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Archive for the ‘Journalisme’ Category

L’ennui, avec le Canard Enchaîné, c’est que c’est tellement gros qu’on a parfois du mal à le croire. Ainsi, lorsque l’hebdo satirique décrit avec force et détail le contenu du repas d’adieu de Stéphane Duhamel, ex-pédégé de La Provence, viré avec Gilles Dauxerre, ancien directeur de la publication, par le nouveau propriétaire du journal, Philippe Hersant, repas organisé à la mairie par Jean-Claude Gaudin. Ce dernier lui a d’abord assuré qu’il n’était pour rien dans son départ. Le maire de Marseille, aidé en cela par Christian Estrosi, avait beaucoup milité pour le retrait de Lagardère de ses journaux du Sud (Nice Matin, La Provence, Corse Matin…) ne se traduise pas par l’arrivée du groupe britannique Mecom mais plutôt par celle de Philippe Hersant.

Et, en effet, le Hersant en question a tout de suite rassuré Gaudin sur sa docilité : il a ainsi embauché Bruno Genzana dans une de ses filiales, le gratuit Paru Vendu. Genzana n’est autre que le chef de file de l’UMP au Conseil général présidée par Jean-Noël Guérini, opposant socialiste à la mairie de Marseille. Dans la foulée, le décidément très compréhensif Hersant a recruté Guy Philip, ancien directeur de la communication de Gaudin, pour diriger le Groupe Hersant Médias (GHM), structure qui chapeautera les journaux rachetés à Lagardère. Bien entendu, que les esprits mal placés soient châtiés, l’homme en question n’aura aucun regard sur le contenu éditorial puisqu’il sera en charge du développement. Mais là, tout de même, la coïncidence est troublante.

A Marseille, il existait avant une presse d’opinion, un peu balourde, dont je vous conseille la lecture, histoire de balayer cette catin de nostalgie qui veut nous faire croire qu’avant c’était mieux. Pas une Une du Provençal sans que le Lion Defferre n’y jette un œil (maire de Marseille et, occasionnellement, ministre de l’Intérieur). On évoque le souvenir parfois avec une pointe de larme au coin de l’œil, pour poser le personnage. Le Méridional a été un torchis raciste sous l’impulsion de sieur Domenech. Mais la droite gaudiniste donnait elle aussi ses petits coups de fil pour tancer des journalistes récalcitrants. Et les supérieurs descendaient des étages pour recadrer la « charte » rédactionnelle : lui, c’est un ami ; lui, non… Un petit mot sur La Marseillaise où, quand le PC est tonitruant sur Marseille, la moindre virgule était pesée à l’angström par le comité central local. La liberté de la presse locale, c’était déjà du pipeau. Et même Le Pavé, que j’eus l’immense honneur de mener vers sa fin annoncée, dut faire, soyons honnêtes, quelques petites acrobaties sémantiques pour que les pouvoirs industriels et politiques ne retirent pas leur pub.

Aujourd’hui, à l’heure des fusions, la mise sous tutelle est plus pernicieuse. Car la presse locale n’est plus lue. Elle tient essentiellement grâce aux pages de pub. Alors, en arrière-fond, l’information est sous-pesée, les dossiers de fond expédiés aux oubliettes, les évidences contournées, etc. On regarde ailleurs. On évoque autour du café entre journalistes la chimère d’une presse courageuse qui ne serait qu’une presse normale. C’est ainsi. Les bons journalistes font autre chose, se convertissent à d’autres pratiques. Le champ est libre pour Hersant et compagnie. Le plus triste avec ce type d’infos publiés dans le Canard Enchaîné, c’est sa manière de couler, de passer, de ne rien accrocher au débat sur Marseille, comme si nous vivions dans une contrée profonde de la Sibérie et que le Canard Enchaîné avait du mal à y être acheminé. Comme si cet article intitulé « Gaudin joue déjà à la belote avec Hersant » dans l’édition du 30 janvier, posant un regard inquiétant sur l’état de la démocratie à Marseille, ne nous concernait pas. Comme si nous avions admis qu’il ne servait plus à rien de se battre pour s’occuper de cette petite proximité d’en bas de chez soi. Comme si nous avions admis que, du Canard Enchaîné ou de Jean-Claude Gaudin, le menteur, l’excessif, c’était le premier. A ce rythme, face à notre passivité, à notre pusillanimité, nous basculons progressivement, sournoisement, dans le non-débat, dans une presse camomille qui sert à endormir tout le monde, qui sert à anesthésier les antagonismes, qui sert à se convaincre qu’il ne sert à rien de s’exciter pour quelques arpents de dignité humaine gagnés sur les puissances de l’argent et des réseaux qu’elles alimentent. Les journalistes de La Provence font ce qu’ils peuvent. Le Syndicat national des journalistes s’est ému de l’article, a réclamé des garanties sur l’indépendance des journalistes. Ils font ce qu’ils peuvent, le minimum syndical (les journalistes de La Tribune s’étaient mis en grève).

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www.insideweb3.fr Dans un bel élan corporatiste, la profession journalistique se braque : les blogueurs ne seraient que des sous-journalistes, incarnant une forme suspecte d’incandescence de la verbosité, expression d’un galimatias déqualifié de regards biseautés sur le monde tel qu’il va.

Pour avoir bien connu cette profession, je peux me permettre deux à trois constats un peu rudes :

1. Le sous-dimensionnement intellectuel, notamment dans la presse quotidienne régionale, de la caste journalistique est certainement plus inquiétant que la profusion « blogueuse » où l’on trouve tout et n’importe quoi (mais, comme au marché aux puces, faut avoir le flair).

