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Archive for the ‘Economie’ Category

www.m6info.frCe qui est étonnant, dans la stratégie de suroccupation de l’espace médiatique de Nicolas Sarkozy, c’est qu’il ne se soit visiblement pas doté de spécialistes de la saturation d’exposition. Etre partout peut être bénéfique si et seulement si les résultats confortent ce bougisme.

Dans le cas présent, le côté faraud, un tantinet mariole de Sarkozy, du genre « je n’ai pas été élu pour ne rien faire », ce qui tapisse de poujadisme pour l’hiver tous les anciens présidents de la Ve en laissant supposer que ce n’est pas la difficulté de la tâche qui est élevée mais la molesse coupable de ces derniers, bref, Sarkozy a pris de vitesse… Sarkozy.

Etonnante inexpérience d’un homme qui a cru pouvoir dompter le temps politique, qui a cru, d’une certaine manière, que dire, c’était aussi faire… Bref, Sarkozy est pris à son propre piège. Et les résultats se faisant attendre, il risque fort de se retrouver dans cette situation paradoxale d’un choc fiscal espéré « désentimentalisé » avant même sa mise en œuvre (le 1er octobre).

Speedy Sarko va trop vite, même pour lui… Effet boomerang garanti : le peuple qui l’a porté aux nues attend les 3 % de croissance pour bientôt. Les effets de manche vont finir par ne plus suffire.

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www.agoravox.fr/IMG/Sarkozy_manager.jpgLa stratégie d’ouverture de Nicolas Sarkozy révèle une ambiguïté fondamentale du débat démocratique : la mise à nu de l’artificialité des antagonismes martelés lors des campagnes électorales. Si l’ouverture est si facile à mettre en œuvre, c’est parce qu’elle s’appuie sur un non-dit souverain : au-delà des démarcations sur le bien-fondé d’une politique, les Français ont l’intime conviction que la monochromie programmatique dessert les intérêts collectifs de la France.

Certes, une action politique ou sociale s’arrime au corpus d’une école de pensée dont les racines dessinent une appartenance politique. Mais, pour une grande majorité de Français, cette unilatéralité idéologique, siège d’une seule et unique vertu agissante, n’a plus cours. Pis encore, elle est dangereuse. Ce ne sont plus l’UMP ou le PS qui détiennent les clés d’une réussite politique, mais un peu des deux. Et la présidentialisation rampante de nos institutions va, de fait, renforcer ce mode de gouvernance.

Bien entendu, il existera toujours des campagnes électorales, où la part démagogique (une forme de scénarisation du culturisme idéologique) se taillera une place toujours importante, mais les futurs vainqueurs à la conquête du Graal présidentiel seront ceux qui, à l’évidence, auront su faire résonner dans leur campagne la douce mélodie syncrétique.

Le comportement électoral des Français s’apparente de plus en plus à un consumérisme durable. Ces derniers ont universalisé d’une certaine manière le rapport qu’ils entretiennent avec un élu de proximité. Qu’un élu soit de gauche ou de droite relève de plus en plus de l’anecdote, pourvu qu’il soit habité par le bon sens, que les équipements publics répondent aux attentes, que les rues soient propres, que les problématiques sociétales soient inscrites dans des réponses ajustées aux craintes d’un pays qui craint plus la mondialisation que la Chine ! C’est ce besoin de maternage, de réassurance à travers un projet réunificateur que les Français apprécient dans le comportement stratégique de Nicolas Sarkozy. Et contrairement à ce qui est dit, le dépeçage en règle du PS est plus une chance pour ce dernier que le contraire puisqu’il va activer la nécessité d’un élan refondateur au sein d’un parti dont le logiciel n’a pas seulement dysfonctionné mais a été purement et simplement volé.

La seule question haletante aujourd’hui est la suivante : ce pari de l’œcuménisme parviendra-t-il à trouver sa matérialisation resplendissante dans les faits ? Le pari de la mixité idéologique est-il jouable dans une confrontation de partis menacée par l’effacement des distinctions ? Nicolas Sarkozy ne fait finalement que préempter une révolution mentale de la pensée politique de la France, rendue possible par l’échec du crypto-marxisme et la dureté doctrinale de l’hyperlibéralisme.

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http://www.jacquesmarseille.frLongtemps accusée d’angélisme, la gauche a notablement évolué sur sa manière d’appréhender le vécu des Français. Elle sait aujourd’hui que l’insécurité est un agent actif de désaffiliation sociale ; elle a intégré que l’entreprise était l’indépassable allié d’une société apaisée ; elle a à peu près cerné le fait que la mise en place des solidarités actives au sein d’une société est le grand défi des prochaines législatures.

