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Archive for février 2007

La maîtrise du temps. Il faut relire Jean de la Fontaine pour gagner une élection. Partir à temps, tenir la distance, occuper le temps qui sépare du jour J, distiller du positif dans le dispositif histrionique de la campagne. Doser : être là sans être dans l’hyper-là. Millimètrer : être dans la conséquence tout en montrant aux caméras voraces du symbole capteur de sens. Erigés comme des balises votantes, les cerveaux de Le Lay sont impitoyables. Ils jugeront sur des riens, de menues choses. Débats en spectacle, le sérieux césarisé : trouver la formule pour les cossards, l’ordre juste, la rupture tranquille, quand la vague part, elle ne s’arrête pas. Petites nourritures terrestres. Notre paresse intellectuelle a inventé les conseillers en com’. Les embaumeurs de contenus. Strip-tease des apparences. Ne pas montrer tout d’un seul coup. Ecouter les vagissements du peuple. Se référer aux inaptitudes collectives. Mener campagne comme un bimbelotier : l’important n’est pas l’objet à vendre mais la manière de le montrer.

La caricature est un art de la persuasion. Les vrais programmes sont au-delà des flonflons de la foire cathodique. Face à l’écran total, il faut vendre l’enveloppe lumineuse. Après, les énarques reprennent la main. La démocratie participative reflue. L’illusion majeure de la démocratie, c’est de laisser entendre que tout le monde est au même niveau de compréhension. On se console en rappelant que l’essentiel est de créer un rapport charnel entre un homme et le peuple. En partant de cette hypothèse, Zidane devrait se présenter à la présidence de la République et accueillerait les chefs d’Etat étrangers en faisant vibrer le cuir sur le perron de l’Elysée.

Le dysfonctionnement génétique essentiel de notre démocratie a été repéré au niveau local. Prenons la loi SRU sur le quota de 20 % de logements sociaux dans les communes : le non-dit est lié au fait que la majorité de la population ne souhaite pas éprouver l’expérience de la mixité sociale. Pour être élu, dans les périphéries des grandes villes, les maires, de gauche comme de droite, n’ont qu’un seul argument à faire valoir, l’engagement de ne pas construire des HLM, porteurs de désagrégation sociale. C’est pour cette raison que l’Etat, dont on fait mine de croire qu’il est entouré d’un halo de neutralité, se contente de donner quelques coups de menton comminatoires en direction des maires adeptes du statut quo. S’il usait d’une plus grande autorité, c’est l’essence même de l’autonomie des libertés locales qui serait atteinte. Dans les villes qui luttent contre le SRU, les maires sont réélus à des hauteurs de barre d’immeubles. Les maires ne sont que les révélateurs de nos inconscients collectifs.

Pourquoi ? Parce qu’en matière de politique de la ville, il faut se battre continûment, sans trop se poser de questions. La politique de la ville, c’est le service de soins intensifs de notre pacte républicain. C’est un corps fracassé qui arrive aux urgences et qui n’est pas prêt d’en sortir. Le révélateur de tous les échecs.

Il ne faut pas moquer le local. Ce serait trop facile. Le local, c’est le travail politique à mains nues. C’est recevoir vingt familles dans la journée réclamant un logement alors qu’il n’en existe pas. Il existe bien sûr des guerriers, conquérants de plus de justice. Mais ils se heurtent souvent au rejet de ceux qui ont réussi à se tirer d’affaire et qui en ont marre qu’on accuse leur talent ou leur savoir-faire, qui se barricadent loin d’un monde qui soupçonne en permanence cette réussite. Voilà l’état de fragmentation de la société française qui s’enferre depuis des décades dans ce face à face rugueux.

Exceptionnellement, je ne parlerai pas de l’état d’avancée des négociations avec le staff de Ségolène. Non par pure superstition mais par manque d’inspiration.

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C’est la rase campagne. Le pire moment d’une campagne, celui qui consiste à dire ce que l’on ne croit pas vraiment, où il faut manier la caricature pour estoquer, faire le rodomont pour toucher juste.

Sarkozy et Royal ont compris qu’il fallait jeter quelques clous au passage du cortège Bayrou, dernier chouchou de la France d’opinion (après Royal, d’ailleurs…). Alors, ils dénaturent le propos, donnent une importance au détail. C’est le moment, chers lecteurs, vous qui partagez comme moi la haine de la spéciosité, de prendre un peu le large, de lire les bons dossiers des journaux payants qui se meurent, d’interroger vos certitudes et non de les conforter en comptant les horions du front.

Ma femme me disait hier soir : comment tu as trouvé Bayrou ? Bien… Très bien, même… Est-on esclave d’un choix politique ? Doit-on être obligé, à partir du moment où l’on a déterminé ce choix, de s’y accrocher comme un affamé ? Ma liberté de penser m’empêche-t-elle de trouver Bayrou courageux, Besancenot nécessaire, Bové en léger mieux, Voynet en pleine possession de ses convictions et Dupont-Aignan en parfait équilibre sur la rupture gaullo-libérale de l’UMP ? Serai-je donc de la race des ovidés que l’on nourrit au même grain de l’ORTF depuis des années ? Ma Ségo attitude, que rien ne désarticulera, parce qu’il faut savoir faire un choix dans la vie, s’inscrit-elle dans un si piètre étrécissement du champ du débat ?

Ma chérie, je ne vais pas passer des heures à essayer de dégoter des arguments forcément brinquebalants sur l’inefficacité de la suppression des charges pour les deux premières embauches. Tous les patrons attendent ça. J’aurais bien mauvaise mine à lever le doigt au milieu d’une évidence et de dérouler, du haut de ma méconnaissance, une contre-offensive en toc…

L’honneur d’une démocratie est de renouveler, tous les cinq ans, l’exercice difficile mais nécessaire d’un choix pour l’avenir. La voix d’un poète écorché et celle d’une mémé qui dit oui, qui dit non, la voix de Barthez et de Houellebecq, la voix de Jean Daniel et de mon père, la voix de ce gros (…) qui m’a doublé tout à l’heure à 170 k/h et de cette délicieuse Roumaine que mon regard a croisée et qui fait regretter fortement l’imperméabilisation de nos frontières, cette jolie diversité pensante ou ruminante, aigrie ou dynamique, perdue ou retrouvée, formera la solidité d’un pacte, l’aspiration d’un peuple.