2. Le journalisme de qualité requiert deux paramètres : la curiosité (l’intuition du dysfonctionnement, l’ambition de planter la plume dans la plaie) et le temps. Le temps est un luxe dans le journalisme. Le monde est si complexe que les journalistes ont besoin de prendre du recul sur le flux RSS d’un monde dont l’information d’il y a quinze minutes a déjà vieilli.

3. Le blog n’a aucune autre prétention que celle d’apporter un élément de lecture différent sur l’actualité « officielle ». D’ailleurs, les journalistes qui tiennent leur blog sont généralement plus libres et percutants que lorsqu’on les retrouve dans leurs habits officiels. Bien entendu, un article de l’ami Claude Askolovitch sur son blog restera « mieux » informé que celui d’un écrivassier comme ma pomme qui n’a ni accès aux lectures commentées des acteurs de l’événement abordé ni le temps de creuser le sujet (le blog est une activité amateure).

4. Cependant, ce regard venu en contre-champ produit parfois de belles surprises. Je suis souvent très étonné par la qualité des posts que je parcours. Nier le fait que le vulgum pecus n’ait pas les capacités intellectuelles de « juger » l’actualité révèle un étonnant poujadisme intellectuel de la part d’une caste qui se sent peut-être menacée et affiche un drôle de complexe obsidional.

5. Etre journaliste ne relève pas d’une certification. Il y a certes des écoles, elles tracent une voie royale dont je ne nie pas la nécessité. Il vaut mieux avoir fait Sciences-Po puis une école de journalisme pour espérer décrocher les rares places disponibles sur un marché du recrutement anorexique. Mais, toujours avec la petite expérience qui est la mienne, je crois très sincèrement que la curiosité prime sur la capacité d’expertise. Ce métier de passeur m’a appris une seule chose : les questions les plus bêtes sont toujours les meilleures car elles ont de fortes chances d’être celles que se posent les lecteurs. Se décentrer, voilà le substrat du journalisme.

Que la profession, donc, ne se fasse pas trop de soucis. Elle dispose d’un nombre important de journalistes de grand talent, peut-être un peu trop révérencieux mais la lecture d’une revue de presse complète confirme cette impression. Le blog relève d’une partie de campagne de journalistes en herbe, d’anciens journalistes qui veulent combattre efficacement leurs aigreurs, de poètes talentueux, d’écrivaillons osés, etc. J’y vois plus une créativité encourageante qu’une menace sur une profession aujourd’hui si tétanisée devant son avenir qu’elle en devient paranoïaque.

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www.20minutes.frJuste un petit mot de réconfort à Alain Juppé. Il y en a marre en effet de ces journalistes réunis en essaims d’abeilles autour d’un bol de miel, poursuivant la proie politique afin qu’elle lâche un mot qu’elle n’avait pas envie de dire. Marre de ces journalistes compactés autour d’une personnalité, chassant le mot, la saillie, le pétage de plomb, pour combler le vacuum ambiant des dîners hexagonaux du soir devant le JT qu’on ferait bien de fermer.

A la place de Juppé, je me serais peut-être énervé, en en virant une aux mouches têtues. Les journalistes devraient se poser la question : quand quelqu’un se refuse à un commentaire, pour des raisons qui lui appartiennent, le fait d’insister relève à leur avis de quel caractéristique : impolitesse, harcèlement, mauvaise éducation. En disant « si je pouvais crever, vous seriez contents » ou quelque chose comme ça, qu’a-t-on appris de plus sur le retour raté d’Alain Juppé, qu’il traite d’ailleurs avec une certaine dignité. Les journalistes, dont l’image est bien mal en point, auraient intérêt à éviter de se vautrer dans ce ridicule.

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telepublique.blogspirit.com

 Je découvre avec stupéfaction ce matin que l’émission de Daniel Schneidermann, « Arrêt sur image » sur France 5, s’arrêtera la saison prochaine. Et que, dans la foulée, « Ripostes » passerait aussi à la trappe (animé par Serge Moati).

Si cette double information devait se confirmer, il va de soi que tous les amoureux du débat, du décryptage, de la polémique, du vertige réparateur de la confrontation, bref, de cette liberté hugolienne, de ce sel voltairien, où droite et gauche, centre, milieu, extrêmes, fachos, beaufs, noirs, blancs, rouges, cons, pas cons (nous sommes tous les cons de quelqu’un d’autre) qui se retrouvent à un moment précis sur une même unité de temps pour échanger leurs certitudes, confronter leurs erreurs, s’enferrer ou se dédouaner, se sauver ou s’entêter, à partir des faits, de la vérité introuvable, etc., oui, il va de soi que nous ne devons pas laisser passer cela. Je ne sais pas comment.

En organisant des Grenelle ou des Etats généraux de la liberté de la presse, en manifestant dans la rue, en pétitionnant à gogo, etc. Je ferai la même chose si Skyrock, de la même manière, était menacé de fermeture alors que je trouve cette radio de « d’jeuns » profondément débilitante (mais ne l’étais-je pas à quinze ans lorsque j’agitais ma crinière calamistrée devant les gonzesses à la peau abricotée pour en extraire le suc).

www.imedias.bizCher Daniel, cher Serge (excusez cette familiarité), je suis partant pour dire tout simplement « non » à ce qui ressemble, mine de rien, à une première réplique de l’enrégimentement sarkozyste de la liberté d’expression.