L’Etat protecteur est un savoir-faire français. Mais cet Etat est en crise pour la simple et bonne raison qu’il est, par essence, mouvant. Les Français de gauche, notion délicate à manier tant les sociotypies sont désormais branlantes, ont préféré le pacte crédible offert par un homme de droite. Pourquoi ? Nicolas Sarkozy est parti d’un constat simple : les Français ne souhaitent plus qu’on leur raconte n’importe quoi. Nous avons tous en tête le champ de l’ancien ministre de l’Intérieur en train de sermonner « la racaille » des cités. Qui était dans le contre-champ ? Une femme exaspérée. Nous sommes tous au regret de constater que la « racaille » existe dans les cités sensibles. Et pour être tout à fait honnête, j’ai souvent entendu des acteurs de terrain, issus des minorités visibles, tout aussi exaspérés, employer des mots beaucoup plus durs que Nicolas Sarkozy sur le sujet. Nous devons cette vérité à l’honnêteté du débat.

Mais la présence rongeante de cette « racaille » n’est pas en soi le problème principal. La difficulté est qu’elle règne en maître sur des quartiers où les référents économiques, associatifs, civiques et culturels ont déserté. Cette désertion en rase campagne est l’échec le plus symbolique de la gauche. Là où elle détient les pouvoirs locaux, elle n’a pas su se défaire de la logique de guichet destructrice de la politique de la ville, elle n’a pas su instiller de l’excellence politique pour qu’aux diagnostics de terrain les plus affinés correspondent des politiques d’une précision chirurgicale.

On ne cesse de dire et de répéter que la politique de la ville relève de la fine broderie. Les agents de l’Etat et des collectivités territoriales doivent être les représentants syndicaux d’un projet de vie validé par les habitants. La politique de la ville n’est crédible qu’à partir du moment où convergent les bonnes volontés de terrain et l’accompagnement humain et financier des pouvoirs publics. Si ce lien se distend, c’est l’ensemble de l’édifice qui s’écroule.

Comment vivent les 6 millions de Français parqués dans les cités sensibles ? Ils sont confrontés à un chômage récurrent, confrontés à l’inutilité sociale ; ils se marrent quand ils entendent dire qu’ils se vautrent dans l’assistanat alors que la moindre étincelle collective portée par un projet unifiant déclenche chez eux une soif de citoyenneté, de partage, de grégarisme.

Ces Français sont confrontés au mal de la délinquance des mineurs, « leurs » mineurs, « leurs » enfants. Et ils se marrent quand on les menace de supprimer leurs allocations familiales, comme si une telle mesure, d’une monstrueuse bêtise, allait activer une reprise en main éducative. Longtemps, ces parents se sont battus pour éviter le pire. Mais la drogue, la vie facile ont balayé leurs discours sur la prime accordée au mérite personnel. Pourquoi ? Parce que le père, perclus de rhumatismes, qui a tout donné à l’effort industriel de la nation, noie sa tristesse au bistrot et râle contre un système qui l’a mené au désespoir. Misérabilisme de situation ? Aller boire un petit café dans les derniers bars ouverts dans les cités sensibles, c’est très éclairant sur la perte de l’exemplarité paternelle.

Face à l’impuissance des pouvoirs publics, face à la démobilisation des acteurs associatifs, face à la désertion des femmes et hommes de culture, face au découragement organisé de l’audace, face aux dégâts causés par la désindustrialisation de la France, les cités ont renforcé leur décrochage. Les Français ont érigé des murs invisibles entre eux. Les uns ne vont plus là où les autres, incarnant une menace, vivent. Qui ne s’est pas dit, une fois dans sa vie, « comment font-ils pour vivre là » ? Qui ?

C’est sur ce terrain que la gauche a perdu la dernière élection présidentielle.

