l’intérêt immarcescible de l’Etat ; celle qui refuse cette dichotomie facile entre l’affirmation de ses convictions profondes et l’adaptation à un principe de réalité.

L’air du temps est à la vibration de cette idée que la confrontation politique est d’une improductivité infantilisante et que la modernité se régénère dans une progression au jour le jour dans le maquis des défis à relever. L’infusion de cette idée est une menace pour la richesse du débat politique : elle risque d’amoindrir la recherche, des deux côtés du balancier politique, des expériences couronnées de succès ; elle expose le débat politique à la tentation de la synthèse qui n’est jamais qu’un couvercle chuintant que l’on pose sur de vraies divergences de fond. Elle démonétise enfin le débat politique qui deviendrait ainsi, aux yeux de l’opinion, un lieu d’échanges artificiels, une mascarade ritualisée.

Quelle est la nature de la sarkozyphilie subreptice de Bernard Kouchner lorsque l’on pioche sans mal dans les déclarations qu’il fît et dont la peinture est encore fraîche ? Lorsque le French doctor reprochait il y a dix jours au nouveau président de la République de « pêcher dans les eaux de l’extrême droite », mentait-il, prenait-il les gens de gauche sincères pour des gogos lobotomisés ?

Car il n’aura pas échappé à l’opinion française que le corps doctrinal du programme de Nicolas Sarkozy penche très à droite et que le choix du pays doit être respecté. Je veux choisir mes futurs élus à partir des idées qu’ils défendront en campagne.

La démarche de François Bayrou est différente puisqu’il inscrit dans le marbre de ce nouveau mouvement démocratique le principe d’une variabilité d’approche des différentes mesures à apprécier s’il reste dans l’opposition. Mais qui peut penser en France qu’un élu, de gauche comme de droite, n’agissait jusqu’alors qu’en fonction d’une vision étriquée de la bipolarité politique ? Dans les collectivités territoriales, que la majorité de droite soit de gauche ou de droite, l’immense majorité des délibérations sont adoptées à l’unanimité parce que l’édification d’un collège ou le renforcement d’un dispositif de vigilance auprès des personnes âgées ne peut faire l’objet d’une opposition abêtissante.

Bien entendu, cette sagesse n’est pas reproductible à l’échelle de l’assemblée nationale, créatrice du socle législatif du pays, là où les divergences s’élèvent plus frontalement. Mais, si je vote à gauche, et que cette gauche reste minoritaire, je n’attends pas de « mon » élu une déresponsabilisation devant les choix d’opposant qu’il doit faire. J’attends de lui qu’il lance, à l’échelle de la circonscription qui l’a élue, le débat nécessaire, auprès de la population, pour qu’il puisse voter en homme libre, serein et objectif.

Ce n’est pas parce que le débat crée une saine opposition qu’il empêche le recoupement d’éléments unanimement partagés. Dans une démocratie, l’opposition détient un rôle fondamental, celui de faire vivre l’immense minorité battue aux urnes pour que la vision que cette France porte dans ses tripes ne soit pas écrasée par celle de la France majoritaire. Je crois que les institutions, telles qu’elles existent, autorisent cette dynamique du débat. Et non des ralliements de fins de carrière ou de colère inversée qui s’apparentent plus à des haines bruyamment remâchées qu’à des sursauts moraux salutaires.

Bernard Kouchner a sans doute beaucoup de reproches à faire au PS. J’en partagerai sans doute beaucoup avec lui. Pense-t-il une seule seconde qu’en ralliant le camp qu’il a toujours combattu, il sera plus audible auprès de ceux avec lesquels il a toujours cheminé ? Nous sommes tous ambivalents, tous un peu schzyzos… Mais le choix politique doit toujours se faire dans la clarté, avec des ajustements mais sans revirement brusque.