Il faudra que les Pdg du service public rendent des comptes à leurs abonnés civiques sur cette décision qu’un Hugo Chavez n’aurait pas renié. Ah, certes, en France, on sait mettre du bolduc autour des truanderies les plus cyniques. Ah, certes, le Hugo Chavez a trop la grinta d’un révolutionnaire en chambre pour ne pas profiter de l’occasion pour décocher quelques formules clownesques qui le rendent pathétiques. Mais en France, les meurtres se font dans les salons feutrés de la République tentaculaire. Osons ne pas accepter l’inacceptable.

Je ne suis ni un baba béat ni un Schneidermannôlatre ou un Moatiste chauvin. En tant que journaliste, je dis Ya Basta (tiens, ça me rappelle ma jeunesse…), je me dis que le décrochage entre la réalité vraie (pléonasme de circonstance, quand la réalité est distordue, il faut la renommer en édictant la charte de son évidence) et le reflet dans les médias prend une tournure anamorphique très dangereuse. Daniel, Serge, on s’appelle, on grogne, on réagit. Et vite.

Pour signer la pétition : http://arret-sur-images.heraut.eu/

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actualite.aol.fr

On la sentait bien venir, cette petite gêne, dans le cadre de l’émission France Europe Express. Christine Ockrent, épouse de Bernard Kouchner, journaliste d’une des émissions les plus conséquentes du paysage audiovisuel français avec celles d’Yves Calvi. Et François Bayrou, dont la diagonale dialectique rappelle celle d’un fou (donc de quelqu’un de raisonnable dans mon esprit) eut ce petit hoquètement hilare qu’il affecte quand il sent que son propos va bousculer le politiquement correct, en s’excusant par avance d’oublier la proximité familiale entre le ministre et son épouse pour tenter une énième clarification entre « ralliement » et « alliance ». Aussi sincères que puissent être les démarcations entre vies privée et professionnelle, Christine Ockrent n’est plus, depuis quelques jours, une journaliste comme les autres.

Chère madame, j’eusse apprécié qu’en début d’émission, les yeux dans les yeux, vous prîtes la parole pour nous livrer les clés d’un contrat de confiance : ici, mon mari est un homme public comme les autres ; quand je ferme la porte de mon domicile, ça devient mon ou notre problème…

Je vous pose donc directement quelques questions auxquelles je suis sûr vous saurez répondre : comprenez-vous que les téléspectateurs de votre excellente émission puissent être légitimement troublés par votre contexte familial ? Pensez-vous pouvoir conserver dans cette situation votre capacité de critique ?

Votre époux, dont la principale qualité est de ne pas se fondre sans moufter dans le conformisme oblitérateur, sera donc souvent sous les feux de l’actualité et les projecteurs se braqueront sur les attractions-répulsions de ses rapports avec un président de la République qui n’est pas conformé comme lui : comment traiterez-vous de ces relations ? Qui le recevra (il est tout de même titulaire d’un porte-feuille cible de votre contenu éditorial) lorsqu’il sera amené à se rendre sur votre plateau ?

Je suis sûr que vous aurez le courage de répondre à ces questions et, dans un élan narcissique pathologique, vous invite à être interviewée sur ce blog sur le sujet.

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Amis journalistes, de grâce… Puisque l’air du temps est à la rupture, tentez de perdre aussi cette mauvaise habitude, pratiquée essentiellement par les journalistes de radio, de suivre les personnalités politiques, ministres ou battues, dans leur fief de campagne, en récupérant des commentaires à la con d’imbéciles heureux contents d’avoir touché la main de Sarko, vantant la combativité de Fillon, l’humanité de je ne sais qui d’autres…

Cette badauderie dégoulinante est si attristante qu’elle relève de la non-assistance à personne en danger et je serai bien en colère d’entendre mon père dire que l’élu du coin promu sur le plan national est « sympathique ».

Faites comme Yves Calvi sur France 5 ou Judith Clarigni et Brice Teinturier sur France Culture, deux émissions exemplaires de ce que le service public doit : un cadre, des faits, des analyses, des oppositions…

Sortez de cette idéologie mortifère, enseignée en école de journalisme, que vos auditeurs sont des tâches automobiles surmontées de bobs. Nous y gagnerons tous. L’idolâtrie française n’est qu’une activité touristique, pas politique.

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Je n’aime pas les anti-quelque chose. Un vieux reste sans doute d’éducation chrétienne qui tendrait à me persuader, face à chacun de mes semblables, même dans les situations les plus répugnantes, que chacun d’entre eux est prédisposé à la philia, l’amour de l’autre.

J’ai souvent été contredit par mes apriorismes, mes dégoûts intuitifs. Face à l’homme, il faut toujours travailler à éviter de révéler le pire de sa personnalité. Je n’ai goûté que très modérément le numéro de Marianne sur le dévoilement « scoopétique » de la personnalité de Sarkozy.

Journaliste, je n’aime pas ces journaux qui se laissent déborder par le style, où les menues infos sont montées en neige et retombent quand la trépidation rhétorique s’éloigne. Je n’achèterai pas plus Charlie Hebdo car l’outrance satyrique m’empêche de goûter à la saveur de la recherche de la vérité.

Je n’étais pas un anti-sarkozyste primaire. Après la lecture du portrait de Nicolas Sarkozy par Michel Onfray, dans son blog de L’Obs, je le suis devenu, aussi naturellement que l’on se rafraîchit la bouche d’une gomme de menthol après avoir vomi. Ce que dit Onfray des conditions dans lesquelles Sarkozy a tenté de l’intimider avant son entretien dans la revue Philosophie magazine où le masque de l’homme est tombé est tout simplement stupéfiant.

