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Archive for the ‘Bayrou’ Category

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=13497

Tel Galilée, François Bayrou considère que la vie politique française est naturellement vouée à tourner autour du centre qu’il incarne. Il se considère comme visionnaire. Comme tous les fous géniaux, il suscite réserves, critiques, abominations.

Ségolène Royal continue de croire que le vrai déploiement du centre se fera lorsqu’il se sera légèrement déporté vers la gauche moderne qu’elle entend promouvoir. Nicolas Sarkozy, lui, a tiré un trait sur le troisième homme : il veut sa disparition.

Le Modem est un point de convergence. Donc un lieu de cacophonie naturel. François Bayrou ne peut le dire de cette façon mais cette polyphonie ne le gêne en rien. Il aime voir les ex-Verts gambader avec Ségolène Royal. Il n’en voudra pas à un ex-UDF-d’avant d’inviter « ses » électeurs à voter pour un UMP bien charpenté. Et recourent au langage des signes pour signifier son état d’esprit du moment.

La clairvoyance d’une Marielle de Sarnez éclaire lumineusement un joli tango politique : pas de consigne politique mais l’affirmation d’un désir de pluralisme dans la future assemblée.

Sur le propre secteur de François Bayrou, le candidat UMP se retire, ce qui montre que la fatwa édictée par le grand manitou UMP est diversement appréciée sur le terrain. Bref, je le dis et je le répète, François Bayrou n’a qu’un seul et unique horizon dans la mire : Lui et 2012.

Autre intelligence de situation : il considère que l’électorat n’est pas un cheptel que l’on guide à travers les pâturages les plus fournis selon les soubresauts calendaires. Il le responsabilise, ne veut exercer sur lui aucune forme d’OPA. Le temps des magistères est fini. Ni Dieu, ni maître, ni gauche, ni droite : le Modem cherche à coloniser le centre.

Et si la gauche ne se refonde pas rapidement, François Bayrou sera au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, porté à la fois par les classes moyennes excédées par le discours involutif du PS et sa bonne image en construction dans les cités populaires de l’hexagone.

Une question se pose donc et je suis sûr qu’elle a traversé votre esprit : et si Ségolène Royal rejoignait le Modem ?

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http://www.michel-lafon.fr/img/thumb_1137127386_le_livre_de_la_gauche_franz.jpg

 J’ai entendu pas mal d’inepties, ces derniers jours, pour rester poli. J’ai trouvé très surréaliste cette exhortation quotidienne au refus d’une majorité massive UMP. Chaque homme de gauche s’affolait de la vague bleue annoncée. Mais à qui était destiné ce discours ? Aux électeurs de Sarkozy ? Cohérents, ils ont renouvelé leur vote. Aux électeurs de Royal ? Déçus, ils ont moins voté que pour la présidentielle.

Le bel élan civique de la présidentielle est donc trop frais dans l’esprit des plus jeunes des cités. Il faudra qu’ils apprennent, à l’instar des clubs de supporters de foot, qu’une équipe doit être supportée surtout lorsqu’elle est en difficulté.

Quant au score du Modem, je le trouve parfaitement cohérent avec la démarche de François Bayrou : l’hypercentre s’installera dans la réalité politique française le jour où Bayrou sera au deuxième tour de l’élection présidentielle. En attendant, le schéma se fait sur la bipolarisation. Si la gauche ne se renouvelle pas dans les prochaines années, François Bayrou sera au deuxième tour en 2012.

Une autre référence m’a quelque peu désarçonné : je serai curieux de retrouver les discours de François Mitterrand en 1988 lorsque, si j’en crois certains politologues, il invita ses propres partisans à ne point trop en faire en ne lui offrant pas une majorité écrasante. Comment cette bizarrerie politique s’est-elle mise en place ? Quelqu’un s’en souvient-il ?

Pour la gauche, il reste une petite semaine à tenir autour de la dépouille de ses faiblesses. Ensuite, il faudra se mettre au travail en respectant un certain nombre de points :

1. Eviter de tomber dans le jeu de l’hyperprésidentialisation de Sarkozy. Le Président de la République sera sur les écrans tous les soirs. Pour lui, c’est une campagne électorale en boucle, une vampirisation de l’espace médiatique. Je conseille au PS de se mettre en retrait pour éviter le piège avec intelligence : ce n’est pas avec une simple stratégie d’opposition que le PS sera en mesure de l’emporter en 2012 mais avec un projet propre, audible.

2. Nommer les avancées en termes de clarification. Mener rondement cette auto-critique que les Français se sont chargés de faire puisque le PS regardait ailleurs.

3. Donner un sens symbolique fort au renouvellement espéré : lutter contre les cooptations systémiques, favoriser le retour du débat dans les sections en invitant les intellectuels et les experts à façonner un projet de société tourné vers 2020, changer de posture…

4. Lister les réussites concrètes, dans le secteur associatif, au sein de la société civile, dans les pays européens, pour tisser, au fil des jours, un projet de société réintégrant l’humanisme dans le libre échangisme économique.

Car le Parti socialiste n’a pas seulement perdu une élection en 2007. Il a perdu une perspective de l’avenir, un manuel pour l’appréhender.

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http://argoul.blog.lemonde.fr/files/bayrou.jpg

C’est une partie importante qui se joue ce soir dans les locaux du Modem. François Bayrou, entouré de ses proches collaborateurs, va donc décider de la stratégie à suivre pour le deuxième tour des élections législatives.

Quelles consignes de votes donnera-t-il dans les circonscriptions où le Modem ne peut se maintenir ? Si l’on suit le raisonnement de François Bayrou, la farouche et authentique indépendance prônée par le Modem se traduirait donc par des soutiens à géométrie variable (UMP et PS) en direction de candidats bayrou-compatibles.

Mais, le risque d’une assemblée monochrome assez élevé, tendance bleue, devrait le pousser à ne soutenir exclusivement que le Parti socialiste, dans le cadre d’un accord de réciprocité. Ce choix constituerait un tournant dans la stratégie « niniste » de Bayrou.

L’UMP ne manquerait pas de fustiger sa dérive à gauche. Et son élan authentiquement hypercentral perdrait de son authenticité dans ce discret pas de côté vers la gauche.

Pis encore, une absence de consignes autoriserait certains membres (anciens Verts, par exemple) à s’affranchir de la neutralité d’un chef de troupe en quête d’unité dans ses rangs.

Alors, François Bayrou va devoir choisir. Et clarifier les conditions de ce choix. L’amorce d’un centre gauche ou la continuation du « ninisme » ?

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http://ps93sevran.canalblog.com/albums/pot_de_bonne_annee_2006/m-PICT0025.1.JPGJe viens de lire le chat de Jean-Christophe Cambadélis sur le site du journal Le Monde. C’est la première fois personnellement que j’entends dans la bouche d’un responsable important du Parti socialiste des mots aussi clairs, immédiatement perceptibles, sur les erreurs du PS et sa cruelle absence de solidité programmatique.

Ce courage introspectif est tout à votre honneur, M.Cambadélis. Les militants socialistes ne sont pas dupes : ils savent que le PS souffre d’une grave anémie touchant tous les organes de son fonctionnement collectif.

Les idées, bien sûr : elles existent mais elles restent au stade de la profération creuse, elles n’ont pas été passées au tamis des experts extérieurs, elles n’ont pas été confrontées à l’épreuve des faits.

L’absence de metteurs en mots : dans un monde hypermédiatique, on passe la première barrière de la persuasion en augmentant le volume d’effectivité des mots, sans céder pour autant aux facilités dialectiques. Un concept qui tremble, qui manque de muscle lexical échoue.

La frilosité à recruter des agitateurs d’idées : le PS est recroquevillé sur lui-même, il a peur des interventions extérieures capables de remettre en cause ce que j’appelle les équilibres systémiques (chacun à sa place thésaurisant son petit lot d’avantages).

Les abcès localistes : les fédérations et leurs pratiques clientélaires rendent l’émergence d’un discours rénovateur difficile. Aux échelles départementales, on gère les compétences par cooptations, par enchaînement dynastique et on saigne à blanc les viviers intellectuels par peur d’une remise en cause systémique. Il ne se passe plus rien dans les sections socialistes. Plus de débat, plus d’affrontement, plus de formation militante (décryptage de l’actualité, intervention extérieure d’un expert, d’un journaliste, d’un auteur, etc.).