C’est pour cette raison, Bernard Kouchner, que je suis triste aujourd’hui d’apprendre que vous franchissez le gué. Parce que vous le franchissez du jour au lendemain, sans avoir pris le temps de nous expliquer pourquoi vous le faites. Vous le franchissez dans l’entrebaillement de l’air du temps, par haine pour votre famille d’origine, par vengeance. Je vous souhaite cependant, pour la France, le meilleur succès.

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http://www.mjsaquitaine.jeunesse-sports.gouv.fr

Cher ami,

Toi qui vit en Afrique, qui ressent au quotidien les effets du hachoir libéral, qui sait les conséquences crues de l’organisation du commerce international, tu me demandes de te donner mon sentiment sur l’élection présidentielle. Je ne suis pas un expert mais cela tombe plutôt bien : la mode est à la démagogie anti-expertise, l’expertise étant accusée de ne fournir qu’une vision tronquée des faits, in-humaines (j’insiste sur la césure).

Le grand frisson démocratique, de ce côté-là de la Méditerranée, c’est de sonder cette zone grise entre les faits, dont la scientificité est toujours plus remise en cause, et le ressenti d’en bas. L’exercice comporte de grands avantages et de réels risques : à force de nier la réalité (je viens de lire une étude sérieuse attestant que les aides publiques accordées aux entreprises du Cac 40 sont minimes et que les aides en question soutiennent déjà, abondamment, les petites et moyennes entreprises), on se détourne de la nécessité d’œuvrer avec pédagogie envers les citoyens. La nourriture pédagogique est une diététique démocratique : controuver la réalité encourage toutes les transgressions radicales.

La France est un pays habité par une foi révolutionnaire. Elle goûte peu aux discours sur la méritocratie et considère que les laissés-pour-compte ne seront jamais comptables de leur décrochage. Rien à voir avec l’état d’esprit anglo-saxon où les bonnes statistiques économiques masquent généralement les deltas vertigineux entre les revenus des uns ou des autres. La France n’épousera jamais les contours libéraux du marche ou crève bushien. La France ne sera jamais complètement fascinée par le modèle blairiste. Et les quelques décimales de croissance que nous perdons dans les confrontations dialectiques sur le modèle social s’arriment à ce patrimoine révolutionnaire : en France, le discours sur les inégalités ne fait jamais l’objet d’un solde pour tout compte.

De loin, ce pays peut paraître ployer sous de pondéreux paradoxes. Il dit non au référendum et s’apprête à élire pour le candidat le plus libéral sur la gamme des propositions d’avenir. A l’analyse, cette attitude relève de la logique : Sarkozy a instillé un peu de bushisme protectionniste dans son propos. Lorsqu’il indique que la Slovénie a purement et simplement supprimé l’impôt sur les sociétés (la Slovénie est un des 27 membres de l’Union européenne), il précise que Bruxelles n’est plus crédible pour venir lui chercher des poux dans sa volonté de disposer d’une certaine latitude fiscale (notamment sur la réduction de la TVA à 5,5 % sur les métiers de la restauration et de l’hôtellerie).

Bref, ce libéralisme qui effraie tant la France de gauche conserve une liaison forte avec la France qui se lève tôt, en flattant sa valeur et en laissant supposer que l’autre France, qui se couche tard, est irresponsable. Dans chaque corpus idéologique, il y a une petite porte d’entrée pour chacun. Mais ici, chaque débat est à examiner sous toutes les coutures. En tant que journaliste, j’ai eu le plaisir de discuter avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Il y a quelques semaines, ce dernier redoutait que la campagne électorale hexagonale ne tourne à la stigmatisation des assistés.

Le phénomène ne s’est pas produit, fort heureusement. Car, là aussi, la réalité n’est pas aussi simpliste que le débat aimerait le poser : les resquilleurs de l’Etat providence ne sont pas aussi nombreux que le café de commerce ne l’atteste… Pourquoi ? Parce que les Rmistes, pour ne prendre qu’eux, sont à 80 % demandeurs d’une activité professionnelle, même si cette dernière ne leur permet d’atteindre le même niveau de « rémunération artificielle » que celui atteint par les nombreuses aides publiques.