Que les ego surissent dans les sphères surdimensionnées du moi, que l’autosatisfaction abcède lorsque, tous les jours, autour de vous, des carpettes vous cirent le bon profil, qu’une dangereuse mythomanie vous gagne lorsque l’on vous convainc que vous avez été choisi pour accomplir une mission christique n’est pas une révélation monstrueuse sur le détachement pathologique qu’affichent ceux qui prétendent à la plus haute fonction de l’Etat.

Etre l’opérateur d’un Tout lorsque l’on n’est rien d’autre qu’un homme, vouloir sans pouvoir, peut déformer le sens de la réalité. Mais ce qui est plus inquiétant chez Sarkozy, ce n’est pas tant le marmitage d’humiliations qu’il déploie face à ceux qui le contredisent, qui ne comprennent pas l’impérieuse divinité de sa mission, mais sa souffrance. L’homme souffre à l’évidence d’un complexe de supériorité dont il ne tire au final qu’un bénéfice très limité.

Sarkozy a un défaut majeur en politique : sa vision binaire du monde. Pour lui, il y a le blanc et le noir, le Bien et le Mal et tout le reste, c’est-à-dire la majorité, n’est que l’espace de confrontations stériles des experts qui essaient de dénouer l’écheveau de ce qui dysfonctionne. Pour lui, la règle s’impose à tous et lorsqu’elle est foulée au pied, l’auteur du dérapage doit être sévèrement puni. Dans sa tête, le monde serait naturellement lumineux, les chômeurs seraient naturellement fainéants, les délinquants naturellement mauvais et s’il avait eu Jean-Jacques Rousseau en face de lui, il l’aurait laminé d’acidités.

Souffrirait-il de la sauvagerie de celui qui s’est construit seul et qui ne comprend pas que les autres n’aient pu le suivre ? Pour lui, Jaurès n’est pas ce grand homme politique qui accusa d’un doigt pointeur les dérives d’une économie inhumaine mais l’homme de l’autorité morale, supérieure, du travail. Il doit sincèrement aimer l’ouvrier qui ne rechigne pas à la tâche ; l’ouvrier rendu muet par l’hystérisation de ces conditions de travail, l’ouvrier abruti par les luttes sans relâche qu’il mène pour surmonter l’accroissement de l’insécurité des parcours professionnels.

Pour lui, la seule vertu, c’est celle de la plainte contenue, de la morale de l’écrasement, du rapetissement, du bonheur subi (ce qui est contradictoire) et non choisi. Sarkozy exècre la gauche parce qu’elle rappelle les évidences qu’il se refuse de voir : la lobotomisation induite par les nouvelles règles de production économique, prisonnière de flux, esclave du temps, sommée sans cesse de se transformer pour appréhender un tant soi l’imprévisibilité de l’horizon du marché.

Pour Sarkozy, se plaindre, c’est faillir moralement. Pour Sarkozy, se suicider, c’est un peu de sa faute, pas celle d’une société qui marche la tête haute pour que les entreprises n’aient pas à se préoccuper des futilités exprimées par le vulgum pecus. Ce qu’a vu Onfray est « glaçant », pour reprendre l’expression de François Bayrou. Il a vu un homme en souffrance, à la culture parcellaire, annôneur de fiches, authentique lorsqu’il dit sa propre souffrance, qu’il a surmonté à grandes louchées d’hyperactivisme pour prendre une revanche sur les humiliations qu’il a subies et dont il ne perçoit plus, très étonnamment, la contemporanéité.

Oui, Sarkozy avance le Kärsher au poing pour laver la France de l’honneur d’essayer de comprendre encore et toujours pourquoi les évidences sont toujours trompeuses. Dans le monde idéal de Sarkozy, il n’y a que sa propre souffrance qui mérite d’être respectée.

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Le quotidien La Provence réalise un entretien avec Bernard Tapie ce jour juste avant le match VA-OM de samedi soir. Et ce que dit Tapie est stupéfiant !

Le journaliste Laurent Blanchard lui demande s’il pense encore à l’affaire. « J’y pense toujours. Pour moi, cette affaire sera terminée le jour où Jean-Pierre Bernès (NDLR, l’ancien proche de Tapie à l’OM) voudra bien dire ce qui s’est vraiment passé en mai 1993. Aujourd’hui, je ne lui en veux pas plus que ça, alors que nous étions tellement proche à l’époque ! C’est la vie. D’ailleurs, j’ai un de mes meilleurs amis, que je soutiens politiquement (Jean-Louis Borloo, ndlr), qui sait parfaitement lui aussi ce qui s’est réellement passé, mais il n’a jamais eu envie de le dire. Je ne lui ai de toute façon jamais demandé. J’espère seulement qu’il le fera, un jour ». Ouf !

1. Tapie a vraiment de drôles d’amis qui préfèrent l’envoyer huit mois fermes en prison plutôt que de lui venir en aide en révélant la vérité !

2. Si vous croisez Borloo, ce serait sympa de lui demander « ce qui s’est réellement passé ».

3. Si Borloo dit « ce qui s’est réellement passé », l’enquête sera-t-elle réouverte ? Tapie a-t-il ainsi sacrifié sa grande carrière politique à cause de deux amis qui l’ont lâché ?

4. L’un des premiers ministrables de Sarko s’amuserait-il à cacher des infos qui pourraient servir la justice ?

Je savais qu’en se débarrassant de Tapie, la gauche se porterait mieux (enfin, façon de parler). A Sarko de se dépatouiller avec notre Nanard national ?

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La lente agonie du journalisme de presse écrite, le plus exigeant dirons-nous, en mettant immédiatement de côté les journaux qui servent à tuer le temps dans les salons de capilliculture (Paris-Match, Voici, Voilà, Etc.), est, bien entendu, une mauvaise nouvelle pour la démocratie, selon la formule consacrée.