Sentir au plus près les entrailles du peuple. Ne pas se croire détenteur d’une vérité absolue. Avoir des convictions, certes, les défendre sans caricature, sans avancer le moindre contre-argument qui n’ait fait l’objet d’une vérification scientifique, sinon, on reste au niveau de la mondanité, qu’elle émane du Fouquet’s ou du Bar de la Plaine, c’est-à-dire un vague échange sophistique, où les grandes gueules l’emportent, où les torsions conceptuelles s’évident dans le temps inutile qui passe.

Là où Bayrou se trompe, c’est dans le film qui suivrait son hypothétique victoire. Il se trompe et le sait. Rien que pour voir le thriller des législatives, on aimerait bien qu’il l’emporte, finalement. Je suppose qu’il présenterait des candidats sous le label Majorité présidentielle. Mais la débipolarisation qu’il appelle de ses vœux passera-t-elle l’épreuve de la proximité ? Dès que l’on descend au niveau du local, d’autres éléments entrent en ligne de compte : la qualité du travail d’un élu, qu’il soit Vert, Rouge, Rose ou Bleu ; le réflexe de proximité connivente, de reconnaissance au travail effectué. En cas de victoire de Bayrou, je parierai bien volontiers sur un panache rose à l’assemblée nationale (car il y a deux dynamiques dans cette campagne, celle de Ségolène Royal, de reformatage du disque dur du projet socialiste, et celle de Bayrou, prônant l’intelligence des transcourants).

Et justement parce que Bayrou assure, depuis plusieurs semaines, que les Français sont intelligents : il ne faut pas sortir de Sciences-Po pour sentir que c’est à gauche que l’éventuel fléau de la balance politique du centre devra se déplacer pour atteindre son pari. Et les Français, grands joueurs, lui diront « chiche, François », v’là une bonne majorité de gauche pour ce centre qui a toujours été un centre-droit. Ils testeront la sincérité de la démarche de l’hyper centre que prône Bayrou.

Aucun coup de fil du QG de campagne de Ségo. Les nombreux messages d’encouragement que je reçois (5 à ce jour) me poussent à poursuivre le combat. Dans un film dont j’ai oublié le titre, Sean Penn regarde l’écran de télévision et parle au président de la République des USA parce qu’il a le sentiment que Nixon, je crois bien qu’il s’agit de Nixon, l’interroge.

Quand Ségo parle de libérer les énergies et les intelligences, je cherche la planche de salut de ma diachronie, comme l’écrit merveilleusement l’indispensable philosophe, Bernard Stiegler. Diachronise-moi, Ségo !

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L’art du mouillage. Puisqu’il faut se mouiller, sautons à l’eau, tout habillés de nos certitudes. Désapons les prudences, osons les pronostics.

Je ne pense pas que Bayrou sera au deuxième tour. Il lui manque la fougue tribale d’un Le Pen, la puissance utopique d’un monde passé au kärsher, blanc comme la neige du Kilimandjaro.

Sarkozy sera le représentant de la France quatrième ou cinquième puissance du monde. La France établie, celle qui restera à jamais convaincu que les Rmistes sont des cossards et que le Cac 40 est l’ectasy de la démocratie.

Royal a l’autorité douce de la mère, celle qui peut encore prendre la main d’un fils adulte monté sur 1m90 et le ramenait à la justesse heureuse de l’enfance.

Le Pen n’est pas en forme, distribue moins de foin haineux à la France des beaufs, celle des bars où le monde entier est une enfilade de paranoïas.

Besancenot parle juste, jamelisé par le profit insultant.

Laguiller fait son jubilé, son tube « travailleurs, travailleuses » se vend moins mais elle me manquera.

Dupont-Aignan n’est pas mauvais, franchement. Il est la Taubira de 2002 à droite. Respect.

Bové est pathétique.

Buffet expédie les affaires courantes, le PC est fermé de l’intérieur.

Voynet a du cran.

Nihous nous fait regretter Saint-Josse.

Au deuxième tour, malgré la branchouille Bayrou annoncée, je coche donc un duo Sarkozy-Royal avec une Royal l’emportant, contre toute attente, lors du débat télévisé.

Il est costaud, Fabius. Souvenez-vous, il y a quelques mois, s’interrogeant sur la garde des enfants du couple Royal-Hollande. Quel talentueux rétropédalage a-t-il du opérer pour exprimer sa dernière révélation divine, la Royal attitude. La fabusie est une administration française, avec élus, cadres énarchisés, belles mécaniques de think thank bien huilés.

La trajectoire flottante et vicieuse de la campagne de Royal affole légèrement ces femmes et ces hommes habitués aux notes rigoureuses, aux appréhensions franches des réalités de la France. Le problème de Fabius, c’est lui. Il appartient à ces hommes supérieurement intelligents qui méprisent tout le reste, sauf eux-mêmes.

J’attends avec impatience le meeting de Jospin. Si mon jospinisme a débandé ces dernières semaines, je dois reconnaître une fascination immarcescible pour l’homme de 1997.

Ségolène sera à Marseille prochainement. Elle me fait patienter, c’est une coquine.

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Trahi par Yves Calvi. Souffrant d’une acalculie sévère, j’ai fait confiance à l’excellent Yves Calvi qui situait il y a quelques jours le 22 avril à moins 60 jours. Je ne savais pas que nous partagions ensemble cette pathologie. Le chrono rétabli, j’espère que je ne me suis pas planté. Sinon, ma crédibilité sera définitivement atteinte.