Cette absence de culture politique est dramatique pour des militants censés innerver le débat public de points de vue autoritaires. Cette absence de prise en compte des appétences militantes est contristant. Parce qu’elle risque, sous peu d’ailleurs, de faire tomber à plat toutes les exhortations, même les plus authentiques, aux divers électrochocs.

Quand j’entends des personnalités politiques socialistes appeler à la rénovation du PS alors qu’elles décorent la tapisserie jaunissante de Solferino depuis les années 50, je me dis que quelque chose cloche dans ce désir d’avenir qui reste interpellatif à défaut d’être interprétatif. Je ne suis pas un excité du jeunisme à tous crins. J’ai le plus grand respect pour les anciens. Et ceux qui sont là y sont pour des raisons justifiées. Mais j’ai le sentiment qu’ils ont brûlé leurs énergies intellectuelles incontestables à tenir à flot un système brinquebalant. Dans la bouche des responsables du PS, les mots de la rénovation sont vieux, terriblement vieux, affectés d’arthrite.

Donc, merci une fois de plus, M.Cambadélis, de mettre votre intelligence au service de ce diagnostic sans faux-fuyants. Si le PS ne va pas dans le sens que vous indiquez, beaucoup de sympathisants voteront pour le Modem de François Bayrou en 2012, c’est à mes yeux une évidence. Encouragez donc Dominique Strauss-Kahn à faire ce que tout le monde attend : un rapprochement avec Ségolène Royal (je ne vois aucune raison que ces deux personnalités divergent sur l’avenir de la France) puis une prise de contact avec François Bayrou, dans le respect des indépendances respectives, mais juste pour construire une hypothèse de futur.

Si Nicolas Sarkozy souhaite si ardemment éradiquer la proposition politique qu’incarne François Bayrou, c’est qu’il craint qu’elle constitue en 2012 une alternative plus solide encore qu’en 2007. Et cette fois, croyez-moi, oui, sans scrupule, sans honte, sans retenue, sans baratin sur le vote utile, sans remords, la majorité des sympathisants du PS voteront Bayrou avec enthousiasme et sans amertume.

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http://www.adgoog.com/blogLes Français ont désormais sous les yeux un paysage politique notablement clarifié. Trois propositions s’offrent à eux. Elles ont pour caractéristique commune la volonté d’une hyperprésence qui renouvellerait les traditionnelles approches d’alliance.

Ayant réussi l’examen de la séduction, Nicolas Sarkozy est obsédé par la volonté d’injecter des anesthésiants dans le corps malade de la gauche. Pour reprendre la désormais célèbre expression d’Edwin Plenel, l’hyperprésidentialisation veut s’assurer une stabilité dans le temps en récupérant les soldats frustrés d’une gauche fatiguée d’elle-même. Il n’est pas certain que la tactique réussisse tant les recrues sont déjà démonétisées dans l’esprit de la gauche mouvementiste. Je pense plus particulièrement à Bernard Kouchner et Eric Besson, Jean-Pierre Jouyet et Martin Hirsh, de par leur parcours, ne pouvant être rangés sous le même label opportuniste.

Cette sphère va s’élargir avec deux recrues annoncées de chaque côté, le pathétique Jack Lang et le clairvoyant Jacques Attali. Si Nicolas Sarkozy agit de la sorte, c’est qu’il connaît mieux que quiconque la versatilité de l’opinion publique en bon ex-balladurien borduré.

En ces temps nouveaux de consumérisme électoral, le temps des preuves suit de près celui de la séduction. L’hypnotisme sarkozyste est donc, de ce fait, soumis à la même épreuve des faits. Ce n’est plus la légitimité d’un succès électoral, si patent soit-il, qui assurera le prolongement de l’euphorie, mais celui de la légitimité des preuves (le prix du chariot dans les hypermarchés, l’anoblissement de la valeur travail, l’enrayement du descenseur social, le sentiment d’une sécurisation au sens large des conditions de vie, etc.).

Il faut être bouché à l’émeri pour ne pas comprendre que Nicolas Sarkozy gouverne avec une carte réactualisée, tous les matins, de l’état de l’opinion. Or, la politique est l’art de remonter les courants contraires, de secouer les acquis, de piétiner les consensus. Habile, animal, Nicolas Sarkozy n’ignore pas le rejet dont il fait l’objet dans une partie importante de l’opinion. Cet anti-sarkozysme est pour l’heure un volcan éteint. Mais, en bon géologue, Nicolas Sarkozy travaille sur les conséquences d’éruptions inévitables.

L’autre hyperprésence s’enracine autour de François Bayrou. Son « ninisme », sa volonté de sublimer un hypercentre a été couronnée de succès à l’élection présidentielle et Nicolas Sarkozy ne l’ignore pas. La création cynique du nouveau centre, l’énergie mise à réunir l’axe radical prouvent s’il en était besoin qu’il souhaite bloquer l’innervation du discours de François Bayrou mais cette ligne de Maginot ne tiendra pas à la première difficulté tant les Hervé Morin, Maurice Leroy et autre Jean-Michel Baylet apparaissent comme des opportunistes sans valeur aux yeux d’une opinion désireuse de rejeter ces arrangements mafieux.

François Bayrou a réussi une énorme performance, celle de s’inscrire dans une possibilité d’avenir. Il incarnerait presque la meilleure opposition actuelle, celle d’un dépassement vertueux. Une seule épreuve l’attend : le choix. Les sciences physiques peuvent être éclairantes pour juger de l’inscription dans le temps des offres politiques nouvelles. L’équilibre, par essence, est précaire puisqu’il se pose au centre de deux forces centrifuges dont les conditions de matérialité sont mouvantes.

Le tsunami sarkozyste déplace le centre actuel au centre gauche. C’est une loi physique dont j’ai cru comprendre, avec mon modeste bagage scientifique, que François Bayrou avait repéré le déplacement. Quand il déclare dans le journal télévisé de France 2 du 3 juin à 20h que le deuxième tour du Modem aux législatives creusera l’hypothèse d’un plus grand pluralisme à l’assemblée nationale, beaucoup traduisent que des accords nombreux et décisifs seront scellés avec le Parti socialiste pour éviter une monochromie monotone au Parlement.

D’ailleurs, la facilité avec laquelle beaucoup d’élus Vert, souvent compétents, ont rejoint le Modem, sanctionnant ainsi la dérive picrocholine du parti écologiste, laisse supposer que les abouchements seront possibles entre des candidats PS effrayés par l’atonie de Solferino et un Modem très suspicieux sur l’état de grâce sarkozyste.

Enfin, la dernière hyperprésence, qui n’a rien du discours de la méthode Coué, et ça aussi, Nicolas Sarkozy le sait, est incarnée par le PS ségolisé. Dans les joutes classiques, le perdant est invité à traverser le désert pour ressourcer le discours. Or, n’en déplaisent à ceux qui la trouvent nunuche, Ségolène Royal a réussi la performance qu’un stratège comme Sarkozy ne peut qu’apprécier de faire porter la responsabilité de sa défaite aux pachydermiques dysfonctionnements du Parti socialiste.

Avec une foi d’airain, en intuitive née, habitée par une force mentale bien au-dessus de la moyenne, Ségolène Royal croit en son étoile et rien ne pourra la faire dévier de cette certitude. Comme si elle avait analysé les raisons de son échec : l’absence de profilage du discours, l’absence de mots, de syllogismes forts. Dire, c’est agir, rappellent les linguistes. Royal a perdu la bataille des mots, pas celui de la rénovation sociétale du pays.

L’après législatives au PS s’apparentera à un été meurtrier. Il se murmure déjà que les puissantes fédérations, soucieuses de défendre leurs réserves foncières à l’approche des municipales et des cantonales de 2008, prendront l’initiative d’une plus grande clarification du projet socialiste pour ne plus être otages des chicaneries nationales.

Mais les baronnies locales ont le sens du concret et elles savent que Ségolène Royal est aujourd’hui incontournable. Le seul ségocompatible est aujourd’hui DSK qui devra faire preuve d’humilité pour accepter une telle destinée. Car Ségolène Royal a profité des flottements directionnels du PS pour imposer sa marque. Et, tel un outsider ayant pris une dizaine de minutes dans une étape de plaine aux favoris du Tour de France, elle a pris une considérable avance dont elle capitalise l’avantage : les groupies ségolisées, à forte dominante féministe et zone sensible urbaine, ne la lâcheront pas tant le lien relève d’un surprenant mysticisme.