La France est un pays extraordinaire de 64 millions d’habitants qui croit romantiquement aux vertus du consensus. Ce dépassement consensuel est porté par François Bayrou. La culture de la confrontation idéologique a enkysté le pays. Il lui manque de l’huile entre les rouages. On peut multiplier les exemples. Deux mondes se haïssent profondément : celui de la formation professionnelle et de l’éducation nationale. Le premier loue la recherche d’une plus juste adéquation entre les besoins du monde du travail et les formations adaptées ; l’autre considère que cet adéquationnisme comporte des risques de pervertissement (le temps de la mise en place de la dite adéquation étant trop long par rapport aux mutations réclamées par le monde du travail).

Dans ce contexte est apparu un ovni : Ségolène Royal. Gagnera-t-elle ? Les sondages disent que non. Mais cette femme étonnante, accusée de tous les maux, parfois maladroite, a un réel don intuitif. En l’espace de deux ans (2005-2007), elle a ringardisé le Parti socialiste, lieu de synthèses improbables, où la mauvaise foi la dispute à l’irréalisme mal feint. Tous les sondages, qualitatifs ou quantitatifs, la placent généralement derrière Nicolas Sarkozy, animal politique, déroulant des argumentaires fortement empathiques.

Que dit-elle ? La France a des ressources, la France est en quête d’équilibres, la France a besoin d’apaisement. Tout le monde gagnera (donnant-donnant) et si un seul groupe social perd, c’est tout le monde qui sera entraîné vers le bas. Un joyau harmonique que Sarkozy n’a pas encore perçu et qui risque de lui péter à la gueule (mille excuses pour l’expression triviale) au soir de son débat avec Ségolène.

Nicolas Sarkozy souffre d’un complexe de supériorité : il ne doute pas, c’est ce qui fait sa force. Mais cette trop belle assurance est anxiogène. Pis encore : elle le déshumanise. Sa force de frappe dialectique emprunte au détail (la petite fille du gendarme tué qui lui demande de sortir son papa de la boîte, fait éminemment triste, dont il laisse entendre qu’avec lui, ministre de l’Intérieur au moment où le gendarme en question est scandaleusement entré dans la boîte, il n’y aura plus de moments de tristesse aussi forts). C’est l’art du sophisme : tirer toujours profit des situations les plus périlleuses, ne jamais céder à l’autocritique, laisser toujours entendre que ce que l’on a fait échappe à ce que l’on est.

Enfin, sommet de la démarche sophistique, décrédibiliser l’adversaire, aller chercher la contradiction, la mettre en scène avec d’autant plus de facilité que l’on a réussi, dans l’esprit des gens, à s’exonérer d’un bilan que l’on a construit. « Rupture », dit Sarkozy. « Rupture » avec lui-même. Mais « rupture » sans autocritique, donc profonde et inquiétante pathologie mentale. Oui, je le concède, par honnêteté intellectuelle, il y a une fureur de diabolisation dans le camp d’en face. Mais Sarkozy gère mal cette entreprise. Il la nie, paraît plus clair dans la formulation d’éléments de programme, mais il ne peut se sortir des griffes de la contradiction sans griffer plus fort encore. Il ne refuse jamais le combat à mains nues. Il aime saigner et faire saigner. Il aime la bagarre.

Et au final, malgré lui, le verdict du deuxième tour se jouera sur un élément qu’il ne soupçonnait pas aussi prégnant : l’humanité de la future présidence de la République. La part de caricature que l’on brosse de lui, excessive comme toutes les caricatures, il y rentre dedans, comme un éléphant, si j’ose dire, dans un magasin de porcelaine.