La désorientation. Pour les ségophiles, il est pénible de lire le dossier de la semaine de L’Obs. A chaque ligne transpire le doute sur elle. Comme je le craignais, le soufflet Ppdaesque serait presque déjà retombé. On pressent comme une bayroutisation de la gauche. Une envie, une nouvelle fois, de renvoyer le PS à sa nécessaire réforme. Un PS en sursis. Ainsi donc cette opinion qui a porté le phénomène Royal serait définitivement habitée par le scepticisme. Comme si l’excellente prestation Ppdaesque n’avait été qu’une divine surprise dans une concaténation de broutements, d’hésitations. Comme si le rappel des éléphants était une bourde de plus. Comme si Lionel Jospin incarnait à sa manière, involontairement, très injustement, le dépassement du PS. Comme si la gauche n’avait pas réussi à poser le cadre clair d’une perspective d’avenir alors que Sarkozy a été l’un des actifs ministres d’une droite sanctionnée en 2004. Comme si la France votait définitivement avec les tripes à l’air, dans un air de bombance. Comme si elle ne croyait plus à la politique. Comme si la France était un ensemblier rouillé d’ego en goguette. Un air vicié de fête du désespoir. Une désespérance enchantée, une dernière coupe de champagne avant le crash. Comme s’il fallait être économe pour réussir alors qu’il y a tant de deniers publics à mobiliser pour panser les plaies du pays. Comme si le discours gnangnan, populiste, intenable, d’une confrontation démocratique sans droite ni gauche était possible. Comme si la vie politique était un logiciel, sans choix, un surplace de non-choix. La France aurait donc décidé de ne pas choisir. Comme si la démocratie n’était plus la confrontation de projets mais la dilution de bonnes actions, comme les Sicav, un peu de zone Europe, un chouia de zone Asie, etc.

Cette campagne flirte en permanence avec l’irrationnel. Petite incursion de Sarko en banlieue. On dirait une opération spéciale de la DST. L’incrustation d’un ami puant à une soirée où il n’a pas été invité. Lamentable dérive politique. Sarko doit pouvoir se rendre où il veut. Celui qui voulait effacer, tel Mandrake le magicien, les zones de non-droit demande à ses troupes de les comptabiliser pour ne pas l’envoyer au casse-pipe. Qu’a fait Ségo pour faire autant douter ? Avez-vous entendu parler DSK de l’Europe ? Avez-vous entendu Lionel Jospin de la place de la France dans le monde ? Avez-vous goûté aux fougues oratoires de Laurent Fabius ? En quoi, soudainement, ces hommes porteurs de sens seraient-ils devenus les symboles d’un rejet

Faut-il désormais, comme le fait simplement un chroniqueur d’Arrêt sur image, l’émission de Daniel Schneiderman, confier aux neurologues le soin de nous guider dans le maquis baroque de cette campagne. De nous montrer comment un geste, un éclair mutin de la pupille, un buste avancé, un sourire entendu, une conviction démagogique martelée, un échec retentissant retourné en succès d’estime, une frugalité budgétaire élevée en parangon de vertu, une claque, une caresse à la crinière d’un cheval, une main posée sur le bras malade d’un homme en fauteuil, une rose enlacée à un pied fétichiste, les perles maintenues suspendues du grand zapping des images, comment un menu détail fait campagne…

Bref, une élection de reflets, où la musique des projets compte plus que la justesse des idées, où la manière d’enchanter le futur cache les modalités de construction de son apparition. C’est le grand barnum des apparences. Le bise de Jospin à Ségo compte plus que l’analyse de la performativité des contrats de travail. Les intellos ont disparu. Les notes s’ensablent dans le rythme des campagnes. Vite, une usine pour aller tâter de la misère ouvrière. Vite, des femmes pour faire pleurer sur les violences conjugales. Vite, vite, de l’image éjaculée pour que nos cerveaux captifs absorbent la forme au JT agité de larmes.

Et cette journaliste qui demandait à Ségo : vous êtes habillée en blanc aujourd’hui… Eh, oui, il fait beau, hein. Et ça a fait Sciences Po tout ça… Prochain livre de la journaliste politique : du primat vestimentaire dans le succès électoral ? N’est pas Rimbaud qui veut, ma belette ! A quand la publication quotidienne de la tenue vestimentaire de la candidate ? Et cette meute journalistique qui souligne le fait qu’elle joue de sa féminité ; ah, je hais ses propos à la con. Comme si Ségo était allée voir un relookeur pour doper la campagne. Comme s’il fallait qu’elle se sape avec une blouse récupérée auprès de ma grand-mère pour la jouer je ne sais pas quoi d’ailleurs. Comme si tout était doute, l’universalisme du doute, le vote du doute. Mon moi doute, nous doutons et, au beau milieu de ce vagissement collectif, l’effet rock’n’roll du flash.

L’image tue à petit feu la fierté de l’intelligence. L’image tue à petit feu le respect de l’effort. L’image nous tue. Cette élection, chers amis, je vous le dit, se jouera la veille au soir du 22 avril. Un bon petit acte d’incivilité monté en neige par la téloche. Une caresse de cheval. Une gifle à un gamin, si possible issu de l’immigration, ça s’imprègne plus vite dans nos cerveaux hétérophobes. Ségo qui fait traverser une vieille à un passage clouté. Sarko qui récupère tous les scooters volés des gamins de Neuilly. Bové puni de tabac à pipe dans sa cellule. Etc.

Puisqu’on en est là, pourquoi ne pas demander à Julien Lepers de trancher les débats dans un spécial Questions pour un champion. Top ! Quelle température faisait-il lorsque l’Abbé Pierre lança son célèbre appel au creux de l’Hiver 54 ? Top ! Quel est le nom du cheval de Bayrou ? Top ! De quelle couleur était le tailleur de Ségo lors du meeting de Trifouilly-les-Oies ? Top ! Combien mesure Nicolas Sarkozy ? Top ! Bruno Mégret s’est-il vraiment réconcilié avec Le Pen ? Top ! top ! ploc ! Je vous en supplie, donnez-moi du Jospin, du Juppé, du DSK, du Giscard, du Delors. Je veux ma dose d’intelligence. Pas du subutex.