Ces trois hyperprésences conditionneront les prochains rapports de forces. Du discours à la mise en œuvre, Nicolas Sarkozy ne pourra slalomer continûment entre les récifs de la réalité. Le temps fusionnel des bises sur le perron de l’Elysée et des mains dans le dos complices ne durera pas face à une opinion française aussi ductile, capable de refuser la Constitution européenne et de voter deux ans plus tard pour un de ses promoteurs.

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actualite.aol.fr

On la sentait bien venir, cette petite gêne, dans le cadre de l’émission France Europe Express. Christine Ockrent, épouse de Bernard Kouchner, journaliste d’une des émissions les plus conséquentes du paysage audiovisuel français avec celles d’Yves Calvi. Et François Bayrou, dont la diagonale dialectique rappelle celle d’un fou (donc de quelqu’un de raisonnable dans mon esprit) eut ce petit hoquètement hilare qu’il affecte quand il sent que son propos va bousculer le politiquement correct, en s’excusant par avance d’oublier la proximité familiale entre le ministre et son épouse pour tenter une énième clarification entre « ralliement » et « alliance ». Aussi sincères que puissent être les démarcations entre vies privée et professionnelle, Christine Ockrent n’est plus, depuis quelques jours, une journaliste comme les autres.

Chère madame, j’eusse apprécié qu’en début d’émission, les yeux dans les yeux, vous prîtes la parole pour nous livrer les clés d’un contrat de confiance : ici, mon mari est un homme public comme les autres ; quand je ferme la porte de mon domicile, ça devient mon ou notre problème…

Je vous pose donc directement quelques questions auxquelles je suis sûr vous saurez répondre : comprenez-vous que les téléspectateurs de votre excellente émission puissent être légitimement troublés par votre contexte familial ? Pensez-vous pouvoir conserver dans cette situation votre capacité de critique ?

Votre époux, dont la principale qualité est de ne pas se fondre sans moufter dans le conformisme oblitérateur, sera donc souvent sous les feux de l’actualité et les projecteurs se braqueront sur les attractions-répulsions de ses rapports avec un président de la République qui n’est pas conformé comme lui : comment traiterez-vous de ces relations ? Qui le recevra (il est tout de même titulaire d’un porte-feuille cible de votre contenu éditorial) lorsqu’il sera amené à se rendre sur votre plateau ?

Je suis sûr que vous aurez le courage de répondre à ces questions et, dans un élan narcissique pathologique, vous invite à être interviewée sur ce blog sur le sujet.

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http://tempsreel.nouvelobs.com

Il y a deux manières de juger le ralliement d’un homme de gauche dans un gouvernement de droite et vice-versa : celle qui consiste à dire que la noblesse de la gestion des affaires de l’Etat dépasse le débat politique et qu’une fois passé le temps de la confrontation, seul prime l’intérêt immarcescible de l’Etat ; celle qui refuse cette dichotomie facile entre l’affirmation de ses convictions profondes et l’adaptation à un principe de réalité.

L’air du temps est à la vibration de cette idée que la confrontation politique est d’une improductivité infantilisante et que la modernité se régénère dans une progression au jour le jour dans le maquis des défis à relever. L’infusion de cette idée est une menace pour la richesse du débat politique : elle risque d’amoindrir la recherche, des deux côtés du balancier politique, des expériences couronnées de succès ; elle expose le débat politique à la tentation de la synthèse qui n’est jamais qu’un couvercle chuintant que l’on pose sur de vraies divergences de fond. Elle démonétise enfin le débat politique qui deviendrait ainsi, aux yeux de l’opinion, un lieu d’échanges artificiels, une mascarade ritualisée.

Quelle est la nature de la sarkozyphilie subreptice de Bernard Kouchner lorsque l’on pioche sans mal dans les déclarations qu’il fît et dont la peinture est encore fraîche ? Lorsque le French doctor reprochait il y a dix jours au nouveau président de la République de « pêcher dans les eaux de l’extrême droite », mentait-il, prenait-il les gens de gauche sincères pour des gogos lobotomisés ?

Car il n’aura pas échappé à l’opinion française que le corps doctrinal du programme de Nicolas Sarkozy penche très à droite et que le choix du pays doit être respecté. Je veux choisir mes futurs élus à partir des idées qu’ils défendront en campagne.

La démarche de François Bayrou est différente puisqu’il inscrit dans le marbre de ce nouveau mouvement démocratique le principe d’une variabilité d’approche des différentes mesures à apprécier s’il reste dans l’opposition. Mais qui peut penser en France qu’un élu, de gauche comme de droite, n’agissait jusqu’alors qu’en fonction d’une vision étriquée de la bipolarité politique ? Dans les collectivités territoriales, que la majorité de droite soit de gauche ou de droite, l’immense majorité des délibérations sont adoptées à l’unanimité parce que l’édification d’un collège ou le renforcement d’un dispositif de vigilance auprès des personnes âgées ne peut faire l’objet d’une opposition abêtissante.

Bien entendu, cette sagesse n’est pas reproductible à l’échelle de l’assemblée nationale, créatrice du socle législatif du pays, là où les divergences s’élèvent plus frontalement. Mais, si je vote à gauche, et que cette gauche reste minoritaire, je n’attends pas de « mon » élu une déresponsabilisation devant les choix d’opposant qu’il doit faire. J’attends de lui qu’il lance, à l’échelle de la circonscription qui l’a élue, le débat nécessaire, auprès de la population, pour qu’il puisse voter en homme libre, serein et objectif.

Ce n’est pas parce que le débat crée une saine opposition qu’il empêche le recoupement d’éléments unanimement partagés. Dans une démocratie, l’opposition détient un rôle fondamental, celui de faire vivre l’immense minorité battue aux urnes pour que la vision que cette France porte dans ses tripes ne soit pas écrasée par celle de la France majoritaire. Je crois que les institutions, telles qu’elles existent, autorisent cette dynamique du débat. Et non des ralliements de fins de carrière ou de colère inversée qui s’apparentent plus à des haines bruyamment remâchées qu’à des sursauts moraux salutaires.

Bernard Kouchner a sans doute beaucoup de reproches à faire au PS. J’en partagerai sans doute beaucoup avec lui. Pense-t-il une seule seconde qu’en ralliant le camp qu’il a toujours combattu, il sera plus audible auprès de ceux avec lesquels il a toujours cheminé ? Nous sommes tous ambivalents, tous un peu schzyzos… Mais le choix politique doit toujours se faire dans la clarté, avec des ajustements mais sans revirement brusque.

C’est pour cette raison, Bernard Kouchner, que je suis triste aujourd’hui d’apprendre que vous franchissez le gué. Parce que vous le franchissez du jour au lendemain, sans avoir pris le temps de nous expliquer pourquoi vous le faites. Vous le franchissez dans l’entrebaillement de l’air du temps, par haine pour votre famille d’origine, par vengeance. Je vous souhaite cependant, pour la France, le meilleur succès.

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http://www.mjsaquitaine.jeunesse-sports.gouv.fr

Cher ami,

Toi qui vit en Afrique, qui ressent au quotidien les effets du hachoir libéral, qui sait les conséquences crues de l’organisation du commerce international, tu me demandes de te donner mon sentiment sur l’élection présidentielle. Je ne suis pas un expert mais cela tombe plutôt bien : la mode est à la démagogie anti-expertise, l’expertise étant accusée de ne fournir qu’une vision tronquée des faits, in-humaines (j’insiste sur la césure).

Le grand frisson démocratique, de ce côté-là de la Méditerranée, c’est de sonder cette zone grise entre les faits, dont la scientificité est toujours plus remise en cause, et le ressenti d’en bas. L’exercice comporte de grands avantages et de réels risques : à force de nier la réalité (je viens de lire une étude sérieuse attestant que les aides publiques accordées aux entreprises du Cac 40 sont minimes et que les aides en question soutiennent déjà, abondamment, les petites et moyennes entreprises), on se détourne de la nécessité d’œuvrer avec pédagogie envers les citoyens. La nourriture pédagogique est une diététique démocratique : controuver la réalité encourage toutes les transgressions radicales.