Oui, c’est l’emploi du mot « racaille » qui a permis à Nicolas Sarkozy d’être élu. Pourquoi ? La gauche aurait du promouvoir l’idée de la mise en place, dans tous les quartiers prioritaires, d’agence de cohésion sociale de proximité (logement, éducation, insécurité, etc). A la tête de l’agence, l’élite de l’Etat, pas un petit sous-préfet mal dégrossi et n’avançant qu’avec le Code général des collectivités en main comme référence absolue. Non, une femme ou un homme investi de la mission de « dégadgétiser » la politique de la ville. Son rôle ? De l’anti-tapisme permanent ; identification des dysfonctionnements dans la création d’une dynamique vertueuse de terrain ; mise en place de programmes de développement économique dits de micro-activités en lien avec les chambres de commerce et les représentants du patronat (commerces de proximité mais aussi entreprises de service à la personne) ; alerte sur les progressions d’insécurité sur le terrain avec renfort immédiat de personnel mobile (policiers et éducateurs de rue) ; réinscription de grands projets culturels et éducatifs de terrain. Le « patron » du territoire sera sommé de venir rendre des comptes sur son bilan, devant la population et les responsables politiques. En situation de mission, tout échec ou bilan mitigé entraînera sa destitution immédiate (la patience des cités a des limites). Mais, face à la difficulté de la tâche, il pourra exercer sa propre défense en pointant les errances administratives de l’Etat et des collectivités territoriales. Les pouvoirs publics doivent passer d’une politique d’affichage, de saupoudrage, à une démarche dynamique sanctionnée de succès visibles et renouvelée en permanence.

Ainsi soumises à un harcèlement permanent positif des pouvoirs publics, les cités se régénèreront de l’intérieur. Car il faut d’abord réactiver la confiance de ces femmes et de ces hommes montrés depuis trente ans comme des rebuts.

Bien sûr, il est facile, d’un petit blog bien chiadé, d’asséner des « faut que » et des « y’a qu’à ». Je l’entends. Mais qui pourra contester l’idée que l’absence d’autorité des pouvoirs publics dans les cités est la cause essentielle de leur perte ? Qui pourra contester qu’une femme ou un homme habité du sens de l’Etat, déterminé sur les objectifs à atteindre, libre de dire, d’accuser, de bafouer ce ridicule devoir de réserve de la fonction publique, ne se projetterait pas dans un tel projet avec une foi décuplée ? Dans les cités sensibles, il faut des soldats de la cause républicaine perdue. Des pitbulls chargés de pointer un doigt accusateur sur les défaillances sans risque d’être abattus par le chef de service et affichant en permanence le chemin à suivre pour rendre la vie meilleure. La translucidité inouïe de la gauche sur ce terrain a donc entraîné la défaite de Ségolène Royal. Parce que le réformisme de gauche ne doit plus seulement puiser son essence dans les mots valises de la vacuité rabâchée mais sur le terrain des possibles.

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http://www.medef.frLors de l’université d’été du parti socialiste en 2006, Lionel Jospin, ancien Premier ministre, aujourd’hui voué aux gémonies, définissait un cadre d’avenir pour le Parti socialiste : « Nous sommes de la longue lignée des socialistes réformistes. Réformer, c’est corriger, c’est changer en mieux. Mais que doit-on corriger et où est le mieux ? »

A cette question, aucune réponse n’a été apportée aujourd’hui. Le Parti socialiste se fait déborder de toutes parts par un Nicolas Sarkozy adepte de la triangulation (chasser sur des terres supposées ennemies…). En amputant une grande partie des thèmes de gauche, il rend un service utile au Parti socialiste : la nécessité de l’explosion, du grand big-bang refondateur et restructurant.

Je lance ici un appel aux Manuel Valls, Malek Boutih, Vincent Peillon et autres pour qu’ils s’émancipent définitivement d’un parti qui a atteint un tel niveau de décrépitude qu’il se réjouit d’un ressac rose aussi illusoire que fragile. J’ai beaucoup d’admiration pour Aurélie Filepetti dont j’ai apprécié les livres. Mais, à l’entendre dimanche soir dans l’émission Ripostes de Serge Moati, j’étais prêt à lui envoyer une bouée pour éviter qu’elle ne se noie dans l’indescriptible fragilité des propositions socialistes. Elle n’est pas en cause mais elle incarnait, à ce moment précis, ce qu’est aujourd’hui le PS : un mouvement translucide, de riposte, sur la défensive.

Je fais le pari qu’aucun habitant de ce pays ne serait en mesure de citer trois propositions claires du PS pour améliorer leur quotidien (une seule, d’ailleurs, ce serait bien). Et quand j’entends que Ségolène Royal n’a porté qu’avec des pincettes la proposition d’un Smic à 1 500 euros brut, parce que la proposition tenait de l’insulte à l’intelligence, je me dis que le grand guignol a été atteint, surpassé même. J’attends deux à trois choses du PS rénové :

1. Qu’il tourne le dos une bonne fois pour toutes avec la gauche messianique, autrement appelée radicale, dont certaines idées sont justes mais immédiatement plombées par l’irréalisme d’autres qui suivent. La gauche radicale veut la révolution. Elle se produira, peut-être, un jour mais sans les grandes entreprises qui auront pris le large depuis fort longtemps.