Mais, comme toujours, le débat devient très vite enrageant dès que la profession essaie de comprendre pourquoi et comment on en est arrivé à un tel niveau de dégradation. Il semblerait que les causes soient toujours extérieures à la profession elle-même. Qu’il ne s’agirait que du déchaînement d’une mauvaise destinée. Que les lecteurs, abreuvés d’internet, de satellites, de gratuits, se seraient détournés malgré eux et surtout malgré les excellents journalistes qui composent la presse écrite des excellents journaux qu’ils concoctent au quotidien. Bref, la mort annoncée de la presse écrite de qualité serait due à un abrutissement progressif des lecteurs face auquel les excellents journalistes seraient démunis.

Quand j’étais journaliste en province, dans cette PQR qui se vautre dans les compromissions les plus odieuses avec les chefferies locales, j’avais rencontré un journaliste sportif italien –nul n’est parfait-. Je prends l’exemple du sport non par goût personnel, je ne déteste pas me débrailler devant un bon OM-Bordeaux de temps en temps mais là n’est pas le sujet, mais parce que le sport et la PQR forment les deux pôles les plus parlants de la servilité du journalisme local. Il m’avait expliqué que les journaux italiens avaient mis en place des tournées de veille de l’actualité sportive pour éviter qu’un journaliste ne reste trop longtemps au contact des joueurs et transforme son métier en un déshonnête supporteurisme.

De plus, il y avait les journalistes de terrain, recueillant les faits du jour et un autre, placé en léger surplomb, analysant les causes des défaites ou des victoires, que les joueurs ne croiseraient presque jamais. Son rôle : non pas dire la vérité puisqu’elle n’existe pas mais donner, chaque jour, des éléments de débat aux lecteurs, en essayant d’englober ce que la réalité, par essence subjective, montre d’elle-même, des processus en cours, des hésitations, etc.

La presse de qualité souffre en France d’une opposition franche entre les tenants d’une opinion tranchée qui ne se dédit jamais, ce qui relève du religieux, et une volonté d’embrasser l’ensemble des points de vue qui vire à l’adynamie de l’encyclopédisme.

Certains titres m’ont sans doute échappé mais je ne crois pas avoir lu dans le Nouvel Obs un dossier pourtant essentiel qui aurait tourné sur les conséquences positives ou négatives du retour des éléphants. Ou encore sur la fumisterie qui consiste à laisser entendre que la politique ne sera jamais plus comme avant alors que le système organisationnel du PS tournera jusqu’au suicide autour du bras de fer entre les sections les plus fournies en cartes de membres.

Un bon journaliste est quelqu’un qui pose de bonnes questions et qui essaient d’y apporter de bonnes réponses. La connivence est nécessaire avec les pouvoirs en place pour entrer dans les cuisines. Mais l’autorité d’un journaliste ne se construit pas autour d’une dialectique de contournement –mondanités que tout cela- mais dans le cadrage de la réalité.

A quand des papiers fouillés sur les rapports locaux entre l’UMP et l’UDF ? Sur la violence dans les cités ? A quand l’immersion dans le réel ? La presse écrite meurt parce qu’elle vit à côté de la plaque. Parce qu’elle décadre, par tics mimétiques, ce qu’elle constate. Il faut qu’une équipe de jeunes journalistes helvètes loue un HLM à Bondy pour comprendre enfin ce qui se passe réellement dans une cité difficile. Il faut désormais travailler dans un dépouillement à l’anglaise, en regardant droit dans les yeux les réalités les plus crues, sans se mentir, sans mentir aux autres.

La seule et réelle noblesse de ce métier est de perturber les dogmes les plus poussiéreux, de bousculer les certitudes les plus établies, de dénouer l’artificialité des propos sentencieux, de partir de l’expert pour aller à la réalité, d’exercer des va-et-vient permanents entre ces deux pôles.

Quand les lecteurs retrouveront le monde tel qu’il est décrypté dans les journaux de référence, les blogs et autres fantaisies ludiques d’expression narcissique retrouveront leur vraie place, forcément anecdotique.

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Trahi par Yves Calvi. Souffrant d’une acalculie sévère, j’ai fait confiance à l’excellent Yves Calvi qui situait il y a quelques jours le 22 avril à moins 60 jours. Je ne savais pas que nous partagions ensemble cette pathologie. Le chrono rétabli, j’espère que je ne me suis pas planté. Sinon, ma crédibilité sera définitivement atteinte.

La désorientation. Pour les ségophiles, il est pénible de lire le dossier de la semaine de L’Obs. A chaque ligne transpire le doute sur elle. Comme je le craignais, le soufflet Ppdaesque serait presque déjà retombé. On pressent comme une bayroutisation de la gauche. Une envie, une nouvelle fois, de renvoyer le PS à sa nécessaire réforme. Un PS en sursis. Ainsi donc cette opinion qui a porté le phénomène Royal serait définitivement habitée par le scepticisme. Comme si l’excellente prestation Ppdaesque n’avait été qu’une divine surprise dans une concaténation de broutements, d’hésitations. Comme si le rappel des éléphants était une bourde de plus. Comme si Lionel Jospin incarnait à sa manière, involontairement, très injustement, le dépassement du PS. Comme si la gauche n’avait pas réussi à poser le cadre clair d’une perspective d’avenir alors que Sarkozy a été l’un des actifs ministres d’une droite sanctionnée en 2004. Comme si la France votait définitivement avec les tripes à l’air, dans un air de bombance. Comme si elle ne croyait plus à la politique. Comme si la France était un ensemblier rouillé d’ego en goguette. Un air vicié de fête du désespoir. Une désespérance enchantée, une dernière coupe de champagne avant le crash. Comme s’il fallait être économe pour réussir alors qu’il y a tant de deniers publics à mobiliser pour panser les plaies du pays. Comme si le discours gnangnan, populiste, intenable, d’une confrontation démocratique sans droite ni gauche était possible. Comme si la vie politique était un logiciel, sans choix, un surplace de non-choix. La France aurait donc décidé de ne pas choisir. Comme si la démocratie n’était plus la confrontation de projets mais la dilution de bonnes actions, comme les Sicav, un peu de zone Europe, un chouia de zone Asie, etc.