Au sujet des contacts avec Ségo, j’ai une copine à moi qui fait partie de la Star Academy, Yvette Roudy. J’ai animé deux colloques avec elle, elle est redoutable, vive. J’ose avouer, en rougissant un petit peu, qu’elle a apprécié mon travail, enfin, c’est ce que l’on m’a répercuté, mais pas des gens que je connais, des gens éloignés. Yvette, si tu m’entends… A demain, si vous le voulez bien…

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Il a raison, Eric Besson. Il ne faut pas être trop dur avec les éléphants. Faut savoir cajoler leurs trompes. L’éléphant est un animal mythologique. Respectueux. Le retour de la race Jospin, dont on craignait qu’elle soit définitivement menacée, est-il le signe que Ségolène a déjà gagné la bataille intérieure du parti, qu’elle est devenue une redoutable dompteuse d’éléphants ? Espérons-le.

Pour une femme dont il est quand même devenu de plus en plus difficile d’accuser la vacuité, je trouve qu’elle adopte une démarche stratégique que les élèves de Saint-Cyr ne renieraient pas. Car les éléphants ont de la mémoire : ils pressentent qu’en cas de victoire de la Ségo, ils devront pénétrer avec tact dans le magasin de porcelaine de l’Elysée pour faire leur amam.

Au-delà de la présidentielle se profilent les législatives et tutti quanti et les éléphants, soucieux de leur immortalité, ne veulent pas que le troupeau se décime. D’ailleurs, autour de moi, après la prestation Ppdaesque, je note de nombreuses conversions venues des pôles éléphantesques. Pour l’heure, l’implosion-reconstruction du PS autour du ségolénisme est un modèle du genre.

Je fais vraiment très court aujourd’hui parce que j’ai quelques obligations personnelles (ça arrive encore). Comme je le redoutais, je ne fais pas partie du staff de Ségo. O rage, ô désespoir ! Qu’importe, c’est ma traversée du désert.

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Il y a, dans chaque ressenti haineux, un risque fort de dérapage. Comme si le flot de la colère submergeait ce qu’il est essentiel de sauver, la force de ses convictions, la force de ses engagements, la croyance qu’au-delà des dénaturations ressenties, l’idée que l’on se fait d’une société surplombe le reste, la conjuration des imbéciles, les faquins du système, etc.

Cet exercice, Eric Besson l’a raté. Sa dignité est belle à lire, elle est celle à laquelle je me raccroche quand les scories du système étouffent. Le départ d’Eric Besson n’est pas un drame parce ce que l’on se souvient toujours de ceux qui restent. Il s’accorde un droit d’auto-inventaire en rase campagne, sans doute justifié, et prend le large. Mais l’espèce de résipiscence dont il témoigne à l’égard de Sarkozy, après avoir mené une étude éclairante sur le garçon, au sein de son désormais ancien parti, sur le bilan du ministre de l’Intérieur, vient plomber la dignité respectueuse de son départ.

Comment accepter l’idée qu’il envisage aujourd’hui, peut-être, de ne pas voter Royal. Comment ne pas distinguer dans l’aveuglement de la haine les crétins qui ont eu sa peau et l’essentiel, une gauche en pleine rénovation, soucieuse de réalisme, d’arrimage de son projet au monde tel qu’il est. Bien sûr que Sarkozy est respectable dans son entièreté idéologique. Mais, cher Eric, que faisais-tu au PS depuis plus de dix ans ? Espères-tu réellement que Sarkozy batte Royal ? Méprises-tu à ce point la force empathique ressentie lundi soir face aux Français à la suite de la prestation de Ségolène ?

Oui, je comprends les affolements des anciennes écuries. Ce sentiment fou d’être spolié d’un patrimoine. Cet arrachement douloureux au logique de dominos, tendrement bercée par quelques alternances, se satisfaisant de petites retouches à la marge, de longues discussions partenariales sur les soutiens à venir, les repas de cadrage avec les Verts, les Rouges, les Incarnats, les Autres gauches. Le ronron de la gauche plurielle. Je te kife une circo, tu me sauves une quinzaine de cocos, etc. Ce temps est fini. La voie Royale reconstruit la gauche sur d’autres aires, s’éloignant des suicides idéologiques, des pincements de nez languedociens. Les cadres du PS sont dépassés. Le peuple de gauche est déjà ailleurs.

Si Ségolène Royal l’emporte, elle aura eu à affronter tous les vents contraires du nouvel espoir qu’elle incarne. Les résistances affolées de son propre camp, ce sentiment obscur que quelque chose échappe aux éléphants, une certaine haute idée d’eux-mêmes, une incapacité psychologique à se réinterroger, les moqueries de la droite, ce qui est plus normal, une floraison d’épithètes sur le vide supposé de ses propositions. Les cadres du PS sentent que le parti leur échappe et ils s’affolent. C’est une histoire pathétiquement humaine.

Il faut faire court m’explique certains internautes. Donc, je coupe. De toute façon, je ne suis pas d’humeur. A la prochaine heure de vérité de Ségolène, qui surgira du bois pour casser l’élan ? Kouchner ? Certains cadres préfèreraient-ils sa défaite à la sauvegarde des acquis locaux, au ronronnement du surplace ?

Toujours aucun contact avec le staff de campagne de Royal. Je dois être aussi conseillé par un mauvais Jiminy Criquet. Je change mon équipe de campagne. Je devrais prendre directement contact avec le staff. Si ça continue, je vais faire une conférence de presse.

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Connaissez-vous Nadia Brya ? Je me lève tôt ce matin avec le poids d’une culpabilité dans la tête : faut-il intégrer Désir d’avenir, là, maintenant, tout de suite, cliquer et en être?