2. Que les rénovateurs sincères se réunissent dans une structure nouvelle, en acceptant l’idée de ne pas être élus dans les prochaines années. La machinerie socialo-étatiste leur barrera le chemin pendant quelques temps mais la force d’inventivité des rénovateurs débordera les chefferies locales et les officines pachydermiques plus rapidement qu’on ne l’imagine. Le PS n’a pas le monopole du socialisme rénové.

3. Que les rénovateurs enhardis mettent en face de chaque réalité sociale des mots ancrés dans le réel pour y faire figurer des programmes adaptés aux défis du siècle. Que la pédagogie reprenne ses droits, expurgée de tous les mots valises à la con, teintés d’un égalitarisme auquel même les plus pauvres ne croient plus.

Pour retrouver le chemin de l’efficience, le PS actuel doit déposer le bilan et laisse place à cette jeunesse déconnectée de tous les tabous qui font du PS français un lieu de germination de toutes les schizophrénies.

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http://www.diplomatie.gouv.frLe 6 mai au soir, lors de son premier discours de vainqueur de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a exhorté les pays méditerranéens de l’Europe à s’unir pour donner une impulsion nouvelle à la construction euroméditerranéenne. Pour Nicolas Sarkozy, il est temps de sortir de l’enlisement du processus de Barcelone. Initié pour dynamiser l’espace économique entre les deux rives, ce processus a déçu les attentes des pays du Sud.

Récemment, de passage à l’Elysée, Romano Prodi, président du Conseil italien, a convenu avec son homologue français de se pencher sur ce projet d’union de la Méditerranée. Avec un enthousiasme communicatif : « Nous allons proposer aux sept pays dits euroméditerranéens de donner vraiment une signification au niveau opérationnel à la politique de la Méditerranée, qui est prioritaire dans notre action commune ». Outre la France et l’Italie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, Chypre et Malte devront prochainement se prononcer sur cette convergence franco-italienne.

On peut espérer qu’une telle ambition confère à la région Paca et à ses villes phares (Marseille, Toulon, Nice) une place essentielle dans la mise en œuvre de ce projet. Les collectivités territoriales et les communes ont déjà pris l’habitude de travailler avec leurs homologues de l’autre rive. Et leurs efforts seront décuplés par l’affirmation, au sein de l’Union européenne, d’une primauté euroméditerranéenne.

Obsédée par l’intégration des pays de l’ex-bloc soviétique, l’Europe a délibérément penché vers l’Est ces dernières années. Il est grand temps de changer le centre de gravité de l’Europe. Entre les deux rives, les liaisons, inscrites dans la durée, sont marquées du sceau de la confiance. A un moment où les entreprises de Paca expriment leurs réticences sur l’eldorado chinois, où l’hyperactivité économique de la Chine se traduit par une balance du commerce extérieure très netttement favorable à cette dernière, les attentes respectives du sud de l’Europe, du Maghreb, du Proche et du Moyen Orient sont en mesure de satisfaire les acteurs économiques des pays concernés.

Au-delà de l’ouverture économique, cette nouvelle dynamique euro-méditerranéenne aurait pour effet d’inviter les pays du sud en conflit à s’emparer de la perspective concrète de lendemains meilleurs.

D’ores et déjà, les édiles locaux doivent construire les fondations d’une région Paca capitale d’une Euroméditerranée renouvelée, inscrite dans une évidente cohérence géostratégique. La région Paca a tout à gagner du déplacement de l’épicentre de l’Europe vers le Sud.

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guy4you.bleublog.chLe rebond qualitatif de la gauche au deuxième tour de l’élection législative comporte le risque de différer l’examen de conscience qui s’impose au vu notamment de cette réalité qui n’aura échappé à personne : la droite a bel et bien gagné.

Il ne s’agit pas de jouer les « casseurs » d’ambiance mais de fixer le paysage tel qu’il est. Ce retour au réel s’inscrit dans la continuité d’une démarche méthodologique : pour redevenir un parti en capacité d’incarner une alternative, tant locale que nationale, le Parti socialiste doit faire l’effort douloureux d’examiner les raisons de son échec. Cette démarche réclame une certaine dose de courage car elle risque d’appuyer sur des points douloureux.