Ségolène Royal aussi est caricaturée : incompétente, manque de carrure… Mais dans cette guerre des défauts, que choisiront les Français ? Le doute ou la certitude, le risque ou l’assurance, le participatif ou l’unilatéralité ? Ainsi va la France : elle préfèrera toujours les défauts de l’humanité aux certitudes du libéralisme ; elle voudra toujours croire à un monde meilleur qu’à un monde adapté aux circonstances d’une globalisation qu’elle ne supporte pas de maîtriser ; elle ne comprendra jamais les 8 millions d’euros de Forgeard, les nouvelles règles économiques ; elle sera toujours moquée pour sa balourdise économique et elle accompagnera toujours ses enfants dans le délicieux TGV qui les mènera au-delà des mers, vers ce Londres boursier décomplexé, vers les paradis fiscaux éhontés, vers l’Amérique où les gagnants le méritent et les pauvres n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

La France n’a pas inventé par hasard la Révolution. Elle ne se satisfera jamais du monde comme il va. Elle s’indignera toujours face à l’indignité humaine. On dit qu’elle râle ; elle est lucide. On se moque d’elle parce qu’elle croit aux utopies concrètes. Elle ne se satisfait jamais d’échouer. Quand elle gagne, elle veut gagner pour tous. C’est une rêveuse, dans un monde sans pitié pour les rêveurs. Vieux pays, interpellé de toutes parts par ceux qui ont cru en lui.

Voilà, cher ami, ma vision de cette France. En fait, cette France n’ose pas dire à quel point elle s’aime. Parce qu’elle est multiple. Parce que le sentiment amoureux est complexe. Haine et répulsion. Après avoir dit non à la soumission du pays, De Gaulle traitait les Français de « veaux ». Il a risqué sa vie pour un pays de « veaux ». C’est ça la France, cher ami, une épopée romantique…

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Depuis que j’ai obtenu la brillantissime note de 3 sur 20 en math au bac (il est vrai littéraire), je ne me hasarde plus aux projections arithmétiques. Mais une légère incongruité comptable me dérange : à écouter les estimations de report de voix venues de tous les battus du premier tour, le boulevard chiffré annoncé à Sarkozy ne me paraît pas aussi largement ouvert. Et sur mon boulier personnel, le score pressenti s’apparente plutôt au 51-49 annoncé par un institut qu’aux 54-46 martelés par les autres.

Je crois que le coeur de l’électorat de Bayrou penche plus fortement qu’on ne le croit à gauche. Dans le cas contraire, le Béarnais n’aurait pas obtenu un score aussi élevé. Ce qui est étonnant dans cette élection, c’est le rejet de plus en plus fort que provoque Nicolas Sarkozy, pourtant archi-favori. Une seule question se pose donc : aurait-il fait le plein dès le 22 avril ? Aurait-il gonflé au maximum la voilure de l’UMP ? A-t-il finalement moins de réserve qu’il ne l’imagine ?

Je désespère de croiser des personnes raisonnablement rassurées par le succès incontestable de Sarkozy, ces 11 millions d’électeurs qui doivent fourmiller dans les villes ? Où sont-ils ? Où se cachent-ils ? Allez, je mouille le doigt : je pense que si Sarkozy l’emporte, ce sera d’une courte tête…

Je pense que les zélateurs bayrouistes en ont marre des coups de menton comminatoires des portes-flingues de l’UMP qui intimident dans les régions les petits députés UDF ? Je pense que le seul moyen d’atteindre l’Elysée pour Bayrou aujourd’hui est de se démarquer rageusement d’un Sarkozy qui ne lui ressemble pas ! Je pense qu’il y a plus de points communs entre Bayrou et Royal, sur fond d’un delorisme enfin surplombant.

Je pense que la France a sa petite idée en tête. Le soir du premier tour, en sortant fumer une cigarette, je me suis donné une entorse de la cheville droite. Je m’appuie aujourd’hui sur la gauche. Un signe ? Tous mes potes m’ont dit : « c’est plié ! ».

Tous mes potes ont trouvé l’intervention de Melle de Ségolène un peu molle. Tout le monde a trouvé Sarko très pro. Tout le monde est allé chercher un sac plastique pour vomir en apercevant les factotum de France 2 lui tendre le micro dans sa belle bagnole.