La France est un pays habité par une foi révolutionnaire. Elle goûte peu aux discours sur la méritocratie et considère que les laissés-pour-compte ne seront jamais comptables de leur décrochage. Rien à voir avec l’état d’esprit anglo-saxon où les bonnes statistiques économiques masquent généralement les deltas vertigineux entre les revenus des uns ou des autres. La France n’épousera jamais les contours libéraux du marche ou crève bushien. La France ne sera jamais complètement fascinée par le modèle blairiste. Et les quelques décimales de croissance que nous perdons dans les confrontations dialectiques sur le modèle social s’arriment à ce patrimoine révolutionnaire : en France, le discours sur les inégalités ne fait jamais l’objet d’un solde pour tout compte.

De loin, ce pays peut paraître ployer sous de pondéreux paradoxes. Il dit non au référendum et s’apprête à élire pour le candidat le plus libéral sur la gamme des propositions d’avenir. A l’analyse, cette attitude relève de la logique : Sarkozy a instillé un peu de bushisme protectionniste dans son propos. Lorsqu’il indique que la Slovénie a purement et simplement supprimé l’impôt sur les sociétés (la Slovénie est un des 27 membres de l’Union européenne), il précise que Bruxelles n’est plus crédible pour venir lui chercher des poux dans sa volonté de disposer d’une certaine latitude fiscale (notamment sur la réduction de la TVA à 5,5 % sur les métiers de la restauration et de l’hôtellerie).

Bref, ce libéralisme qui effraie tant la France de gauche conserve une liaison forte avec la France qui se lève tôt, en flattant sa valeur et en laissant supposer que l’autre France, qui se couche tard, est irresponsable. Dans chaque corpus idéologique, il y a une petite porte d’entrée pour chacun. Mais ici, chaque débat est à examiner sous toutes les coutures. En tant que journaliste, j’ai eu le plaisir de discuter avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Il y a quelques semaines, ce dernier redoutait que la campagne électorale hexagonale ne tourne à la stigmatisation des assistés.

Le phénomène ne s’est pas produit, fort heureusement. Car, là aussi, la réalité n’est pas aussi simpliste que le débat aimerait le poser : les resquilleurs de l’Etat providence ne sont pas aussi nombreux que le café de commerce ne l’atteste… Pourquoi ? Parce que les Rmistes, pour ne prendre qu’eux, sont à 80 % demandeurs d’une activité professionnelle, même si cette dernière ne leur permet d’atteindre le même niveau de « rémunération artificielle » que celui atteint par les nombreuses aides publiques.

La France est un pays extraordinaire de 64 millions d’habitants qui croit romantiquement aux vertus du consensus. Ce dépassement consensuel est porté par François Bayrou. La culture de la confrontation idéologique a enkysté le pays. Il lui manque de l’huile entre les rouages. On peut multiplier les exemples. Deux mondes se haïssent profondément : celui de la formation professionnelle et de l’éducation nationale. Le premier loue la recherche d’une plus juste adéquation entre les besoins du monde du travail et les formations adaptées ; l’autre considère que cet adéquationnisme comporte des risques de pervertissement (le temps de la mise en place de la dite adéquation étant trop long par rapport aux mutations réclamées par le monde du travail).

Dans ce contexte est apparu un ovni : Ségolène Royal. Gagnera-t-elle ? Les sondages disent que non. Mais cette femme étonnante, accusée de tous les maux, parfois maladroite, a un réel don intuitif. En l’espace de deux ans (2005-2007), elle a ringardisé le Parti socialiste, lieu de synthèses improbables, où la mauvaise foi la dispute à l’irréalisme mal feint. Tous les sondages, qualitatifs ou quantitatifs, la placent généralement derrière Nicolas Sarkozy, animal politique, déroulant des argumentaires fortement empathiques.

Que dit-elle ? La France a des ressources, la France est en quête d’équilibres, la France a besoin d’apaisement. Tout le monde gagnera (donnant-donnant) et si un seul groupe social perd, c’est tout le monde qui sera entraîné vers le bas. Un joyau harmonique que Sarkozy n’a pas encore perçu et qui risque de lui péter à la gueule (mille excuses pour l’expression triviale) au soir de son débat avec Ségolène.

Nicolas Sarkozy souffre d’un complexe de supériorité : il ne doute pas, c’est ce qui fait sa force. Mais cette trop belle assurance est anxiogène. Pis encore : elle le déshumanise. Sa force de frappe dialectique emprunte au détail (la petite fille du gendarme tué qui lui demande de sortir son papa de la boîte, fait éminemment triste, dont il laisse entendre qu’avec lui, ministre de l’Intérieur au moment où le gendarme en question est scandaleusement entré dans la boîte, il n’y aura plus de moments de tristesse aussi forts). C’est l’art du sophisme : tirer toujours profit des situations les plus périlleuses, ne jamais céder à l’autocritique, laisser toujours entendre que ce que l’on a fait échappe à ce que l’on est.

Enfin, sommet de la démarche sophistique, décrédibiliser l’adversaire, aller chercher la contradiction, la mettre en scène avec d’autant plus de facilité que l’on a réussi, dans l’esprit des gens, à s’exonérer d’un bilan que l’on a construit. « Rupture », dit Sarkozy. « Rupture » avec lui-même. Mais « rupture » sans autocritique, donc profonde et inquiétante pathologie mentale. Oui, je le concède, par honnêteté intellectuelle, il y a une fureur de diabolisation dans le camp d’en face. Mais Sarkozy gère mal cette entreprise. Il la nie, paraît plus clair dans la formulation d’éléments de programme, mais il ne peut se sortir des griffes de la contradiction sans griffer plus fort encore. Il ne refuse jamais le combat à mains nues. Il aime saigner et faire saigner. Il aime la bagarre.

Et au final, malgré lui, le verdict du deuxième tour se jouera sur un élément qu’il ne soupçonnait pas aussi prégnant : l’humanité de la future présidence de la République. La part de caricature que l’on brosse de lui, excessive comme toutes les caricatures, il y rentre dedans, comme un éléphant, si j’ose dire, dans un magasin de porcelaine.

Ségolène Royal aussi est caricaturée : incompétente, manque de carrure… Mais dans cette guerre des défauts, que choisiront les Français ? Le doute ou la certitude, le risque ou l’assurance, le participatif ou l’unilatéralité ? Ainsi va la France : elle préfèrera toujours les défauts de l’humanité aux certitudes du libéralisme ; elle voudra toujours croire à un monde meilleur qu’à un monde adapté aux circonstances d’une globalisation qu’elle ne supporte pas de maîtriser ; elle ne comprendra jamais les 8 millions d’euros de Forgeard, les nouvelles règles économiques ; elle sera toujours moquée pour sa balourdise économique et elle accompagnera toujours ses enfants dans le délicieux TGV qui les mènera au-delà des mers, vers ce Londres boursier décomplexé, vers les paradis fiscaux éhontés, vers l’Amérique où les gagnants le méritent et les pauvres n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

La France n’a pas inventé par hasard la Révolution. Elle ne se satisfera jamais du monde comme il va. Elle s’indignera toujours face à l’indignité humaine. On dit qu’elle râle ; elle est lucide. On se moque d’elle parce qu’elle croit aux utopies concrètes. Elle ne se satisfait jamais d’échouer. Quand elle gagne, elle veut gagner pour tous. C’est une rêveuse, dans un monde sans pitié pour les rêveurs. Vieux pays, interpellé de toutes parts par ceux qui ont cru en lui.

Voilà, cher ami, ma vision de cette France. En fait, cette France n’ose pas dire à quel point elle s’aime. Parce qu’elle est multiple. Parce que le sentiment amoureux est complexe. Haine et répulsion. Après avoir dit non à la soumission du pays, De Gaulle traitait les Français de « veaux ». Il a risqué sa vie pour un pays de « veaux ». C’est ça la France, cher ami, une épopée romantique…

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Depuis que j’ai obtenu la brillantissime note de 3 sur 20 en math au bac (il est vrai littéraire), je ne me hasarde plus aux projections arithmétiques. Mais une légère incongruité comptable me dérange : à écouter les estimations de report de voix venues de tous les battus du premier tour, le boulevard chiffré annoncé à Sarkozy ne me paraît pas aussi largement ouvert. Et sur mon boulier personnel, le score pressenti s’apparente plutôt au 51-49 annoncé par un institut qu’aux 54-46 martelés par les autres.