Les observateurs les plus avisés ont insisté jusqu’à satiété sur l’absence d’un discours porteur des valeurs de la gauche. Cette critique est injuste sur le fond (le pacte présidentiel de Ségolène Royal comportait à l’évidence des éléments de révolution sociétale) mais juste sur la forme : plus que jamais, le temps hypermédiatique valorise le dire politique en circonscrivant l’agir politique.

Il faut s’interroger sur deux segments simples du débat cathodique surexposé tel qu’il s’est déroulé : Nicolas Sarkozy a réussi à capter les attentes du peuple français sur une revalorisation du travail (mécanisation du principe de la méritocratie, très en vogue dans un pays scindé entre les gagnants des 35 heures et les perdants de la mondialisation) et sur un travail de sape visant à démonétiser le principe de réalité tel que la gauche le conçoit.

Il a réussi la performance de faire passer la gauche pour l’incarnation d’un conservatisme forcément dangereux dans un monde dont la France semble ne pas détenir les clés des mutations rapides qui s’y déroulent. Les Français ont considéré que le discours musclé, réparateur de Nicolas Sarkozy était mieux à même d’opérer le déclic qu’ils attendent.

Dans un contexte où le modèle social français est caricaturé, désigné comme le mal absolu alors que les Français bénéficient à l’évidence des services publics les plus performants au monde (voir le film de Michaël Moore, Sicko, sur le système de santé des Etats-Unis), l’opinion a souhaité faire un pas en avant en espérant une déconstruction habile dudit modèle.

Cette confiance accordée au Président de la République procède d’un malentendu : ce vieux modèle raillé, dont il est de bon ton de fustiger les défaillances, fait l’objet d’une véritable vénération des classes populaires et moyennes. C’est notre totem commun. La France n’est pas l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni. Les populations de ces deux pays sont prêtes à faire des sacrifices (augmentation de la TVA de trois points en Allemagne, conditions drastiques imposées aux chômeurs au Royaume-Uni pour retrouver vaille que vaille un emploi) que les Français n’accepteraient pour rien au monde.

L’irréformabilité de la France relève de l’aporie (difficulté insurmontable) : notre pays n’accepte pas de perdre pour espérer gagner plus. Elle tient à sa protection sociale. Elle chérit son tryptique républicain « Liberté, égalité, fraternité » comme les Turcs chérissent leur laïcité. Les Français donnent mission à nos gouvernants de trouver une position médiane entre un Etat protecteur et la mise en place des conditions pour enclencher le cercle vertueux de l’entreprise France.

Comment ? Beaucoup d’experts pourraient jeter l’éponge face à ce défi hymalayen. La seule voie qui me paraît pertinente passe par la réconciliation entre les corps intermédiaires (syndicats, associations, partis…) et les gouvernants afin de dénicher, dans un dialogue permanent, les solutions d’une équation gagnant-gagnant. J’ai la conviction que ce chemin, forcément tortueux tant les blessures, les anathématisations subies ou échangées d’un camp à l’autre relèvent du sport national, peut entraîner d’heureuses surprises.

Prenons le cas du port de Marseille. Je suis convaincu que les esprits sont mûrs pour que des personnalités transfrontières puissent prendre le temps de concilier deux discours perclus de formules à l’emporte pièce, trop fortement pollués par des items claquemurés, opposition entre « sauvegarde du service public » et « renforcement de la compétitivité économique du port ». Pourquoi ces deux pôles resteraient-ils inconciliables ? N’existeraient-ils pas une ou deux convergences entre patronat et syndicats à partir desquelles le commencement d’un cheminement pourrait poindre ?

Autre exemple : la réforme ou la suppression de la carte scolaire. La priorité ne devrait-elle pas aller vers une refonte des modalités de carrière d’un professeur pour éviter que les plus expérimentés soient affectés dans des lycées prestigieux alors que les débutants se trouvent souvent dépassés dans des contextes difficiles et lourds ? Pourquoi ne pas généraliser certaines méthodes pédagogiques qui ont montré leur efficacité dans les zones sensibles ? Pourquoi ne pas donner plus d’autonomie à ces professeurs inventifs, dont il faut valoriser l’envie de contourner le désastre que représente l’échec scolaire pour un enfant ? Comment amortir le choc de la désafiliation sociale dans les établissements scolaires forcément exposés à des fragilités sociales plus grandes (elles sont a priori plus vives lorsque le chômage et l’oisiveté dominent que lorsque la stabilité financière et familiale est assurée) ?