Il y a comme une grande partie de la France qui ne veut pas de Sarko. Qui s’inquiète de ce profil instable, de cette animalité politique, de sa réthorique mensongère, de ses colères, de ses frustrations.

Il y a comme une grande partie de la France qui a très peur de lui confier les clés de la maison France pour cinq ans. Ressentez-vous cette peur ? Ce scepticisme ? Cette crainte indicible ?

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Nicolas Sarkozy serait-il le Garincha du politique ? Cette ancienne étoile du football brésilien avait l’habitude de dérouter ses adversaires par ses dribbles chaloupés. Et le président de la République semble lui avoir emprunté cette vista. Car le paysage politique français d’aujourd’hui présente un air étrange, presque surréelle. Et, connaissant mon Sarko sur le bout des doigts, je suis sûr que le festival ne fait que commencer. Bien sûr, nous ne sommes qu’au début du quinquennat, avec ce doux air euphorique légèrement trompeur. Mais je crois qu’une nouvelle époque s’annonce, que l’on pourrait nommer la diversité assumée, mais l’expression ne me plaît guère.

Je ne sais pas si le président a déjà commenté la réaction de Martin Hirsh au sujet de la franchise sur le remboursement des premiers soins. Martin Hirsh avait très fermement condamné cette initiative. Aujourd’hui, il confirme. Martin Hirsh ne rêve pas de prébendes. Ne fait pas de la politique pour l’alimentaire. Il veut aboutir à la mise en place révolutionnaire du Revenu de Solidarité Active, qui consistera à ce que chaque reprise d’emploi se solde par un surplus salarial pour les personnes confrontées aux minima sociaux. Il est allé voir Sarkozy. Et ce dernier lui a dit : « OK, on n’y va, on le fait ». Quand un journaliste courageux demandera au président ce qu’il pense de la réaction de Hirsh à la franchise médicale, le président dira à peu près la chose suivante : « Vous savez, Martin Hirsh est un homme remarquable. Je souhaite qu’il réussisse dans son action et je lui donnerai tous les moyens pour qu’il y parvienne. C’est un homme indépendant et je respecte ses convictions personnelles.

Au nom de quoi (ah, les fameux « au nom de quoi » de Sarko) le fait qu’un homme de gauche soit en désaccord sur certains points avec mon action m’empêcherait de trouver avec lui d’autres terrains d’entente ? Je vous le dis, Monsieur Hirsh ne sera pas déçu de son passage dans le gouvernement de François Fillon ». Je l’imite bien, hein ?

Amis de gauche, orphelins d’une gauche moderne, nous qui avons brocardé pendant des années « la droite la plus nulle du monde », pour ne pas dire autre chose, nous voilà confrontés aux mêmes reproches… Parce que l’ensorcellement sarkozyste touche tout le monde : j’écoutais Bernard Marris à Ripostes hier soir, économiste de renom, l’un des rares alter mondialistes qui ne ferait pas fuir un patron cinq minutes après le début de la conversation, face à Alain Juppé, ministre d’Etat. Hallucinant ! ! ! ! Il y avait une complicité ubuesque entre les deux hommes ! Comme si l’inconscient collectif de gauche trouvait dans une droite décomplexée des raisons de fascination. Et le rôle du vrai contradicteur revenait au chafouin Eric Zemmour, journaliste au… Figaro, et dont les interventions sont toujours pertinentes.

Et on peut multiplier les exemples : j’aurais aimé être une mouche pour voir la tête des responsables des associations environnementales à la réunion de préparation du Grenelle sur le sujet ! Rien, même pas une critique un peu poussive d’un vieux porte-parole maniant la langue de bois en ébéniste expert ! Ah si, j’exagère : il y a eu la réaction des Verts, accusant « le Grenelle de dupes ». Wouah, génial les gars, l’espoir renaît.