Cette campagne flirte en permanence avec l’irrationnel. Petite incursion de Sarko en banlieue. On dirait une opération spéciale de la DST. L’incrustation d’un ami puant à une soirée où il n’a pas été invité. Lamentable dérive politique. Sarko doit pouvoir se rendre où il veut. Celui qui voulait effacer, tel Mandrake le magicien, les zones de non-droit demande à ses troupes de les comptabiliser pour ne pas l’envoyer au casse-pipe. Qu’a fait Ségo pour faire autant douter ? Avez-vous entendu parler DSK de l’Europe ? Avez-vous entendu Lionel Jospin de la place de la France dans le monde ? Avez-vous goûté aux fougues oratoires de Laurent Fabius ? En quoi, soudainement, ces hommes porteurs de sens seraient-ils devenus les symboles d’un rejet

Faut-il désormais, comme le fait simplement un chroniqueur d’Arrêt sur image, l’émission de Daniel Schneiderman, confier aux neurologues le soin de nous guider dans le maquis baroque de cette campagne. De nous montrer comment un geste, un éclair mutin de la pupille, un buste avancé, un sourire entendu, une conviction démagogique martelée, un échec retentissant retourné en succès d’estime, une frugalité budgétaire élevée en parangon de vertu, une claque, une caresse à la crinière d’un cheval, une main posée sur le bras malade d’un homme en fauteuil, une rose enlacée à un pied fétichiste, les perles maintenues suspendues du grand zapping des images, comment un menu détail fait campagne…

Bref, une élection de reflets, où la musique des projets compte plus que la justesse des idées, où la manière d’enchanter le futur cache les modalités de construction de son apparition. C’est le grand barnum des apparences. Le bise de Jospin à Ségo compte plus que l’analyse de la performativité des contrats de travail. Les intellos ont disparu. Les notes s’ensablent dans le rythme des campagnes. Vite, une usine pour aller tâter de la misère ouvrière. Vite, des femmes pour faire pleurer sur les violences conjugales. Vite, vite, de l’image éjaculée pour que nos cerveaux captifs absorbent la forme au JT agité de larmes.

Et cette journaliste qui demandait à Ségo : vous êtes habillée en blanc aujourd’hui… Eh, oui, il fait beau, hein. Et ça a fait Sciences Po tout ça… Prochain livre de la journaliste politique : du primat vestimentaire dans le succès électoral ? N’est pas Rimbaud qui veut, ma belette ! A quand la publication quotidienne de la tenue vestimentaire de la candidate ? Et cette meute journalistique qui souligne le fait qu’elle joue de sa féminité ; ah, je hais ses propos à la con. Comme si Ségo était allée voir un relookeur pour doper la campagne. Comme s’il fallait qu’elle se sape avec une blouse récupérée auprès de ma grand-mère pour la jouer je ne sais pas quoi d’ailleurs. Comme si tout était doute, l’universalisme du doute, le vote du doute. Mon moi doute, nous doutons et, au beau milieu de ce vagissement collectif, l’effet rock’n’roll du flash.

L’image tue à petit feu la fierté de l’intelligence. L’image tue à petit feu le respect de l’effort. L’image nous tue. Cette élection, chers amis, je vous le dit, se jouera la veille au soir du 22 avril. Un bon petit acte d’incivilité monté en neige par la téloche. Une caresse de cheval. Une gifle à un gamin, si possible issu de l’immigration, ça s’imprègne plus vite dans nos cerveaux hétérophobes. Ségo qui fait traverser une vieille à un passage clouté. Sarko qui récupère tous les scooters volés des gamins de Neuilly. Bové puni de tabac à pipe dans sa cellule. Etc.

Puisqu’on en est là, pourquoi ne pas demander à Julien Lepers de trancher les débats dans un spécial Questions pour un champion. Top ! Quelle température faisait-il lorsque l’Abbé Pierre lança son célèbre appel au creux de l’Hiver 54 ? Top ! Quel est le nom du cheval de Bayrou ? Top ! De quelle couleur était le tailleur de Ségo lors du meeting de Trifouilly-les-Oies ? Top ! Combien mesure Nicolas Sarkozy ? Top ! Bruno Mégret s’est-il vraiment réconcilié avec Le Pen ? Top ! top ! ploc ! Je vous en supplie, donnez-moi du Jospin, du Juppé, du DSK, du Giscard, du Delors. Je veux ma dose d’intelligence. Pas du subutex.

Au sujet des contacts avec Ségo, j’ai une copine à moi qui fait partie de la Star Academy, Yvette Roudy. J’ai animé deux colloques avec elle, elle est redoutable, vive. J’ose avouer, en rougissant un petit peu, qu’elle a apprécié mon travail, enfin, c’est ce que l’on m’a répercuté, mais pas des gens que je connais, des gens éloignés. Yvette, si tu m’entends… A demain, si vous le voulez bien…

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Connaissez-vous Nadia Brya ? Je me lève tôt ce matin avec le poids d’une culpabilité dans la tête : faut-il intégrer Désir d’avenir, là, maintenant, tout de suite, cliquer et en être?