Dans les Bouches-du-Rhône, la responsable du futur parti majoritaire de gauche s’appelle Nadia Brya. Ancien baveux dans un grand petit canard, j’ai eu le bonheur de la connaître. Elle a été candidate dans les quartiers nord de Marseille pour une cantonale de 1998 et a été battue par une communiste brejnévienne qui avait punaisé le portrait de Georges Marchais dans son bureau.

Lorsque je m’étais rendu dans ledit bureau pour écrire son portrait, je l’avais un petit peu titillé sur la présence spectrale de Georges. Elle m’avait demandé gentiment de ne pas parler de la présence de ce portrait. J’avais accédé à sa demande. Flagrant délit de connivence. Je déteste tirer sur les ambulances.

Je ne connaissais pas à l’époque François Bazin, journaliste politique au Nouvel Obs, le plus grand sans doute. Le plus grand, ça ne veut rien dire, ça dépend des idées de la hauteur que l’on se fait, mais quand même, parfois, les évidences coulent sans qu’on y réfléchisse. Ce n’est pas de la flagornerie, François, c’est juste quelque chose que j’avais envie de te dire simplement. Je me souviens du message que tu m’avais laissé un jour sur mon portable. J’étais alors rédacteur en chef du Pavé de Marseille. Et tu voulais que je bosse un petit peu pour vous. J’ai donc eu la chance de te rencontrer.

Bazin, sur le terrain, c’est une méthode de travail. Il arrive à Marseille. Rencontre tout le monde. Prends rarement de notes. Laisse les impressions opérer des cercles concentriques. Cherche derrière les mots, les colères, les allusions, les crispations à identifier les trajets obscurs d’une communauté politique traversée d’égotismes, de craintes, d’authenticité.

Un jour, nous avons déjeuné ensemble. J’ai eu droit à une leçon magistrale de journalisme. Nous avions longuement pénétré les arcanes des particularismes locaux. Et tu m’avais ramené sur le terrain de l’archéologie du politique. Les systèmes naissent de l’Histoire, des conquêtes de patrimoines délaissés, de la géographie complexe des écosystèmes, des lignées familiales symboliques, des soubresauts des soubassements psychologiques des uns et des autres, du dégoût mondain des élites envers le peuple, de la pusillanimité des intelligences peu disposées à se salir avec ce peuple vagissant.

Poussé par ce désir de comprendre et non de juger, cette volonté d’expliquer et non de stigmatiser, Bazin éclaire l’avers du décor, les viscères du système, révèle une poétique du politique. Le vrai journalisme politique est là : non pas la haine du système mais l’éclaircissement de ce qui paraît, de prime abord, si artificiellement rageant. Je voulais juste te dire merci.

J’en reviens à l’amie Brya. Ségolène, si tu m’entends, tu as là de l’or en barre, de la pureté explosive, une élue potentielle qui bossera d’arrache-pied en renforçant l’honneur de la fonction. Ce premier petit écho s’effiloche dans l’alambiqué. Mais qu’importe, la blogosphère est le lieu du relâchement des normes.

Merde au chiffrage. Je sais, je ne devrais pas parler comme ça, ça fait un peu populo post-deux pastis, ça exhale un air de Café du commerce à 13h12, quand Pernaut se moque de la France profonde, quand l’actualité est ramenée à une suite de riens endimanchés ; TF1, pour moi, c’est le fond de thym de l’actu, l’aromatisation du plat des horreurs, l’exhaussement du dégoût.

Mais quand même, je poursuis sur mon éructation du jour, oui, trois fois merde au chiffrage. On reproche à Ségolène mais aussi aux autres aussi de délier les cordons d’une bourse passablement vide. On reproche aux candidats de financer leurs réformes en payant avec de la monnaie de singe. Je trouve le reproche déplorable. Dans le cas contraire, la campagne tournerait en rond, pas de projets, pas d’idées, zéro milliard d’euros dépensés, votez pour moi, je ne ferai rien.

Ce qui me gêne le plus, c’est la cohorte très parfum masculin d’avant la tribune de Julliard dans l’Obs des spécialistes des finances qui intègrent jour après jour les annonces présidentielles pour établir le compte courant des engagements. Pour eux, le meilleur serait le moins dépensier, un Etat absent à un moment terrible où il doit au contraire réaffirmer son autorité.

Se confronter aux Français courageusement, c’est forcément tomber sur des préoccupations catégorielles, des souffrances celées, du compassionnel ; c’est savoir écouter les dysfonctionnements dont le traitement coûterait peanuts ; c’est donner une vision de sa France où les Nadia Brya seraient indiscutablement projetés au devant de la scène, non pas pour pomper le fric des impôts, mais pour l’utiliser au lissage pacificateur des pactes civiques.

Je demande donc solennellement aux lecteurs du Financial Time de nous les lâcher un peu, le temps de la campagne, de nous laisser rêver en chiffrant le bon sens qui permettrait aux gens d’en bas de sortir des camisoles sociétales que Bazin dénoue si brillamment.

Les entreprises ont compris. Oui, chère Ségolène, elles ont compris. « Je ne peux pas supporter l’idée que mes salariés arrivent au travail avec la peur de l’avenir nouée au ventre », me disait un patron marseillais du BTP récemment. CNE, exonérations, patati… Il s’en fiche, le mec. Il veut du plaisir, du talent, un petit emballement collectif, une petite et belle histoire qui nous rendrait tous moins cons. Il s’est excusé en me disant qu’il était de droite, j’ai pris cette remarque pour une insulte.

Depuis que Pierre Cardo (UMP) est maire de Chanteloup-les-Vignes et qu’il a accompli un travail paradigmatique sur les cités difficiles –réélu chaque fois à plus de 60 % par le peuple de gauche, je dis ça pour rire bien sûr-, depuis que j’ai appris à découvrir les lignes de pensée de Jean-Christophe Lagarde, le maire UDF de Drancy, j’ai surmonté l’abêtissement acnéique de la caricature. Oui, Ségolène, les entreprises ont compris. Qu’importe qu’elles votent à droite, elles ont compris le principe du donnant donnant. Elles joueront le jeu avec toi.