Je crois que le coeur de l’électorat de Bayrou penche plus fortement qu’on ne le croit à gauche. Dans le cas contraire, le Béarnais n’aurait pas obtenu un score aussi élevé. Ce qui est étonnant dans cette élection, c’est le rejet de plus en plus fort que provoque Nicolas Sarkozy, pourtant archi-favori. Une seule question se pose donc : aurait-il fait le plein dès le 22 avril ? Aurait-il gonflé au maximum la voilure de l’UMP ? A-t-il finalement moins de réserve qu’il ne l’imagine ?

Je désespère de croiser des personnes raisonnablement rassurées par le succès incontestable de Sarkozy, ces 11 millions d’électeurs qui doivent fourmiller dans les villes ? Où sont-ils ? Où se cachent-ils ? Allez, je mouille le doigt : je pense que si Sarkozy l’emporte, ce sera d’une courte tête…

Je pense que les zélateurs bayrouistes en ont marre des coups de menton comminatoires des portes-flingues de l’UMP qui intimident dans les régions les petits députés UDF ? Je pense que le seul moyen d’atteindre l’Elysée pour Bayrou aujourd’hui est de se démarquer rageusement d’un Sarkozy qui ne lui ressemble pas ! Je pense qu’il y a plus de points communs entre Bayrou et Royal, sur fond d’un delorisme enfin surplombant.

Je pense que la France a sa petite idée en tête. Le soir du premier tour, en sortant fumer une cigarette, je me suis donné une entorse de la cheville droite. Je m’appuie aujourd’hui sur la gauche. Un signe ? Tous mes potes m’ont dit : « c’est plié ! ».

Tous mes potes ont trouvé l’intervention de Melle de Ségolène un peu molle. Tout le monde a trouvé Sarko très pro. Tout le monde est allé chercher un sac plastique pour vomir en apercevant les factotum de France 2 lui tendre le micro dans sa belle bagnole.

Il y a comme une grande partie de la France qui ne veut pas de Sarko. Qui s’inquiète de ce profil instable, de cette animalité politique, de sa réthorique mensongère, de ses colères, de ses frustrations.

Il y a comme une grande partie de la France qui a très peur de lui confier les clés de la maison France pour cinq ans. Ressentez-vous cette peur ? Ce scepticisme ? Cette crainte indicible ?

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Nicolas Sarkozy serait-il le Garincha du politique ? Cette ancienne étoile du football brésilien avait l’habitude de dérouter ses adversaires par ses dribbles chaloupés. Et le président de la République semble lui avoir emprunté cette vista. Car le paysage politique français d’aujourd’hui présente un air étrange, presque surréelle. Et, connaissant mon Sarko sur le bout des doigts, je suis sûr que le festival ne fait que commencer. Bien sûr, nous ne sommes qu’au début du quinquennat, avec ce doux air euphorique légèrement trompeur. Mais je crois qu’une nouvelle époque s’annonce, que l’on pourrait nommer la diversité assumée, mais l’expression ne me plaît guère.

Je ne sais pas si le président a déjà commenté la réaction de Martin Hirsh au sujet de la franchise sur le remboursement des premiers soins. Martin Hirsh avait très fermement condamné cette initiative. Aujourd’hui, il confirme. Martin Hirsh ne rêve pas de prébendes. Ne fait pas de la politique pour l’alimentaire. Il veut aboutir à la mise en place révolutionnaire du Revenu de Solidarité Active, qui consistera à ce que chaque reprise d’emploi se solde par un surplus salarial pour les personnes confrontées aux minima sociaux. Il est allé voir Sarkozy. Et ce dernier lui a dit : « OK, on n’y va, on le fait ». Quand un journaliste courageux demandera au président ce qu’il pense de la réaction de Hirsh à la franchise médicale, le président dira à peu près la chose suivante : « Vous savez, Martin Hirsh est un homme remarquable. Je souhaite qu’il réussisse dans son action et je lui donnerai tous les moyens pour qu’il y parvienne. C’est un homme indépendant et je respecte ses convictions personnelles.

Au nom de quoi (ah, les fameux « au nom de quoi » de Sarko) le fait qu’un homme de gauche soit en désaccord sur certains points avec mon action m’empêcherait de trouver avec lui d’autres terrains d’entente ? Je vous le dis, Monsieur Hirsh ne sera pas déçu de son passage dans le gouvernement de François Fillon ». Je l’imite bien, hein ?

Amis de gauche, orphelins d’une gauche moderne, nous qui avons brocardé pendant des années « la droite la plus nulle du monde », pour ne pas dire autre chose, nous voilà confrontés aux mêmes reproches… Parce que l’ensorcellement sarkozyste touche tout le monde : j’écoutais Bernard Marris à Ripostes hier soir, économiste de renom, l’un des rares alter mondialistes qui ne ferait pas fuir un patron cinq minutes après le début de la conversation, face à Alain Juppé, ministre d’Etat. Hallucinant ! ! ! ! Il y avait une complicité ubuesque entre les deux hommes ! Comme si l’inconscient collectif de gauche trouvait dans une droite décomplexée des raisons de fascination. Et le rôle du vrai contradicteur revenait au chafouin Eric Zemmour, journaliste au… Figaro, et dont les interventions sont toujours pertinentes.

Et on peut multiplier les exemples : j’aurais aimé être une mouche pour voir la tête des responsables des associations environnementales à la réunion de préparation du Grenelle sur le sujet ! Rien, même pas une critique un peu poussive d’un vieux porte-parole maniant la langue de bois en ébéniste expert ! Ah si, j’exagère : il y a eu la réaction des Verts, accusant « le Grenelle de dupes ». Wouah, génial les gars, l’espoir renaît.

Et Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet du Président, qui tente au quotidien de débaucher les membres de la République des Idées, en leur faisant passer ce message : « Le Président ne pose aucune conditions à vos ralliements. Vos idées seront mises en œuvre ». On dirait le pays de Oui-Oui ou l’Ile aux Enfants de ma jeunesse.

Ouuuuuuuuuu la gauche ! Ouuuuuu… où es-tu ? Un ami me disait récemment qu’il ne comprenait pas la royalphilie, qu’il considérait Ségolène Royal comme la plus mauvaise candidate du PS depuis 1969 et les 5 % de Gaston Defferre !

Cher ami, je vais te dire pourquoi j’ai autant aimé Ségolène Royal et que je l’aime peut-être plus encore aujourd’hui : je me demande comment elle a pu mener une telle campagne dans un tel état de désolation programmatique, dans un tel état d’impéritie du PS. Depuis le lendemain du deuxième tour, c’est courage fuyons à tous les étages ! On annone de grandes théories sur la fin du cycle d’Epinay dont la France entière se fout (c’est où Epinay, c’est quoi ?). Pas un seul responsable courageux du PS qui se lève et qui dise : on va dans le mur, à toute allure et on mettra dix ans pour récupérer du crash. Mais qu’importe les gars, hein ? Sarko recrute essentiellement à gauche, à l’américaine, il pique les cerveaux que vous avez laisser pourrir dans vos concélébrations congressistes avec des macchabées de luxe : Michel Rocard, Jacques Delors, Olivier Duhamel… Trop has been, les grands hommes, trop honteusement sociaux-démocrates !

Finalement, le seul qui me fasse sourire aujourd’hui, c’est François Bayrou et ses acrobaties sidérantes et intenables sur ses 7 millions de fans qui vont fondre au soleil de la dure réalité de nos institutions. Cruelles institutions mais justes institutions car personne ne veut d’un retour à la IVè République et à ses majorités ingouvernables et inconsistantes ! S’il existe un vrai refondateur au PS, qu’il se lève et qu’il marche. Il ne risquera rien puisque le Parti socialiste n’est plus qu’une armée à la dérive.

Moi, je ne suis rien, qu’un dispensateur d’énervements, mais j’en ai marre de voir la droite récupérer un Martin Hirsh dont le seul rêve était de venir en aide aux pauvres dans un gouvernement de gauche. Mais la route est bouchée de ce côté-là. Il a pris l’itinéraire bis. Les bénéficiaires potentiels des solidarités actives qu’il aura su mettre en place ne lui en voudront pas.