Dans les Bouches-du-Rhône, la responsable du futur parti majoritaire de gauche s’appelle Nadia Brya. Ancien baveux dans un grand petit canard, j’ai eu le bonheur de la connaître. Elle a été candidate dans les quartiers nord de Marseille pour une cantonale de 1998 et a été battue par une communiste brejnévienne qui avait punaisé le portrait de Georges Marchais dans son bureau.

Lorsque je m’étais rendu dans ledit bureau pour écrire son portrait, je l’avais un petit peu titillé sur la présence spectrale de Georges. Elle m’avait demandé gentiment de ne pas parler de la présence de ce portrait. J’avais accédé à sa demande. Flagrant délit de connivence. Je déteste tirer sur les ambulances.

Je ne connaissais pas à l’époque François Bazin, journaliste politique au Nouvel Obs, le plus grand sans doute. Le plus grand, ça ne veut rien dire, ça dépend des idées de la hauteur que l’on se fait, mais quand même, parfois, les évidences coulent sans qu’on y réfléchisse. Ce n’est pas de la flagornerie, François, c’est juste quelque chose que j’avais envie de te dire simplement. Je me souviens du message que tu m’avais laissé un jour sur mon portable. J’étais alors rédacteur en chef du Pavé de Marseille. Et tu voulais que je bosse un petit peu pour vous. J’ai donc eu la chance de te rencontrer.

Bazin, sur le terrain, c’est une méthode de travail. Il arrive à Marseille. Rencontre tout le monde. Prends rarement de notes. Laisse les impressions opérer des cercles concentriques. Cherche derrière les mots, les colères, les allusions, les crispations à identifier les trajets obscurs d’une communauté politique traversée d’égotismes, de craintes, d’authenticité.

Un jour, nous avons déjeuné ensemble. J’ai eu droit à une leçon magistrale de journalisme. Nous avions longuement pénétré les arcanes des particularismes locaux. Et tu m’avais ramené sur le terrain de l’archéologie du politique. Les systèmes naissent de l’Histoire, des conquêtes de patrimoines délaissés, de la géographie complexe des écosystèmes, des lignées familiales symboliques, des soubresauts des soubassements psychologiques des uns et des autres, du dégoût mondain des élites envers le peuple, de la pusillanimité des intelligences peu disposées à se salir avec ce peuple vagissant.

Poussé par ce désir de comprendre et non de juger, cette volonté d’expliquer et non de stigmatiser, Bazin éclaire l’avers du décor, les viscères du système, révèle une poétique du politique. Le vrai journalisme politique est là : non pas la haine du système mais l’éclaircissement de ce qui paraît, de prime abord, si artificiellement rageant. Je voulais juste te dire merci.

J’en reviens à l’amie Brya. Ségolène, si tu m’entends, tu as là de l’or en barre, de la pureté explosive, une élue potentielle qui bossera d’arrache-pied en renforçant l’honneur de la fonction. Ce premier petit écho s’effiloche dans l’alambiqué. Mais qu’importe, la blogosphère est le lieu du relâchement des normes.

Merde au chiffrage. Je sais, je ne devrais pas parler comme ça, ça fait un peu populo post-deux pastis, ça exhale un air de Café du commerce à 13h12, quand Pernaut se moque de la France profonde, quand l’actualité est ramenée à une suite de riens endimanchés ; TF1, pour moi, c’est le fond de thym de l’actu, l’aromatisation du plat des horreurs, l’exhaussement du dégoût.

Mais quand même, je poursuis sur mon éructation du jour, oui, trois fois merde au chiffrage. On reproche à Ségolène mais aussi aux autres aussi de délier les cordons d’une bourse passablement vide. On reproche aux candidats de financer leurs réformes en payant avec de la monnaie de singe. Je trouve le reproche déplorable. Dans le cas contraire, la campagne tournerait en rond, pas de projets, pas d’idées, zéro milliard d’euros dépensés, votez pour moi, je ne ferai rien.

Ce qui me gêne le plus, c’est la cohorte très parfum masculin d’avant la tribune de Julliard dans l’Obs des spécialistes des finances qui intègrent jour après jour les annonces présidentielles pour établir le compte courant des engagements. Pour eux, le meilleur serait le moins dépensier, un Etat absent à un moment terrible où il doit au contraire réaffirmer son autorité.

Se confronter aux Français courageusement, c’est forcément tomber sur des préoccupations catégorielles, des souffrances celées, du compassionnel ; c’est savoir écouter les dysfonctionnements dont le traitement coûterait peanuts ; c’est donner une vision de sa France où les Nadia Brya seraient indiscutablement projetés au devant de la scène, non pas pour pomper le fric des impôts, mais pour l’utiliser au lissage pacificateur des pactes civiques.

Je demande donc solennellement aux lecteurs du Financial Time de nous les lâcher un peu, le temps de la campagne, de nous laisser rêver en chiffrant le bon sens qui permettrait aux gens d’en bas de sortir des camisoles sociétales que Bazin dénoue si brillamment.

Les entreprises ont compris. Oui, chère Ségolène, elles ont compris. « Je ne peux pas supporter l’idée que mes salariés arrivent au travail avec la peur de l’avenir nouée au ventre », me disait un patron marseillais du BTP récemment. CNE, exonérations, patati… Il s’en fiche, le mec. Il veut du plaisir, du talent, un petit emballement collectif, une petite et belle histoire qui nous rendrait tous moins cons. Il s’est excusé en me disant qu’il était de droite, j’ai pris cette remarque pour une insulte.