Et Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet du Président, qui tente au quotidien de débaucher les membres de la République des Idées, en leur faisant passer ce message : « Le Président ne pose aucune conditions à vos ralliements. Vos idées seront mises en œuvre ». On dirait le pays de Oui-Oui ou l’Ile aux Enfants de ma jeunesse.

Ouuuuuuuuuu la gauche ! Ouuuuuu… où es-tu ? Un ami me disait récemment qu’il ne comprenait pas la royalphilie, qu’il considérait Ségolène Royal comme la plus mauvaise candidate du PS depuis 1969 et les 5 % de Gaston Defferre !

Cher ami, je vais te dire pourquoi j’ai autant aimé Ségolène Royal et que je l’aime peut-être plus encore aujourd’hui : je me demande comment elle a pu mener une telle campagne dans un tel état de désolation programmatique, dans un tel état d’impéritie du PS. Depuis le lendemain du deuxième tour, c’est courage fuyons à tous les étages ! On annone de grandes théories sur la fin du cycle d’Epinay dont la France entière se fout (c’est où Epinay, c’est quoi ?). Pas un seul responsable courageux du PS qui se lève et qui dise : on va dans le mur, à toute allure et on mettra dix ans pour récupérer du crash. Mais qu’importe les gars, hein ? Sarko recrute essentiellement à gauche, à l’américaine, il pique les cerveaux que vous avez laisser pourrir dans vos concélébrations congressistes avec des macchabées de luxe : Michel Rocard, Jacques Delors, Olivier Duhamel… Trop has been, les grands hommes, trop honteusement sociaux-démocrates !

Finalement, le seul qui me fasse sourire aujourd’hui, c’est François Bayrou et ses acrobaties sidérantes et intenables sur ses 7 millions de fans qui vont fondre au soleil de la dure réalité de nos institutions. Cruelles institutions mais justes institutions car personne ne veut d’un retour à la IVè République et à ses majorités ingouvernables et inconsistantes ! S’il existe un vrai refondateur au PS, qu’il se lève et qu’il marche. Il ne risquera rien puisque le Parti socialiste n’est plus qu’une armée à la dérive.

Moi, je ne suis rien, qu’un dispensateur d’énervements, mais j’en ai marre de voir la droite récupérer un Martin Hirsh dont le seul rêve était de venir en aide aux pauvres dans un gouvernement de gauche. Mais la route est bouchée de ce côté-là. Il a pris l’itinéraire bis. Les bénéficiaires potentiels des solidarités actives qu’il aura su mettre en place ne lui en voudront pas.

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Je n’aime pas les anti-quelque chose. Un vieux reste sans doute d’éducation chrétienne qui tendrait à me persuader, face à chacun de mes semblables, même dans les situations les plus répugnantes, que chacun d’entre eux est prédisposé à la philia, l’amour de l’autre.

J’ai souvent été contredit par mes apriorismes, mes dégoûts intuitifs. Face à l’homme, il faut toujours travailler à éviter de révéler le pire de sa personnalité. Je n’ai goûté que très modérément le numéro de Marianne sur le dévoilement « scoopétique » de la personnalité de Sarkozy.

Journaliste, je n’aime pas ces journaux qui se laissent déborder par le style, où les menues infos sont montées en neige et retombent quand la trépidation rhétorique s’éloigne. Je n’achèterai pas plus Charlie Hebdo car l’outrance satyrique m’empêche de goûter à la saveur de la recherche de la vérité.

Je n’étais pas un anti-sarkozyste primaire. Après la lecture du portrait de Nicolas Sarkozy par Michel Onfray, dans son blog de L’Obs, je le suis devenu, aussi naturellement que l’on se rafraîchit la bouche d’une gomme de menthol après avoir vomi. Ce que dit Onfray des conditions dans lesquelles Sarkozy a tenté de l’intimider avant son entretien dans la revue Philosophie magazine où le masque de l’homme est tombé est tout simplement stupéfiant.