Le temps des pratiques administratives est à l’audace. Il faut donner mandat aux plus inventifs d’aller au bout de leur réformisme plutôt que d’accepter un statu quo figeant les rancœurs et les échecs dans la durée. C’est sur ce terrain de l’inventivité progressiste qu’il faudra avancer pour que la gauche redevienne crédible auprès des Français dans une période de maturité civique et démocratique très forte.

Ces derniers ne sont pas aquoibonnistes. Ils veulent s’engouer pour des solutions crédibles, issues d’une analyse contradictoire de la réalité, où les fausses-bonnes solutions seront ramenées au simple témoignage d’une fidélité hériditaire.

Les Français sont désireux de discours effectifs. Ce constat imposera à la gauche une révolution interne, tant dans la rénovation de son discours que dans ses pratiques.

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http://conservativehome.blogs.com/torydiary/images/sarkozy_1.jpgSans être atteint ni de sarkophobie primaire, ni de sarkophilie douteuse, il est intéressant d’apprécier la manière avec laquelle Nicolas Sarkozy a occupé le champ des attentes et surtout des frustrations du « peuple de gauche », si cette étiquette signifie encore quelque chose.

Lorsqu’il appelle de ses vœux la liquidation de « l’esprit mai 68 », il ne ravit pas seulement les bourgeois rétifs aux bouleversements sociétaux. C’est plus subtil qu’on ne l’imagine : il s’adresse directement à la masse informe de cette gauche progressiste qui a réellement cru que l’après mai 68 marquerait une saine et positive transformation des mœurs, des rapports à l’autorité, de la prise en compte des spécificités de l’enfant… Cette marche en avant a eu pour conséquence l’affirmation d’une autonomie individuelle dont la croissance exponentielle des divorces est sans doute le marqueur le plus révélateur.

Cette nouvelle liberté, le fait en effet de s’émanciper d’une vie subie apparaît comme une conquête sociale, a étrangement pris une direction dramatique puisque l’on parle aujourd’hui de familles monoparentales, de pères seuls dormant dans leur voiture, d’impossibilité à faire fonctionner les familles recomposées, entraînant ainsi de fait une nouvelle configuration pathologique du vivre ensemble, avec une « déritualisation » de la geste familiale, que l’on peut moquer en colloque pour faire son beau intello mais qui, du Nord Pas de Calais à Marseille, de Nice à Angers, forme comme un socle commun, un lieu d’accompagnement unique de la vie de nos ados.

La libération du carcan familial a entraîné l’implosion des repères, même empoussiérés, qui faisaient de ce lieu l’aire d’impulsion de la transmission du pacte civique. Je vois autour de moi des tas d’adolescents frappés par ce qui vive des fondations. Les enfants sont plus des copains que des petits êtres en cours d’achèvement dont il faut aiguiser le sens critique, l’envie de citoyenneté.

La double conjonction des familles implosées et des familles qui ne se recomposent pas (trop de hiatus demeurent dans une séparation, on a oublié la férocité traumatique d’un divorce pour un enfant) débouche donc sur un tissu social effrangé, où les enfants rois ont pris la main, non par tyrannie malveillante mais par remords parental. Et Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, que j’ai eu le bonheur d’interviewer il y a peu, m’expliquait très justement que la reconnaissance sociale des démunis passe par la possession de Play Station 3 ou la location d’un mobil-home dans le Vercors, quitte à se saigner à blanc, à emprunter avec des taux d’intérêts à 18 %, comme s’il fallait éponger les saignements du contrecoup de la liberté chérie contenue dans le choix de sa nouvelle autonomie sociale.

Je vois autour de moi des familles culpabilisées. Attention, je ne veux pas faire mon vieux schnock en cours de sarkozysation rampante (je suis mithridatisé). Je rappelle tout simplement que la société se fonde sur des repères qui ont subi ces dernières années de violentes remises en cause et dont nous n’avons pas su pressentir les retombées néfastes sur des enfants sommés de s’adapter à l’inadaptable, à savoir la prise de distance autonome des seules autorités affectives et effectives autour desquelles ils se construisent, le père et la mère.

En accusant mai 68 pour d’autres raisons, pour renforcer la culpabilité de la gauche, pour dénoncer les limites de son réformisme et sa tentation séculaire de laxisme, Nicolas Sarkozy a aussi voulu s’adresser à toutes ces personnes dont la liberté sociale chèrement acquise a entraîné le délitement progressif de cette vieille et pataude notion familiale que rien ne remplace, qu’on le veuille ou non.