Depuis que Pierre Cardo (UMP) est maire de Chanteloup-les-Vignes et qu’il a accompli un travail paradigmatique sur les cités difficiles –réélu chaque fois à plus de 60 % par le peuple de gauche, je dis ça pour rire bien sûr-, depuis que j’ai appris à découvrir les lignes de pensée de Jean-Christophe Lagarde, le maire UDF de Drancy, j’ai surmonté l’abêtissement acnéique de la caricature. Oui, Ségolène, les entreprises ont compris. Qu’importe qu’elles votent à droite, elles ont compris le principe du donnant donnant. Elles joueront le jeu avec toi.

Il y a un truc que je ne comprends pas au sujet de François. Oui, ton mec, le père de tes enfants. En 2007, j’avais acté que les couples s’aimaient et construisaient éventuellement une famille autour d’un principe irréfragable d’intimité, de sphère privée. Je n’arrive pas à comprendre en quoi la présence à l’Elysée du premier secrétaire du Parti socialiste pourrait constituer un bug dans ta dynamique personnelle.

Par sens de l’équilibre, je te propose de réserver une aile éventuelle du grand bâtiment de la France à Bernadette afin qu’elle puisse poursuivre son action généreuse en direction des enfants malades des hôpitaux. Elle était touchante, j’ai trouvé, cette femme, la dernière fois, face à Drucker. Je l’imagine avec tristesse en train de faire ses cartons, avec Jacquot en pantoufle et le chien Sumo qui gambade entre leurs jambes frêles. Quand elle suggère très authentiquement qu’elle ressentira un petit pincement au cœur en quittant l’Elysée, je la crois follement sincère, c’est-à-dire légèrement déformée face aux réalités du monde, uniquement en phase avec l’angoisse de la rose trémière face au réchauffement climatique. Mais ce que je dis est méchant et je n’aime pas être méchant. Cette femme est éprise d’humanité, c’est incontestable. Elle a juste été emportée par la bâfrerie de pouvoirs de son mari, elle pensait sincèrement que le pouvoir méritait les largesses de l’Etat, tous ces frais de bouches indécents, ce monde qui ne touche plus terre.

Bazin m’aurait expliqué : on oublie vite le rôle central des grandes familles bourgeoises dans la grande histoire du progrès. Ne plus s’emporter, rester sobre face à l’énervement primesautier, repousser les explications faciles des plateaux de Ruquier et Bern. Relire Foucault. Passer une VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) d’archéologie.

Trois courriers… Depuis que j’écris ce blog destiné in fine à entrer dans le staff de Ségolène Royal pour faire le lien entre les experts révérés mais épuisés par les efforts qu’on leur demande pour simplifier leurs pensées et les gens de l’infra-ordinaire (Georges Pérec), j’ai reçu trois courriers d’internautes. Ce n’est qu’un début.

Ayant eu la chance d’avoir des parents merveilleux qui m’ont inculqué les blandices de la politesse, j’ai bien entendu voulu remercier ces aimables et talentueux contributeurs. Mais j’ai une difficulté majeure qu’un psy ne pourrait traiter dans l’espace du temps qu’il me reste à vivre et je trouve finalement qu’il faut savoir saluer la profondeur authentique de ses peurs et autres maladresse, bref, je ne sais pas comment ça marche pour dire merci. Trademarcks ou trademarks, bref, une subtilité technique m’échappe et dans ce monde réseauté, ne pas avoir la technique, c’est perdre la plume. Je salue donc ces contributeurs citant par exemple Corneille.

C’est sympa, cette blogosphère, on se prend à rêver de repas moins chiants où, très simplement, sans la violence mondaine du ping-pong des acquis culturels, sans la morgue de ceux que ça gêne d’être là parce qu’ils sont trop intelligents pour nous, quelqu’un parlerait de Corneille généreusement entre deux passages d’anges.

Je n’aime pas ressentir de haine. La haine est une impasse, une incompréhension. C’est pour cette raison que j’ai décidé de me pencher sur le cas de Nadine Morano, la dernière trouvaille UMP. Dans Envoyé Spécial, voir cette femme encapuchonnée dans son manteau fourbir un méchant coup avec une copine de classe devenue attachée de presse pour s’introduire vulgairement dans un colloque sur le Handicap pour casser de la Ségolène comme on arrache un sac à une mémé sur la Canebière me donne envie de gerber ou de voter Le Pen avant de demander aux bourreaux de Sadam Hussein d’achever mes souffrances. Mais je n’aime pas le goût que laisse la haine quand elle se déploie. On regrette toujours la haine. Je me calme.

Cher Eric Besson. Ne fais pas ça, je t’en prie. Calme-toi. Un garçon aussi intelligent que toi. Je devine les raisons de ton pétage de plomb dans l’univers pachydermique de Solferino. Tout ça sera bientôt fini.

Je finirai bien sûr toutes ces petites chroniques de la vie ordinaire d’un ancien baveux en vous tenant au courant de mes tractations avec Ségolène. En fait de tractations, il faudrait plutôt parler de traction arrière. Toujours pas de coup de fil. Soyez attentif à l’annonce de la réorganisation de l’équipe de campagne, l’info du jour sera que je n’y suis pas. Je m’en fous, Ségolène, si tu t’obstines, j’en profiterai pour lire à fond l’œuvre de Philip Roth et notamment la Contrevie dont Desplechin fait prochainement un film. Et ne compte pas sur moi pour en faire une fiche de lecture.

Tiens, la Contrevie, ce serait génial comme slogan de campagne, non ? Je plaisante, Ségolène, bien sûr. A demain et mes amitiés à François et à la petite famille…

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