Il y a un truc que je ne comprends pas au sujet de François. Oui, ton mec, le père de tes enfants. En 2007, j’avais acté que les couples s’aimaient et construisaient éventuellement une famille autour d’un principe irréfragable d’intimité, de sphère privée. Je n’arrive pas à comprendre en quoi la présence à l’Elysée du premier secrétaire du Parti socialiste pourrait constituer un bug dans ta dynamique personnelle.

Par sens de l’équilibre, je te propose de réserver une aile éventuelle du grand bâtiment de la France à Bernadette afin qu’elle puisse poursuivre son action généreuse en direction des enfants malades des hôpitaux. Elle était touchante, j’ai trouvé, cette femme, la dernière fois, face à Drucker. Je l’imagine avec tristesse en train de faire ses cartons, avec Jacquot en pantoufle et le chien Sumo qui gambade entre leurs jambes frêles. Quand elle suggère très authentiquement qu’elle ressentira un petit pincement au cœur en quittant l’Elysée, je la crois follement sincère, c’est-à-dire légèrement déformée face aux réalités du monde, uniquement en phase avec l’angoisse de la rose trémière face au réchauffement climatique. Mais ce que je dis est méchant et je n’aime pas être méchant. Cette femme est éprise d’humanité, c’est incontestable. Elle a juste été emportée par la bâfrerie de pouvoirs de son mari, elle pensait sincèrement que le pouvoir méritait les largesses de l’Etat, tous ces frais de bouches indécents, ce monde qui ne touche plus terre.

Bazin m’aurait expliqué : on oublie vite le rôle central des grandes familles bourgeoises dans la grande histoire du progrès. Ne plus s’emporter, rester sobre face à l’énervement primesautier, repousser les explications faciles des plateaux de Ruquier et Bern. Relire Foucault. Passer une VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) d’archéologie.

Trois courriers… Depuis que j’écris ce blog destiné in fine à entrer dans le staff de Ségolène Royal pour faire le lien entre les experts révérés mais épuisés par les efforts qu’on leur demande pour simplifier leurs pensées et les gens de l’infra-ordinaire (Georges Pérec), j’ai reçu trois courriers d’internautes. Ce n’est qu’un début.

Ayant eu la chance d’avoir des parents merveilleux qui m’ont inculqué les blandices de la politesse, j’ai bien entendu voulu remercier ces aimables et talentueux contributeurs. Mais j’ai une difficulté majeure qu’un psy ne pourrait traiter dans l’espace du temps qu’il me reste à vivre et je trouve finalement qu’il faut savoir saluer la profondeur authentique de ses peurs et autres maladresse, bref, je ne sais pas comment ça marche pour dire merci. Trademarcks ou trademarks, bref, une subtilité technique m’échappe et dans ce monde réseauté, ne pas avoir la technique, c’est perdre la plume. Je salue donc ces contributeurs citant par exemple Corneille.

C’est sympa, cette blogosphère, on se prend à rêver de repas moins chiants où, très simplement, sans la violence mondaine du ping-pong des acquis culturels, sans la morgue de ceux que ça gêne d’être là parce qu’ils sont trop intelligents pour nous, quelqu’un parlerait de Corneille généreusement entre deux passages d’anges.

Je n’aime pas ressentir de haine. La haine est une impasse, une incompréhension. C’est pour cette raison que j’ai décidé de me pencher sur le cas de Nadine Morano, la dernière trouvaille UMP. Dans Envoyé Spécial, voir cette femme encapuchonnée dans son manteau fourbir un méchant coup avec une copine de classe devenue attachée de presse pour s’introduire vulgairement dans un colloque sur le Handicap pour casser de la Ségolène comme on arrache un sac à une mémé sur la Canebière me donne envie de gerber ou de voter Le Pen avant de demander aux bourreaux de Sadam Hussein d’achever mes souffrances. Mais je n’aime pas le goût que laisse la haine quand elle se déploie. On regrette toujours la haine. Je me calme.

Cher Eric Besson. Ne fais pas ça, je t’en prie. Calme-toi. Un garçon aussi intelligent que toi. Je devine les raisons de ton pétage de plomb dans l’univers pachydermique de Solferino. Tout ça sera bientôt fini.

Je finirai bien sûr toutes ces petites chroniques de la vie ordinaire d’un ancien baveux en vous tenant au courant de mes tractations avec Ségolène. En fait de tractations, il faudrait plutôt parler de traction arrière. Toujours pas de coup de fil. Soyez attentif à l’annonce de la réorganisation de l’équipe de campagne, l’info du jour sera que je n’y suis pas. Je m’en fous, Ségolène, si tu t’obstines, j’en profiterai pour lire à fond l’œuvre de Philip Roth et notamment la Contrevie dont Desplechin fait prochainement un film. Et ne compte pas sur moi pour en faire une fiche de lecture.

Tiens, la Contrevie, ce serait génial comme slogan de campagne, non ? Je plaisante, Ségolène, bien sûr. A demain et mes amitiés à François et à la petite famille…

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Blog à part. J’ai longtemps été sceptique sur la blogosphère.

J’ai un respect démesuré sans doute pour les experts. Pour moi, l’expert est l’antidote aux dictatures. La méconnaissance entraîne la violence, la démagogie non contredite installe la caricature comme horizon de pensée et il n’y a rien de plus dangereux que les rhéteurs que combattait déjà Socrate.

Faire face à la démagogie réclame un travail intellectuel inouï, profond ; contredire Le Pen, enrayer ses dondaines démagogiques, impose de répondre point par point aux innombrables contrevérités qu’il diffuse. Ce travail ne peut être fait que par un expert à plein temps.