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A l’approche de l’élection présidentielle, les peurs françaises se précisent. Peur d’une rupture trop cassante avec Nicolas Sarkozy. Après avoir dragué les eaux de gauche (Blum, Jaurés, etc.), le candidat de l’UMP recentre sa stratégie sur le cœur de cible naturel de la droite française : la patrie, la lutte contre tous les désordres, la guerre faite aux fauteurs de troubles, inexcusables, le martèlement de la valeur travail, laissant supposer que ceux qui ne travaillent pas ne le veulent pas, qu’ils s’arrangent avec l’assistanat.

Le but inavouable de Sarkozy est d’ignorer les causes des maux ou de les minorer. Les assistés sont dans l’œil du viseur, les marginaux doivent rendre des comptes, les délinquants ne doivent recevoir qu’une réponse répressive de l’Etat…

Peur d’une inadaptation congénitale du discours de Ségolène Royal. Après un démarrage en fanfare, ébréchant un à un les tabous d’une gauche empoussiérée, la candidate PS aurait mis en sourdine sa volonté initiale de transformer la gauche de l’intérieur en créant simultanément un élan humain mais autoritaire, une France juste mais attentive aux plaies d’un libéralisme nécessaire provoquant cependant de la casse dans les couches sociales les moins préparées à sa force tsunamigénique.

Peur du pari osé d’un François Bayrou visant l’épanouissement d’un centre pour une thérapie équilibrée d’un pays fragmenté, en plein doute sur ses possibilités de rebondissement. A l’échelle de Richter de la prise de risque, François Bayrou est sans doute le plus actif mais il ne peut se débarrasser du jour au lendemain de l’instinct stratégique qui habite les démarches les plus audacieuses. En fin historien des mouvements politiques, il sait que les tenants des refondations ont mordu la poussière dans des aventures les propulsant dans l’anonymat des désidéologisations avortées. Peur, donc, ici encore, d’une impasse, d’une aventure sans lendemain, d’un rêve au réveil trop brutal.

Peur enfin de Jean-Marie Le Pen. Quelques indices auraient du nous alerter, comme ces études sérieuses attestant que les Français ont de moins en moins de scrupules à se dire racistes ou encore celle du Bureau international du travail montrant que la discrimination à l’embauche à partir de la couleur de la peau ou des caractéristiques typées des noms propres se renforce. Le Pen a détabouïsé le racisme ordinaire. Pour faire reculer la lepénisation des esprits, il eut fallu que la future ex-présidence entraîne la France vers un meilleur respect de ses diversités, cette France qui n’est pas seulement en bleu-blanc-rouge (la voir ainsi relève d’une pathologie daltonienne).

Cette campagne confronte finalement la France, très intéressée par la qualité des débats, à deux phénomènes : l’hésitation et le pragmatisme. Hésitation quant au choix de l’avenir. Pragmatisme affiché pour un choix authentique qu’elle sera amenée à faire : l’enfermement ou l’ouverture, le statut quo ou la réforme, rapide, nerveuse, tourneboulante.

Si Le Pen est encore au deuxième tour, il faudra cesser de faire de la politique comme avant. Parce que Marine Le Pen sera encore plus efficiente dans la stratégie de normalisation du FN que son père. Alors, cette France qui ploie mais ne craque pas, cette France bourrée de vitamines associatives, de créativités humaines mais qui ne sait à quel saint se vouer, dans quel état sera-t-elle au lendemain du 5 mai, après une énième crise de nerfs ? Qui sera le plus légitime pour lui administrer le traitement qu’elle attend depuis plusieurs années ? Qui lui permettra de sortir de la nasse de son « iréformabilité » ?

Crispée, atteinte d’un syndrôme obsidionnal lourd, la France patauge-t-elle aujourd’hui dans un climat pré-insurrectionnel, qu’une simple étincelle pourrait faire flamber, avec les conséquences dramatiques que l’on imagine ? La France sera-t-elle le premier pays riche de l’amorce d’une Révolution qui se répandra à la vitesse du TGV ? C’est cette France des peurs qui se présente devant l’isoloir les 22 avril et 5 mai prochains et, franchement, honnêtement, personne ne peut prédire aujourd’hui ce qu’il en sortira…

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Chère Ségolène,

Je viens de discuter avec un petit élu du secteur, je reprends sa formule, et il a eu cette phrase pleine de bon sens : « Le pouvoir, on ne te le donne pas, tu le prends ». J’ai trouvé le propos d’une grande pertinence. Donc, voilà Ségolène, je te fais parvenir quelques conseils de stratégie de campagne que tu te dois impérativement d’appliquer si tu veux te sortir avantageusement de l’irrationnalité ambiante.

1. La mode démagogique actuelle est à l’antitout. Le Graal, c’est l’anti-système, le bayrouisme insultant, pénitent, magicien, démiurgique. Le vote pour l’invisibilité, pour une synthèse imprévisible, un rapprochement détonnant des contraires. Votez et vous verrez. Le vote chantage. Voilà une formule que je n’ai pas entendu dans votre bouche, « le chantage de Bayrou », la mise à l’encan du vote des Français, une adultération des choix démocratiques, la sublimation du non-choix, l’émerveillement infantilisant devant une synthèse impossible. J’imagine que votre staff doit bûcher d’arrache-pied sur cette improbabilité de l’avenir. Tiens, une idée, Ségolène : pourquoi Bayrou a-t-il un programme alors qu’il ne sait pas avec qui il va gouverner ? Etonnant, non, cette façon de prendre les gens pour des ruminants ?

2. Revenir aux raisons de votre succès de l’année 2006. Une détabouïsation d’un Parti socialiste abcédant dans ses difficultés de clarification de sa raison d’être. Vous l’avez compris, Laurent Fabius s’est fourvoyé avec son gauchissement stratégique et il faut que vous vous adossiez sur le talent de DSK pour affirmer une sociale-démocratie expurgée des scories du blairisme. Vous devez mieux incarner la modernité d’une gauche qui condamne le libéralisme échevelé sans remettre en cause l’économie de marché qui, quoi qu’il arrive, régentera les rapports entre les pays pour de nombreuses années.

3. Les Français votent aujourd’hui comme ils achètent la dernière Play Station pour le petit. Ils cherchent le meilleur rapport qualité-prix, aiment bien l’accueil qu’on leur réserve au magasin, culpabilisent un petit peu par rapport à leur lâcheté mais arrachent ici ou là quelques justifications morales à leur comportement. Il faut leur donner comme un supplément d’âme à leur déprise sociale. Cette élection est celle de la classe moyenne que les pauvres exaspèrent, qui en ont marre d’une insécurité dont ils subissent en premier les retombées, qui en ont marre d’être la variable d’ajustement permanente des politiques sociales, etc. La puissance de fragmentation de notre société se situe au cœur des doutes des classes moyennes, exaspérées par un modèle social qui ne se réforme pas, par un jeu politique figé sur ses postures habituelles.

4. Je comprends pour vous la difficulté de donner un grand coup de pied dans la fourmillière socialiste. Vous avez produit en 2006 quelques jolis figures de style d’un détachement aéré, tant espéré, de la dogmatitude socialiste (ne prenez pas ce dernier terme comme une critique, j’adore les néologismes qui ravivent la langue française). En fait, je crois que la France aime votre courage de 2006. L’ennui, c’est que l’élection a lieu dans un mois, en 2007 donc. Le piège partidaire se referme sur vous. J’imagine de là avec effroi tout ce que cela doit impliquer en termes de saloperies en tout genre au sein de votre formation, les petites écuries des courants minuscules qui réclament des rééquilibrages mortifères, la déploration lacrymale de ceux qui préfèrent perdre pour attendre le prochain tour. Ah, mon dieu, ce temps-là est fini, ma chère Ségolène, ils ne le savent pas, le temps est à la vérité, au regard fixé sur le monde tel qu’il est, à réformer à partir des désorientations dont il est affecté.

5. Je voterai pour vous, bien sûr, parce que j’ai bien aimé ce vent frais de rénovation que vous portiez. Si, par malheur, vous n’étiez pas au deuxième tour, la gauche radicale aura gagné et les électeurs de gauche seront encore plongés dans le non-choix, un non-choix plus terrible encore que celui du 21 avril 2002. La droite ou la droite et non plus la droite ou l’extrême droite ? Je n’ai jamais voté blanc mais là, j’y serai bien contraint, par respect pour mes propres convictions.

