L’air du temps est à la refondation au Parti socialiste. Les quadras n’hésitent plus à insister sur une révolution interne radicale. Reste à en définir les contours. Face à ce chantier nécessaire, les premières difficultés surgissent immédiatement.
Les caciques locaux accepteront-ils de lancer de nouvelles têtes sans remettre en cause le système sécurisé sur lequel ils assurent, bon an mal an, leur renouvellement ? Accepteront-ils d’intégrer la dynamique conceptuelle des nouveaux adhérents, celle qui a permis à Ségolène Royal d’assurer son succès lors des primaires pour la désignation du candidat à la présidentielle ? Accepteront-ils la remise en cause de cette gestion à la papa en vigueur depuis de nombreuses années dans les baronnies socialistes, qui accordent sa préférence aux dynasties, aux cooptations franc-maçonniques, pour assurer la relève (je ne parle des personnes, j’accuse le système) ? Accepteront-ils enfin de mettre un terme au laminage des élites intellectuelles, censées incarner le primat d’excellence de la gauche sur la droite ? Accepteront-ils les Rachida Dati de gauche ? Leur réserveront-ils le même sort qu’à Malek Boutih ?
Il faut lire autre chose qu’un simple opportunisme dans l’ouverture à gauche voulue par Nicolas Sarkozy. Cette dernière s’appuie en premier lieu sur une vision idéologique panoptique de la maison France. Cette dernière reste profondément divisée en son cœur entre deux pôles : une fascination mal feinte pour les réussites du modèle anglo-saxon (plein emploi, capacité à relever des défis supposés inatteignables) ; une crainte sous-jacente de la solidité du modèle social gaulois face à une mondialisation qui, lorsqu’elle est intelligemment décrite, pointe immédiatement les fragilités du dit modèle (financement des retraites, compétitivité des entreprises à l’international).
Cet état d’angoisse généralisé a jeté les bases du social-libéralisme rénové que souhaite promouvoir Nicolas Sarkozy. D’où la volonté de ce dernier d’élargir la base des valeurs d’un éventuel succès de sa démarche. La culture de la réussite qu’il souhaite promouvoir ne peut se concrétiser dans l’opposition entre les deux France, celle qui ne tire pas profit des avantages de la mondialisation et celle qui assure qu’en débridant l’esprit d’entreprise, les pauvres bénéficieront aussi des retombées positives de la nouvelle donne économique.
Disons le tout net : cette démarche est séduisante. Sera-t-elle opérationnelle ? Les premiers échanges entre les syndicats et François Fillon (peut-être plus autoritaire sur le coup que son patron) laissent augurer un temps plus long que prévu pour qu’un climat social de confiance puisse entraîner l’instillation des réformes souhaitées par Nicolas Sarkozy. A moins que (l’hypothèse est peu évoquée) l’impérialisme idéologique sarkozyste naissant parvienne à se dispenser de syndicats qui ne représentent au final que 8 % des salariés français.
Ne nous cachons pas la réalité : face à ce rouleau compresseur, le Parti socialiste n’a qu’une seule voie à explorer : celle de sortir de sa pleutrerie conceptuelle, celle de l’humilité, d’un grand coup de Kärcher (pardon) sur les totémismes antédiluviens. En l’état actuel, le Parti socialiste ne manque pas de talents. Mais il en existe aussi beaucoup à l’extérieur. Des quadras, formés au rejet du monarchisme mitterrandien, pour lesquels l’action politique s’arrime sur le concret (l’insécurité, la sécurisation des parcours professionnels, la priorité donnée à une école de la République plus soucieuse des enfants les plus exposés aux dérives sociales, etc).
Qu’a fait Nicolas Sarkozy ? Il a siphonné les idées de gauche, leur a donné une carnation concrète. Ne parlons plus d’utopie, profitons des extraordinaires ressources du champ associatif, libérons les énergies innovantes, donnons à tous les hommes de bonne volonté la possibilité de vivre leurs rêves, d’entreprendre, quitte à se planter, pour ne pas entrer dans la vraie vie à reculons, avec pour seul objectif de s’accrocher aux branches les moins branlantes de l’avenir. La France est aujourd’hui atteinte d’une forme aiguë d’asthénie. Elle a peur de faire. Elle a peur de se libérer. Quel gâchis !
Si le Parti socialiste reste en l’état, si le profil du futur élu est lié à son hérédité, si les nouvelles générations ne sont que des duplications plus fades des futures anciennes, si faire de la politique c’est uniquement apprendre par cœur des fiches joliment rédigées pour les ânonner en meetings, alors oui, le sarkozysme a de l’avenir devant lui et le Parti socialiste se transformera piteusement en centre de formation des futurs cadres de l’UMP.
Chère Ségolène Royal, je reste à ton entière disposition. Messieurs de Solférino, je baigne dans le mauvais jus de l’improductivité. J’attends votre appel. Et merde pour cet élan narcissique (je ne serai jugé que sur les résultats), merde à ceux qui me jugeront mytho (ils n’ont qu’à aller écouter quelques réunions publiques d’élus socialistes de terrain pour se rendre compte qu’ils sont incapables de faire vibrer la moindre envie), merde de laisser le champ libre à la médiocratie du PS !
when they say it’s ove. Ulf Raharjo.