L’ennui, avec l’expert, c’est le service après-vente. Considérant un peu stupidement que son intelligence surplombante ne peut supporter le choc, et il peut être rude, de la crétinisation généralement incarnée par les émissions de télé où il s’agit essentiellement de rire, de déconner, sa connaissance reste élitiste au nom de la rigueur qu’il mit à la conforter.

Cette position n’est pas tenable. Elle signifierait que ma grand-mère, que j’aime beaucoup, n’est pas en mesure de faire le tri entre la démagogie et l’intelligence. Or, ce n’est pas le cas, les gens qui ne sont pas dotés des outils de démêlage des grands enjeux du monde ont développé une forme de sixième sens qui leur permet de faire confiance à ce qu’ils ne sont pas et qu’ils regretteront toujours de ne pas être.

J’écoutais Jean-Paul Kaufman sur le plateau de Ruquier hier soir. D’un seul coup, par la force tellurique d’une intelligence mise à portée de tous, les habituels rigolos du plateau étaient presque devenus doux comme des agneaux. On n’était plus dans la mondanité crasse parisienne mais dans le respect d’une parole simple coulant comme l’évidence d’un ruisseau de l’Ubaye.

Je ne suis pas un expert. Je révère les experts. La blogosphère est le lieu de l’affranchissement des prudences, « laisse venir l’imprudence », chante Bashung sur des textes de porcelaine. Cette blogosphère est le lieu de l’infini. Elle offre à tous, ma grand-mère, moi, les crétins que je n’aime pas, ceux qui me jugent crétins, l’occasion unique, wharolienne, d’une suspension diachronique, d’une parole repérée.

En commençant ce carnet de campagne, je pense à toutes les chroniques non publiées par Libé, Le Monde, Télérama, etc. que j’ai envoyées pendant des années et qui s’entassent dans les poubelles des computers trop gras. Mon blog sera jouissif ; je n’emmerderai plus personne avec cette putain de reconnaissance qui ne vient pas et dont, finalement, je ne veux pas. Pour donner du frisson amerloque à la démarche, je fixe un horizon utopique, « une possibilité inaccessible » (Georges Bataille) à cette démarche : intégrer le staff de Ségolène Royal avant le 22 avril.

Ségolène, si tu m’entends… Je navigue dans le triangle des Bermudes des socialités paumées. Je travaille sans goût, victime comme des milliers de Français de la lobotomisation contenue par la valeur travail. « L’intelligence ne peut être menée que par le désir », écrit Simone Weil. Le désir est une denrée rare. Généralement, vous pénétrez des sphères professionnelles où les hiérarchies se protègent et les talents qui ne s’accommodent pas à la médiocratie ambiante sont déboutés avec sauvagerie. Je n’ai jamais goûté aux contorsions qu’imposent ces systèmes pyramidaux. C’est un tort, certes, mais une forme d’authenticité, un combat solitaire pour se respecter.

Je crois très fortement à l’impulsion nouvelle que vous incarnez. J’ai compris pourquoi le marigot socialiste s’affolait. Vous êtes en train, sans le vouloir, d’imploser ce parti. Les saines confrontations qui ont cimenté son histoire se sont muées, progressivement, en haines farouches et inconciliables.

Ce n’est pas l’intelligence qui est récompensée mais la capacité des soldats des écuries de courants à amasser un nombre de cartes suffisamment important dans les sections pour permettre aux positions établies de ne pas être menacées aux prochaines élections. Cette manière d’être politique vit ses derniers jours. Vous partez de loin. Si vous gagnez, ce système explosera. Dans le cas contraire, gardez la dynamique de Désir d’avenir, débordez les balises sclérosées, contournez le système érodé par les petits calculs, et vous continuerez à séduire les petites gens et les experts désolés de ne pas voir leurs constats prendre corps dans un champ social miné par ces imperfections de représentativité.

Nous en sommes là, aujourd’hui, dans une crise de la représentation. Et les gens qui vous interrogent, et les débats participatifs, le confirment : vous incarnez, malgré vous, un vote anti-système… La thématique est dangereuse, c’est de la TNT, l’anti-système entraîne l’anti-parlementarisme, constitue une forme aiguë de vide de représentation où toutes les vésanies se glissent.

Poursuivez sur ce chemin clair, solide, de ces cercles vertueux où chacun pourrait enfin se sentir dépositaire d’un impact positif sur la société qui l’entoure. Si les gens, aujourd’hui, se rétractent, rentrent chez eux, dégoûtés par les remugles du système, c’est qu’ils ne se sentent pas en capacité d’agir sur le monde qui s’écroule. Vous êtes la candidate qui redonnait à ces gens là les moyens de se réapproprier leur justification sociale. Comment ? On en parlera lors de notre prochain rendez-vous…

Quelque chose me surprend dans les réactions de l’UMP à la prestation télévisée de Ségo. « Elle dit oui à tout« , assène MAM. Vous l’imaginez dire non aux prothèses auditives dans les musées, non à la prise en charge des prisonniers à la sortie, non aux frères humains lâchés dans la détresse de la drogue, sans recours, sans appuis ?

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Je prends la liberté de vous écrire pour vous apporter mon soutien le plus total. Oh, ce n’est qu’un petit soutien d’en bas, un soutien anonyme, qui n’entraînera peut-être que l’enrôlement des quelques amis que je possède encore.

Je m’en excuse : je ne suis ni Doc Gynéco, ni Bernard Tapie, etc. Je n’ai ni leur talent et encore moins leur intelligence. Depuis quelques semaines, des acteurs emblématiques de « gauche » se détournent de votre candidature. Ils vous trouvent creuse, frappée de vacuité, un peu nunuche. J’ai même entendu un humoriste, les humoristes remplissent désormais comme vous le savez la fonction d’éditorialiste, parler à votre sujet de « becassinisation » ou quelque chose approchant. Face à un tel marmitage inouï de crasses vétilleuses, de remugles, je vous sens pourtant ailleurs et je m’en réjouis. La bave du crapaud, etc.