6. Chère Ségolène, je me mets vraiment à votre place, si difficile. La démagogie est une vague que l’on arrête pas, un tsunami postural. Faites comme Bayrou, soyez plus démagogue, dites ce que vous avez au fond du cœur, donnez donc naissance à cette gauche que les Français attendent, loin de la monarchie miterrandienne, plus rocardienne, plus deloriste, plus réaliste, plus olivierduhameliste, plus respectueuse de ses talents que de ses équilibres de foire…

Je vous souhaite un prompt rétablissement… dans les urnes.

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Bon, de quoi on parle… Bayrou ? Je l’ai là, au bout des doigts, le Bayrou. Met tout le monde en cause, ç’a en devient presque assourdissant, une logomachie interminable, essoufflée.

Synthétisons donc : pour Bayrou, il était avant un jeune « conformiste » dont le « formiste », selon ses dires, était peut-être de trop. Il mène donc une campagne autodérisoire, partant de lui pour aller jusqu’au système, autolaudateur avec sa capacité de distance. Le mépris de soi et des autres est une forme d’élégance de l’intelligence. Bayrou est donc un « con » finissant qui ne se cache pas. Fort de cette lucidité, il veut exploser le formalisme du système politique français. Ce qui est plus ennuyeux, c’est qu’il en reste là.

Il me rappelle ces velléïtaires qui promettent au cours d’une beuverie de tout envoyer paître le lendemain matin mais qui retourne sagement au boulot une fois les vapeurs de l’alcool dissipées. Car l’imposture Bayrou n’est pas tant liée à sa propre évolution : annoncer que l’on va tout faire péter séduit généralement les masses et, à vrai dire, le système bipolaire tel qu’il est figé mériterait en effet quelques bouffées d’oxygène, ne serait-ce que pour permettre aux grands pourfendeurs des partis de gouvernement de se frotter aux sciences dures de la gouvernance (on imagine de là l’accueil qui serait réservé à Besancenot dans un sommet européen…).

L’imposture Bayrou, c’est la pochette surprise de l’après 22 avril. Il y a du camelot chez ce garçon. Faites-moi confiance, votez pour moi, on verra bien après. Avec qui Bayrou présiderait-il aux destinées de la France ? Votez, nous verrons plus tard. C’est quand même fou, non ? Un pays qui confierait sa destinée à un homme dont on ne sait avec qui il finira par gouverner.

A droite comme à gauche, pas un début de frémissement pro-Bayrou. Et si une candidature bouscule quelque peu le paysage habituel de la gauche, c’est plutôt celle de Nicolas Sarkozy, avec quelques ralliements salutaires (la gauche enfin débarrassée de Bernard Tapie) ou plus honteux (Bernard Kouchner, l’éternel incompris).

Bref, comment voter pour quelqu’un dont on ne sait aujourd’hui avec qui il va gouverner ? On s’en tamponne le coquillard, rétorquent les plus récents convertis, ex-sympathisants socialistes. Ralliement de dépit, violence de l’amour-haine, tout sauf le vieux système. C’est en cela que cette élection présidentielle ressemble finalement comme une sœur jumelle au référendum de mai 2005 sur le traité européen. Les Français ne veulent plus qu’on leur dicte leur manière de penser. Ils trouvent une justification sociale auprès de celui qui les invite au grand frisson de l’inconnu.

La seule question que je me pose est la suivante : si Ségolène Royal avait poursuivi dans cette dynamique du tout ou rien, refusant l’appui des « conformistes » éléphantesques, bousculant les dogmes bien assis, regardant la réalité en face sans se référer au bréviaire socialiste, peut-être galoperait-elle dans les sondages vers une victoire assurée…

Ceux qui basculent vers Bayrou au PS sont ceux qui ont cru, quelques semaines, à l’entreprise de décadrage de Ségolène Royal et qui n’ont pas admis qu’elle s’assagisse. Les Français votent donc désormais à l’aveugle et, si possible, pour le projet le plus transgressif. Bayrou flatte chez eux une forme d’exotisme du lendemain. Reste à savoir si le contenu aura la même saveur que le contenant…

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Cette campagne est trop longue. Le 22 avril, c’est si loin. La balle est désormais dans le camp le moins intéressant, celui de la communication. L’objectif des publicistes est de rapprocher le candidat des catapultes symboliques. Sarkozy chez un Druon bon pied bon œil, histoire d’atténuer cette image de libéral énervant, de ce libéralisme échevelé que les Français goûtent si peu. Une pincée de gaullisme social pour infuser un style, se démarquer des reproches que l’opinion, disséquée à la loupe, se forme sur des bouts d’apparence. Ce qui me surprend chez Sarko, c’est qu’il est toujours devant dans les sondages, que sa campagne a beau connaître des ratés, il garde le cap. Drôle de pays, aux certitudes volatiles, qui dit non au traité européen et s’apprête à élire le tenant d’une Europe qu’il a violemment rejeté. Est-ce à croire que les référendums ne seraient que d’immenses défouloirs, des rejets mimétiques, l’expression irrationnelle d’un mal être imparfaitement analysé, sans réponse ?

Comme prévu, le retour des éléphants socialistes alourdit la dynamique de campagne de Ségolène Royal. Presque écrit par avance. Ah, si tu m’avais écouté, Ségo ! Les Français voteront pour la rupture. La rupture et le vote utile font un bras de fer. Les hésitations de Jospin sur son mode d’intervention dans la campagne éveillent le souvenir d’une époque que le pays ne veut plus. La France ne croit plus en l’homme providentiel. Elle croit aux vertus de la sincérité, de la rectitude. Bayrou s’est engouffré dans la brèche. Avec une grande élégance littéraire, il appuie sur les ressorts de ce rejet, de cet antitout dominant, se pare des plumes de la vertu, promet un big-bang politique. Je prédis de là le ralliement de Kouchner ou de Rocard, la bienveillante approbation de Cohn-Bendit, tous des victimes de l’accul systémique du PS où les adoubements ne sont pas à partir des hommes mais des sections richement fournies en cartes et qui font la pluie et le beau temps des élections.

Travail titanesque pour Ségo. Tourner la page de la vieille machine PS, la révolutionner de l’intérieur en allant gagner la plus difficile des élections. La tentative du coup double. De la fine broderie stratégique. Pensée, subtilement pesée. Aujourd’hui, la souffrance du pays est à gauche. Mais le pays sera exigeant avec elle. Il veut des preuves concrètes d’une ère qui s’achève. Son pari est de sonner la marche en avant en portant l’ensemble du PS vers la rénovation. Trop lourd, peut-être. Trop utopique.

Les Français choisissent leur candidat comme ils regardent au JT les défilés de mode. Ils ne croient pas, au fond d’eux-mêmes, à la réalité de ces naïades déambulant sur la scène comme des messagères de l’Eden. Mais ils regardent, légèrement épuisés, les convictions dans les chaussettes. Ils regardent cette noblesse du port qui leur échappe, ce festin dont ils ne seront jamais les hôtes privilégiés. Ils cherchent la lumière d’un dépouillement, un reflet évocateur qui leur rappelle qu’une communauté heureuse est possible. Ils ne croient plus en la politique, ils croient en ceux qui le leur disent, ils croient à l’humilité, à l’effacement actif, au dépouillement moral.

Quelques-uns insistent sur le combat personnel que Bayrou entreprit pour dominer son bégaiement. C’est du Paris-Match pur jus. Du papier glacé apaisant sur la carrière brillante d’un homme qui eut à surmonter le défaut le plus insupportable de l’homme public. Bayrou est en empathie avec ce peuple dont les doutes bégaient. Il leur dit que tout est possible, que l’espérance s’offre à tous les hommes de bonne volonté. Avoir surmonté son bégaiement prédispose à une fascinante élocution. Le flux verbal de Bayrou n’a pas ce mécanisme autoritaire des certitudes moulinées d’un surplomb quelconque. Ce qui marche, en com’, c’est ça : afficher sa ressemblance aux autres, à ceux qui souffrent, faire admettre l’idée d’un lien, certes lointain, mais d’un lien quand même de partage compatissant d’une même vision du monde. La France adore se dire que tout va mal. Bayrou pointe avec une grande démagogie les responsables dont il s’extrait, comme s’il n’était pas responsable du capharnaüm, comme s’il échappait à la responsabilité du bilan. Savoir chuchoter à l’oreille du peuple qu’il détient la vérité, là est la clé du succès. Le seul contre tous a toujours marché. Le seul contre tous les fieffés du système est un scénario qui marche.