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http://www.mjsaquitaine.jeunesse-sports.gouv.fr

Cher ami,

Toi qui vit en Afrique, qui ressent au quotidien les effets du hachoir libéral, qui sait les conséquences crues de l’organisation du commerce international, tu me demandes de te donner mon sentiment sur l’élection présidentielle. Je ne suis pas un expert mais cela tombe plutôt bien : la mode est à la démagogie anti-expertise, l’expertise étant accusée de ne fournir qu’une vision tronquée des faits, in-humaines (j’insiste sur la césure).

Le grand frisson démocratique, de ce côté-là de la Méditerranée, c’est de sonder cette zone grise entre les faits, dont la scientificité est toujours plus remise en cause, et le ressenti d’en bas. L’exercice comporte de grands avantages et de réels risques : à force de nier la réalité (je viens de lire une étude sérieuse attestant que les aides publiques accordées aux entreprises du Cac 40 sont minimes et que les aides en question soutiennent déjà, abondamment, les petites et moyennes entreprises), on se détourne de la nécessité d’œuvrer avec pédagogie envers les citoyens. La nourriture pédagogique est une diététique démocratique : controuver la réalité encourage toutes les transgressions radicales.

La France est un pays habité par une foi révolutionnaire. Elle goûte peu aux discours sur la méritocratie et considère que les laissés-pour-compte ne seront jamais comptables de leur décrochage. Rien à voir avec l’état d’esprit anglo-saxon où les bonnes statistiques économiques masquent généralement les deltas vertigineux entre les revenus des uns ou des autres. La France n’épousera jamais les contours libéraux du marche ou crève bushien. La France ne sera jamais complètement fascinée par le modèle blairiste. Et les quelques décimales de croissance que nous perdons dans les confrontations dialectiques sur le modèle social s’arriment à ce patrimoine révolutionnaire : en France, le discours sur les inégalités ne fait jamais l’objet d’un solde pour tout compte.

De loin, ce pays peut paraître ployer sous de pondéreux paradoxes. Il dit non au référendum et s’apprête à élire pour le candidat le plus libéral sur la gamme des propositions d’avenir. A l’analyse, cette attitude relève de la logique : Sarkozy a instillé un peu de bushisme protectionniste dans son propos. Lorsqu’il indique que la Slovénie a purement et simplement supprimé l’impôt sur les sociétés (la Slovénie est un des 27 membres de l’Union européenne), il précise que Bruxelles n’est plus crédible pour venir lui chercher des poux dans sa volonté de disposer d’une certaine latitude fiscale (notamment sur la réduction de la TVA à 5,5 % sur les métiers de la restauration et de l’hôtellerie).

Bref, ce libéralisme qui effraie tant la France de gauche conserve une liaison forte avec la France qui se lève tôt, en flattant sa valeur et en laissant supposer que l’autre France, qui se couche tard, est irresponsable. Dans chaque corpus idéologique, il y a une petite porte d’entrée pour chacun. Mais ici, chaque débat est à examiner sous toutes les coutures. En tant que journaliste, j’ai eu le plaisir de discuter avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Il y a quelques semaines, ce dernier redoutait que la campagne électorale hexagonale ne tourne à la stigmatisation des assistés.

Le phénomène ne s’est pas produit, fort heureusement. Car, là aussi, la réalité n’est pas aussi simpliste que le débat aimerait le poser : les resquilleurs de l’Etat providence ne sont pas aussi nombreux que le café de commerce ne l’atteste… Pourquoi ? Parce que les Rmistes, pour ne prendre qu’eux, sont à 80 % demandeurs d’une activité professionnelle, même si cette dernière ne leur permet d’atteindre le même niveau de « rémunération artificielle » que celui atteint par les nombreuses aides publiques.

La France est un pays extraordinaire de 64 millions d’habitants qui croit romantiquement aux vertus du consensus. Ce dépassement consensuel est porté par François Bayrou. La culture de la confrontation idéologique a enkysté le pays. Il lui manque de l’huile entre les rouages. On peut multiplier les exemples. Deux mondes se haïssent profondément : celui de la formation professionnelle et de l’éducation nationale. Le premier loue la recherche d’une plus juste adéquation entre les besoins du monde du travail et les formations adaptées ; l’autre considère que cet adéquationnisme comporte des risques de pervertissement (le temps de la mise en place de la dite adéquation étant trop long par rapport aux mutations réclamées par le monde du travail).