Que les ego surissent dans les sphères surdimensionnées du moi, que l’autosatisfaction abcède lorsque, tous les jours, autour de vous, des carpettes vous cirent le bon profil, qu’une dangereuse mythomanie vous gagne lorsque l’on vous convainc que vous avez été choisi pour accomplir une mission christique n’est pas une révélation monstrueuse sur le détachement pathologique qu’affichent ceux qui prétendent à la plus haute fonction de l’Etat.

Etre l’opérateur d’un Tout lorsque l’on n’est rien d’autre qu’un homme, vouloir sans pouvoir, peut déformer le sens de la réalité. Mais ce qui est plus inquiétant chez Sarkozy, ce n’est pas tant le marmitage d’humiliations qu’il déploie face à ceux qui le contredisent, qui ne comprennent pas l’impérieuse divinité de sa mission, mais sa souffrance. L’homme souffre à l’évidence d’un complexe de supériorité dont il ne tire au final qu’un bénéfice très limité.

Sarkozy a un défaut majeur en politique : sa vision binaire du monde. Pour lui, il y a le blanc et le noir, le Bien et le Mal et tout le reste, c’est-à-dire la majorité, n’est que l’espace de confrontations stériles des experts qui essaient de dénouer l’écheveau de ce qui dysfonctionne. Pour lui, la règle s’impose à tous et lorsqu’elle est foulée au pied, l’auteur du dérapage doit être sévèrement puni. Dans sa tête, le monde serait naturellement lumineux, les chômeurs seraient naturellement fainéants, les délinquants naturellement mauvais et s’il avait eu Jean-Jacques Rousseau en face de lui, il l’aurait laminé d’acidités.

Souffrirait-il de la sauvagerie de celui qui s’est construit seul et qui ne comprend pas que les autres n’aient pu le suivre ? Pour lui, Jaurès n’est pas ce grand homme politique qui accusa d’un doigt pointeur les dérives d’une économie inhumaine mais l’homme de l’autorité morale, supérieure, du travail. Il doit sincèrement aimer l’ouvrier qui ne rechigne pas à la tâche ; l’ouvrier rendu muet par l’hystérisation de ces conditions de travail, l’ouvrier abruti par les luttes sans relâche qu’il mène pour surmonter l’accroissement de l’insécurité des parcours professionnels.

Pour lui, la seule vertu, c’est celle de la plainte contenue, de la morale de l’écrasement, du rapetissement, du bonheur subi (ce qui est contradictoire) et non choisi. Sarkozy exècre la gauche parce qu’elle rappelle les évidences qu’il se refuse de voir : la lobotomisation induite par les nouvelles règles de production économique, prisonnière de flux, esclave du temps, sommée sans cesse de se transformer pour appréhender un tant soi l’imprévisibilité de l’horizon du marché.

Pour Sarkozy, se plaindre, c’est faillir moralement. Pour Sarkozy, se suicider, c’est un peu de sa faute, pas celle d’une société qui marche la tête haute pour que les entreprises n’aient pas à se préoccuper des futilités exprimées par le vulgum pecus. Ce qu’a vu Onfray est « glaçant », pour reprendre l’expression de François Bayrou. Il a vu un homme en souffrance, à la culture parcellaire, annôneur de fiches, authentique lorsqu’il dit sa propre souffrance, qu’il a surmonté à grandes louchées d’hyperactivisme pour prendre une revanche sur les humiliations qu’il a subies et dont il ne perçoit plus, très étonnamment, la contemporanéité.

Oui, Sarkozy avance le Kärsher au poing pour laver la France de l’honneur d’essayer de comprendre encore et toujours pourquoi les évidences sont toujours trompeuses. Dans le monde idéal de Sarkozy, il n’y a que sa propre souffrance qui mérite d’être respectée.