Je vous invite, du haut de ce que je suis (1,78 m), à poursuivre dans cette direction. Vous ne serez pas présidente, peut-être, mais pour moi, vous avez déjà gagné, vous m’avez réconcilié avec la politique. Je ressens au fond de moi une colère froide, tripale, que je n’ai pas ressenti lors du référendum de mai 2005 sur l’Europe. J’ai voté oui et je revoterai oui. Mais là, ce que je vois et entends me révolte. Il est de bon ton que Nicolas Sarkozy récupère les brebis égarés de François Mitterrand. Sacré François, va, vois le mal que tu as fait à ta gauche !

Nous passerons vite, si vous me le permettez sur Doc Gynéco. Je crois que les premières conséquences du réchauffement climatique sont visibles chez lui. Il a le droit de soutenir qui il veut mais je ne l’ai pas entendu sur ses réelles convictions. J’ai quelques amis à droite, avec lesquels d’ailleurs j’ai les discussions les plus denses, dont les parents ne se sont pas remis d’une telle recrue.

Nous ne resterons pas plus très longtemps sur la lente agonie idéologique d’André Gluksman ; le post-maoïsme est une chute libre et douloureuse ; il est donc excusable. Je resterai un peu plus de temps sur mon chouchou, Bernard Tapie. L’avez-vous connu, au fait ? Qu’en pensez-vous ? J’ai du mal à en parler personnellement avec sérénité. Je suis un anti-tapiste primaire, comme il existe des anti-communistes ou des anti-libéraux. Tapie m’empêche de croire que Mitterrand a été un grand chef d’Etat. C’est bête, hein, comme fixation monomaniaque.

J’habite Marseille, il est vrai, on ne peut pas être parfait. Et je connais bien le gugus, les pratiques, les coups de fil à Le Pen, enfin, bref, je ne veux pas me rendre malade encore… Quel bonheur en tout cas d’être débarrassé de ce hâbleur ! Oh, je sais, les gens l’adorent ! Que voulez-vous, la masse informe du peuple à front de taureau est parfois désolante, souvent attachante. Elle prend ce qu’on lui donne. Tapie, c’est nous, nos renoncements…

Bref, le temps est aux désafilliations. Jospin a des rendez-vous privés importants, une partie de tennis avec Allègre, peut-être ? Le post-jospinisme vieillit mal. J’ai tellement aimé cet homme, cette intelligence. La manière dont elle se décompose sous nos yeux, pour des raisons d’orgueil mal placé, est désolante.

Au fait, que vous reproche-t-on ? Je me souviens de la petite musique étonnante que je perçus un jour sur vos lèvres : les mineurs délinquants plus sévèrement pris en charge par l’Etat. Sur le coup, je me suis dit que vous alliez vous faire charcuter en mille morceaux. Je n’avais pas tort : enfin, Mme Royal, vous n’êtes pas naïve au point de croire que tout va mal dans les citées.

Pendant des années, la gauche mitterrandienne est allée au devant du peuple : patientez, camarades, la délinquance, la violence des jeunes, c’est votre contribution à la conquête du projet socialiste qui rendra l’homme bon. Et le peuple patienta… Puis vint Le Pen, brassant quelques idées simples, et le peuple craqua… Vous avez osé ébrécher un totem socialiste, comme dans les sectes qui ne survivent qu’en niant l’évidence : l’insécurité n’existe pas, c’est le marché qui insécurise ! Circulez, y’a rien à voir ! Cette détabouïsation vous a coûté sans doute crachats et insultes. Elle a réveillé le peuple de gauche. Elle a fait votre succès.

La carte scolaire ? Enfin, Mme Royal, êtes-vous naïve au point de croire qu’elle ne fonctionne pas si bien ! Quatre professeurs franciliens du public sur dix protègent leur(s) progéniture(s) dans le privé. Tout va bien, le bateau coule. La gauche ancienne, mitterrandienne, laïusse, papote, pas une réforme mais des retouches, patatipatata… Patiente, peuple de gauche, Sarkozy, immigré hongrois, héritier de Blum et Jaurès, arrive.

Enfin, suprême dégueulasserie, on vous conteste la démarche de la démocratie participative. Et là, les bras m’en tombent, je ne comprends plus rien. Vous dites, c’est une jolie formule d’ailleurs, que les gens sont experts de ce qu’ils vivent. D’ailleurs, votre démarche impacte désormais sur le contenu des émissions politiques où les journalistes disparaissent de plus en plus. Et je trouve que les questions posées par les gens, certes parfois un tantinet carrées, sont plus intelligentes que celles des journalistes, experts du contorsionnement.

Reprenons : il y les experts (sociologues, économistes, urbanistes…) et les gens experts de ce qu’ils vivent. D’ailleurs, les premiers experts consultent souvent les seconds, le contraire eut été surprenant, pour définir leurs propres analyses. Et bien les gens d’en bas, certains à gauche considéreraient qu’ils feraient un peu « tâche » dans le décor. Il est vrai qu’à force de fréquenter les salons, les colloques, les bibliothèques, on en oublierait presque la puissance de la parole des gens.

J’aime Madame Royal votre optimisme tripal. J’aime la manière dont vous gardez le cap. La vieille gauche se meurt. Les nouvelles ne sont pas si mauvaises : l’UMP récupère Doc Gynéco et Tapie. Il faudra malheureusement peut-être attendre un petit peu. Mais n’hésitez pas, faites exploser le système, les baronnies, les calcifications systémiques, celles qui obligent le PS à mettre quatre mois pour virer Frèche.

On s’en fout, Madame, de la Région perdue du Languedoc. Faut-il courber tout le temps l’échine face à ces jobards de gauche au nom de la préservation d’un territoire ? L’honneur n’est pas soluble dans ces petits calculs ?

Voilà, j’ai eu mon petit quart d’heure wharolien. J’ai vidé le sac. Je vais éteindre la télé. Couper le poste. Lire de la poésie. Pour moi, Ségolène Royal a déjà gagné…

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