Je désespère d’avoir Ségo au téléphone. Je crois que je mènerai désormais campagne « dans mes rêves », comme chante un rappeur. Je vais apprendre à bégayer, ça pourrait servir. Souffrir comme le peuple que l’on veut servir sera mon slogan de campagne.

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C’est la rase campagne. Le pire moment d’une campagne, celui qui consiste à dire ce que l’on ne croit pas vraiment, où il faut manier la caricature pour estoquer, faire le rodomont pour toucher juste.

Sarkozy et Royal ont compris qu’il fallait jeter quelques clous au passage du cortège Bayrou, dernier chouchou de la France d’opinion (après Royal, d’ailleurs…). Alors, ils dénaturent le propos, donnent une importance au détail. C’est le moment, chers lecteurs, vous qui partagez comme moi la haine de la spéciosité, de prendre un peu le large, de lire les bons dossiers des journaux payants qui se meurent, d’interroger vos certitudes et non de les conforter en comptant les horions du front.

Ma femme me disait hier soir : comment tu as trouvé Bayrou ? Bien… Très bien, même… Est-on esclave d’un choix politique ? Doit-on être obligé, à partir du moment où l’on a déterminé ce choix, de s’y accrocher comme un affamé ? Ma liberté de penser m’empêche-t-elle de trouver Bayrou courageux, Besancenot nécessaire, Bové en léger mieux, Voynet en pleine possession de ses convictions et Dupont-Aignan en parfait équilibre sur la rupture gaullo-libérale de l’UMP ? Serai-je donc de la race des ovidés que l’on nourrit au même grain de l’ORTF depuis des années ? Ma Ségo attitude, que rien ne désarticulera, parce qu’il faut savoir faire un choix dans la vie, s’inscrit-elle dans un si piètre étrécissement du champ du débat ?

Ma chérie, je ne vais pas passer des heures à essayer de dégoter des arguments forcément brinquebalants sur l’inefficacité de la suppression des charges pour les deux premières embauches. Tous les patrons attendent ça. J’aurais bien mauvaise mine à lever le doigt au milieu d’une évidence et de dérouler, du haut de ma méconnaissance, une contre-offensive en toc…

L’honneur d’une démocratie est de renouveler, tous les cinq ans, l’exercice difficile mais nécessaire d’un choix pour l’avenir. La voix d’un poète écorché et celle d’une mémé qui dit oui, qui dit non, la voix de Barthez et de Houellebecq, la voix de Jean Daniel et de mon père, la voix de ce gros (…) qui m’a doublé tout à l’heure à 170 k/h et de cette délicieuse Roumaine que mon regard a croisée et qui fait regretter fortement l’imperméabilisation de nos frontières, cette jolie diversité pensante ou ruminante, aigrie ou dynamique, perdue ou retrouvée, formera la solidité d’un pacte, l’aspiration d’un peuple.

Sentir au plus près les entrailles du peuple. Ne pas se croire détenteur d’une vérité absolue. Avoir des convictions, certes, les défendre sans caricature, sans avancer le moindre contre-argument qui n’ait fait l’objet d’une vérification scientifique, sinon, on reste au niveau de la mondanité, qu’elle émane du Fouquet’s ou du Bar de la Plaine, c’est-à-dire un vague échange sophistique, où les grandes gueules l’emportent, où les torsions conceptuelles s’évident dans le temps inutile qui passe.

Là où Bayrou se trompe, c’est dans le film qui suivrait son hypothétique victoire. Il se trompe et le sait. Rien que pour voir le thriller des législatives, on aimerait bien qu’il l’emporte, finalement. Je suppose qu’il présenterait des candidats sous le label Majorité présidentielle. Mais la débipolarisation qu’il appelle de ses vœux passera-t-elle l’épreuve de la proximité ? Dès que l’on descend au niveau du local, d’autres éléments entrent en ligne de compte : la qualité du travail d’un élu, qu’il soit Vert, Rouge, Rose ou Bleu ; le réflexe de proximité connivente, de reconnaissance au travail effectué. En cas de victoire de Bayrou, je parierai bien volontiers sur un panache rose à l’assemblée nationale (car il y a deux dynamiques dans cette campagne, celle de Ségolène Royal, de reformatage du disque dur du projet socialiste, et celle de Bayrou, prônant l’intelligence des transcourants).

Et justement parce que Bayrou assure, depuis plusieurs semaines, que les Français sont intelligents : il ne faut pas sortir de Sciences-Po pour sentir que c’est à gauche que l’éventuel fléau de la balance politique du centre devra se déplacer pour atteindre son pari. Et les Français, grands joueurs, lui diront « chiche, François », v’là une bonne majorité de gauche pour ce centre qui a toujours été un centre-droit. Ils testeront la sincérité de la démarche de l’hyper centre que prône Bayrou.

Aucun coup de fil du QG de campagne de Ségo. Les nombreux messages d’encouragement que je reçois (5 à ce jour) me poussent à poursuivre le combat. Dans un film dont j’ai oublié le titre, Sean Penn regarde l’écran de télévision et parle au président de la République des USA parce qu’il a le sentiment que Nixon, je crois bien qu’il s’agit de Nixon, l’interroge.

Quand Ségo parle de libérer les énergies et les intelligences, je cherche la planche de salut de ma diachronie, comme l’écrit merveilleusement l’indispensable philosophe, Bernard Stiegler. Diachronise-moi, Ségo !

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L’art du mouillage. Puisqu’il faut se mouiller, sautons à l’eau, tout habillés de nos certitudes. Désapons les prudences, osons les pronostics.

Je ne pense pas que Bayrou sera au deuxième tour. Il lui manque la fougue tribale d’un Le Pen, la puissance utopique d’un monde passé au kärsher, blanc comme la neige du Kilimandjaro.

Sarkozy sera le représentant de la France quatrième ou cinquième puissance du monde. La France établie, celle qui restera à jamais convaincu que les Rmistes sont des cossards et que le Cac 40 est l’ectasy de la démocratie.

Royal a l’autorité douce de la mère, celle qui peut encore prendre la main d’un fils adulte monté sur 1m90 et le ramenait à la justesse heureuse de l’enfance.

Le Pen n’est pas en forme, distribue moins de foin haineux à la France des beaufs, celle des bars où le monde entier est une enfilade de paranoïas.

Besancenot parle juste, jamelisé par le profit insultant.

Laguiller fait son jubilé, son tube « travailleurs, travailleuses » se vend moins mais elle me manquera.

Dupont-Aignan n’est pas mauvais, franchement. Il est la Taubira de 2002 à droite. Respect.

Bové est pathétique.

Buffet expédie les affaires courantes, le PC est fermé de l’intérieur.

Voynet a du cran.

Nihous nous fait regretter Saint-Josse.

Au deuxième tour, malgré la branchouille Bayrou annoncée, je coche donc un duo Sarkozy-Royal avec une Royal l’emportant, contre toute attente, lors du débat télévisé.

Il est costaud, Fabius. Souvenez-vous, il y a quelques mois, s’interrogeant sur la garde des enfants du couple Royal-Hollande. Quel talentueux rétropédalage a-t-il du opérer pour exprimer sa dernière révélation divine, la Royal attitude. La fabusie est une administration française, avec élus, cadres énarchisés, belles mécaniques de think thank bien huilés.

La trajectoire flottante et vicieuse de la campagne de Royal affole légèrement ces femmes et ces hommes habitués aux notes rigoureuses, aux appréhensions franches des réalités de la France. Le problème de Fabius, c’est lui. Il appartient à ces hommes supérieurement intelligents qui méprisent tout le reste, sauf eux-mêmes.

J’attends avec impatience le meeting de Jospin. Si mon jospinisme a débandé ces dernières semaines, je dois reconnaître une fascination immarcescible pour l’homme de 1997.

Ségolène sera à Marseille prochainement. Elle me fait patienter, c’est une coquine.

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