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A l’approche de l’élection présidentielle, les peurs françaises se précisent. Peur d’une rupture trop cassante avec Nicolas Sarkozy. Après avoir dragué les eaux de gauche (Blum, Jaurés, etc.), le candidat de l’UMP recentre sa stratégie sur le cœur de cible naturel de la droite française : la patrie, la lutte contre tous les désordres, la guerre faite aux fauteurs de troubles, inexcusables, le martèlement de la valeur travail, laissant supposer que ceux qui ne travaillent pas ne le veulent pas, qu’ils s’arrangent avec l’assistanat.

Le but inavouable de Sarkozy est d’ignorer les causes des maux ou de les minorer. Les assistés sont dans l’œil du viseur, les marginaux doivent rendre des comptes, les délinquants ne doivent recevoir qu’une réponse répressive de l’Etat…

Peur d’une inadaptation congénitale du discours de Ségolène Royal. Après un démarrage en fanfare, ébréchant un à un les tabous d’une gauche empoussiérée, la candidate PS aurait mis en sourdine sa volonté initiale de transformer la gauche de l’intérieur en créant simultanément un élan humain mais autoritaire, une France juste mais attentive aux plaies d’un libéralisme nécessaire provoquant cependant de la casse dans les couches sociales les moins préparées à sa force tsunamigénique.

Peur du pari osé d’un François Bayrou visant l’épanouissement d’un centre pour une thérapie équilibrée d’un pays fragmenté, en plein doute sur ses possibilités de rebondissement. A l’échelle de Richter de la prise de risque, François Bayrou est sans doute le plus actif mais il ne peut se débarrasser du jour au lendemain de l’instinct stratégique qui habite les démarches les plus audacieuses. En fin historien des mouvements politiques, il sait que les tenants des refondations ont mordu la poussière dans des aventures les propulsant dans l’anonymat des désidéologisations avortées. Peur, donc, ici encore, d’une impasse, d’une aventure sans lendemain, d’un rêve au réveil trop brutal.

Peur enfin de Jean-Marie Le Pen. Quelques indices auraient du nous alerter, comme ces études sérieuses attestant que les Français ont de moins en moins de scrupules à se dire racistes ou encore celle du Bureau international du travail montrant que la discrimination à l’embauche à partir de la couleur de la peau ou des caractéristiques typées des noms propres se renforce. Le Pen a détabouïsé le racisme ordinaire. Pour faire reculer la lepénisation des esprits, il eut fallu que la future ex-présidence entraîne la France vers un meilleur respect de ses diversités, cette France qui n’est pas seulement en bleu-blanc-rouge (la voir ainsi relève d’une pathologie daltonienne).

Cette campagne confronte finalement la France, très intéressée par la qualité des débats, à deux phénomènes : l’hésitation et le pragmatisme. Hésitation quant au choix de l’avenir. Pragmatisme affiché pour un choix authentique qu’elle sera amenée à faire : l’enfermement ou l’ouverture, le statut quo ou la réforme, rapide, nerveuse, tourneboulante.

Si Le Pen est encore au deuxième tour, il faudra cesser de faire de la politique comme avant. Parce que Marine Le Pen sera encore plus efficiente dans la stratégie de normalisation du FN que son père. Alors, cette France qui ploie mais ne craque pas, cette France bourrée de vitamines associatives, de créativités humaines mais qui ne sait à quel saint se vouer, dans quel état sera-t-elle au lendemain du 5 mai, après une énième crise de nerfs ? Qui sera le plus légitime pour lui administrer le traitement qu’elle attend depuis plusieurs années ? Qui lui permettra de sortir de la nasse de son « iréformabilité » ?

Crispée, atteinte d’un syndrôme obsidionnal lourd, la France patauge-t-elle aujourd’hui dans un climat pré-insurrectionnel, qu’une simple étincelle pourrait faire flamber, avec les conséquences dramatiques que l’on imagine ? La France sera-t-elle le premier pays riche de l’amorce d’une Révolution qui se répandra à la vitesse du TGV ? C’est cette France des peurs qui se présente devant l’isoloir les 22 avril et 5 mai prochains et, franchement, honnêtement, personne ne peut prédire aujourd’hui ce qu’il en sortira…

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