Dans ce contexte est apparu un ovni : Ségolène Royal. Gagnera-t-elle ? Les sondages disent que non. Mais cette femme étonnante, accusée de tous les maux, parfois maladroite, a un réel don intuitif. En l’espace de deux ans (2005-2007), elle a ringardisé le Parti socialiste, lieu de synthèses improbables, où la mauvaise foi la dispute à l’irréalisme mal feint. Tous les sondages, qualitatifs ou quantitatifs, la placent généralement derrière Nicolas Sarkozy, animal politique, déroulant des argumentaires fortement empathiques.

Que dit-elle ? La France a des ressources, la France est en quête d’équilibres, la France a besoin d’apaisement. Tout le monde gagnera (donnant-donnant) et si un seul groupe social perd, c’est tout le monde qui sera entraîné vers le bas. Un joyau harmonique que Sarkozy n’a pas encore perçu et qui risque de lui péter à la gueule (mille excuses pour l’expression triviale) au soir de son débat avec Ségolène.

Nicolas Sarkozy souffre d’un complexe de supériorité : il ne doute pas, c’est ce qui fait sa force. Mais cette trop belle assurance est anxiogène. Pis encore : elle le déshumanise. Sa force de frappe dialectique emprunte au détail (la petite fille du gendarme tué qui lui demande de sortir son papa de la boîte, fait éminemment triste, dont il laisse entendre qu’avec lui, ministre de l’Intérieur au moment où le gendarme en question est scandaleusement entré dans la boîte, il n’y aura plus de moments de tristesse aussi forts). C’est l’art du sophisme : tirer toujours profit des situations les plus périlleuses, ne jamais céder à l’autocritique, laisser toujours entendre que ce que l’on a fait échappe à ce que l’on est.

Enfin, sommet de la démarche sophistique, décrédibiliser l’adversaire, aller chercher la contradiction, la mettre en scène avec d’autant plus de facilité que l’on a réussi, dans l’esprit des gens, à s’exonérer d’un bilan que l’on a construit. « Rupture », dit Sarkozy. « Rupture » avec lui-même. Mais « rupture » sans autocritique, donc profonde et inquiétante pathologie mentale. Oui, je le concède, par honnêteté intellectuelle, il y a une fureur de diabolisation dans le camp d’en face. Mais Sarkozy gère mal cette entreprise. Il la nie, paraît plus clair dans la formulation d’éléments de programme, mais il ne peut se sortir des griffes de la contradiction sans griffer plus fort encore. Il ne refuse jamais le combat à mains nues. Il aime saigner et faire saigner. Il aime la bagarre.

Et au final, malgré lui, le verdict du deuxième tour se jouera sur un élément qu’il ne soupçonnait pas aussi prégnant : l’humanité de la future présidence de la République. La part de caricature que l’on brosse de lui, excessive comme toutes les caricatures, il y rentre dedans, comme un éléphant, si j’ose dire, dans un magasin de porcelaine.

Ségolène Royal aussi est caricaturée : incompétente, manque de carrure… Mais dans cette guerre des défauts, que choisiront les Français ? Le doute ou la certitude, le risque ou l’assurance, le participatif ou l’unilatéralité ? Ainsi va la France : elle préfèrera toujours les défauts de l’humanité aux certitudes du libéralisme ; elle voudra toujours croire à un monde meilleur qu’à un monde adapté aux circonstances d’une globalisation qu’elle ne supporte pas de maîtriser ; elle ne comprendra jamais les 8 millions d’euros de Forgeard, les nouvelles règles économiques ; elle sera toujours moquée pour sa balourdise économique et elle accompagnera toujours ses enfants dans le délicieux TGV qui les mènera au-delà des mers, vers ce Londres boursier décomplexé, vers les paradis fiscaux éhontés, vers l’Amérique où les gagnants le méritent et les pauvres n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

La France n’a pas inventé par hasard la Révolution. Elle ne se satisfera jamais du monde comme il va. Elle s’indignera toujours face à l’indignité humaine. On dit qu’elle râle ; elle est lucide. On se moque d’elle parce qu’elle croit aux utopies concrètes. Elle ne se satisfait jamais d’échouer. Quand elle gagne, elle veut gagner pour tous. C’est une rêveuse, dans un monde sans pitié pour les rêveurs. Vieux pays, interpellé de toutes parts par ceux qui ont cru en lui.

Voilà, cher ami, ma vision de cette France. En fait, cette France n’ose pas dire à quel point elle s’aime. Parce qu’elle est multiple. Parce que le sentiment amoureux est complexe. Haine et répulsion. Après avoir dit non à la soumission du pays, De Gaulle traitait les Français de « veaux ». Il a risqué sa vie pour un pays de « veaux ». C’est ça la France, cher ami, une épopée romantique…

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